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Petites éoliennes, grandes ambitions : comment Bonvan a réussi à financer son innovation
Les petites histoires font parfois la grande Histoire. Encore étudiant en classes préparatoires scientifiques, Benjamin Graux s'est retrouvé confronté aux difficultés d'installer de petites éoliennes chez soi. « Mes parents voulaient s'équiper d'une éolienne dans leur jardin pour se tourner vers une électricité verte. Ils réagissaient aussi à l'augmentation du coût de l'électricité et au risque de coupure au début de la guerre en Ukraine. Mais ils n'ont pas trouvé de solution à la fois fiable, accessible et performante », raconte Benjamin Graux.
Son projet de première année d'études à Centrale Lyon sera ainsi consacré à ce sujet. Il intègre l'association d'entrepreneuriat et d'innovation de son école d'ingénieurs, Genius, où il rencontre Loris Goyet. Tous deux obtiennent le statut d'étudiant-entrepreneur pour travailler sur leur innovation en parallèle de leurs études.
Début 2023, leur projet, encore sur papier, devient lauréat du concours Campus Création du centre d'entrepreneuriat Lyon Saint-Etienne, doté de 1.000 euros. Le coup de pouce nécessaire au lancement effectif de Bonvan. « Nous avons créé la SAS Bonvan à Lyon en juin 2023. Avec 67 % des parts, j'en assure la présidence quand Loris, qui en détient 33 %, est devenu directeur technique », indique Benjamin Graux.
En 2025, après deux ans de recherche et un premier prototype, leur éolienne a levé l'ensemble des freins du petit éolien. Elle est éco-conçue, silencieuse, hors-sol, mobile, rétractable, installée en moins d'une heure et maintenue en un temps record. « Elle produit 4.000 kWh à l'année au minimum quand un foyer consomme en moyenne 4.600 kWh par an », explique Benjamin Graux.
Cumuler les subventions
Les associés ont lancé Bonvan avec seulement 300 euros de capital social. Autant dire très peu. « Mais nous avons complété avec 10.000 euros en compte courant d'associés. C'est important car cet apport est considéré comme des quasi-fonds propres par beaucoup de financeurs », indique Benjamin Graux.
Démarre alors la phase de recherche de fonds pour soutenir le développement du projet. Il faut payer les prestations des laboratoires partenaires : le laboratoire Ampère, la plateforme technologique RAO de l'Insa de Lyon ou encore un bureau d'études industriel de la région. Le matériel pour le prototype, les logiciels, la création d'un site web, les services d'un expert-comptable…
Les charges s'accumulent. « Sans cash, le projet est impossible. Donc, pas le choix. Même si c'est au détriment de notre R&D, nous avons dû consacrer du temps aux premiers dossiers pour obtenir des subventions », témoigne Benjamin Graux.
Les associés se rôdent peu à peu au maniement du logiciel FISY, un prévisionnel financier incontournable dans nombre de candidatures. « Au fur et à mesure, la constitution des dossiers est devenue mécanique », avoue-t-il. Le dispositif de financement Start-Up & Go des entreprises innovantes en Auvergne-Rhône-Alpes leur octroie 10.000 euros fin 2023. La Ville de Lyon abonde aussi de 2.000 euros dans le cadre de son programme de financement Jeunes Lyon 2030.
Suivra l'obtention de la bourse French Tech de Bpifrance à hauteur de 20.000 euros à la mi-2024. « Bpifrance ne finance que 70 % de l'assiette de dépenses présentées. L'entreprise doit prouver qu'elle peut assumer les 30 % restants. C'est à cela que nos 10.000 euros de compte courant d'associés ont servi », détaille Benjamin Graux.
Pour convaincre Bpifrance, il leur a aussi fallu défendre la rentabilité économique de leur innovation. Leur business model repose sur deux piliers. « Le premier est la vente simple de nos éoliennes. Le second consiste à déployer gratuitement les éoliennes chez nos clients pour leur revendre l'électricité produite à prix réduit. Le surplus éventuel sera valorisé auprès d'acteurs énergétiques », décrit Benjamin Graux.
La preuve de marché par des précommandes finit d'emporter la mise auprès de Bpifrance. « Au dépôt de dossier, nous avons pu afficher une cinquantaine de préventes, principalement des particuliers mais aussi des lieux d'hébergement », souligne Benjamin Graux. En septembre 2024, l'obtention d'une subvention Objectif Labo de la SATT Pulsalys leur permet de couvrir une partie des services du Laboratoire Ampère.
Concours et levée de fonds à venir
Outre les subventions, Bonvan a remporté plusieurs concours dotés de petites enveloppes comme Innov Adira, SBC Challenge ou le prix Enactus. D'autres prix leur donnent une plus grande visibilité, tel le prix BFM Business. Pour être informé de l'ensemble de ces sources potentielles de financement, Benjamin Graux souligne l'importance d'être bien implanté dans son écosystème régional.
« Nous sommes en relation permanente via LinkedIn ou par mail avec le Centre d'Entrepreneuriat, le Moovjee, le pôle de compétitivité Tenerrdis, le Noise de l'EM Lyon, Entrepreneurs pour la planète, Go2Innov, la Fabrique de l'Innovation, l'association Impact Us, les écoles Centrale ou l'Insa, la French Tech de Saint Etienne », confirme-t-il.
A petite éolienne, grande ambition. Bonvan prépare aujourd'hui un tour de table avec pour objectif une levée de 500.000 euros. « Ce sera un mix de financements en provenance d'investisseurs (des business angels et un fonds), de prêts d'honneur, de prêts bancaires, d'aides de Bpifrance et de subventions de la Région », détaille Benjamin Graux.
Bonvan met en avant la traction commerciale du marché, avec aujourd'hui 150 précommandes, pour continuer à avancer sur la partie industrielle. L'objectif est de financer un atelier d'assemblage en interne capable de produire 200 éoliennes en 2026 pour un chiffre d'affaires prévisionnel de 500.000 euros. Une deuxième levée de fonds fin 2026 devrait financer l'outillage de production en série.
Cinq moyens de financer une innovation
Au-delà de l'exemple Bonvan, voici les conseils de Cédric Chupin, expert en financement de l'innovation, président fondateur de Winbids, plateforme spécialisée des prestataires en innovation. Selon lui, il existe cinq moyens de financer son innovation : - les aides publiques, subventions ou avances remboursables ;- les dispositifs fiscaux de type CIR (crédit d'impôt recherche), CII (crédit d'impôt innovation), le statut ; de JEI (Jeune entreprise innovante) ;- les levées de fonds avec différents niveaux en fonction de la maturité du projet ;- les prêts à taux zéro ou prêts bancaires ;- les préventes c'est-à-dire l'argent de ses futurs clients.
« Je recommande de découper son projet en étapes pour adapter son plan de financement aux besoins de ces différentes phases. Commencer par des subventions peut être une bonne idée. Mais attention, une subvention est conditionnée à ses fonds propres. En d'autres termes, il y aura un euro d'aide publique pour un euro de fonds propres. Donc pour activer ces dispositifs, il faut un minimum de fonds propres, en provenance des entrepreneurs eux-mêmes ou du love-money. Il est possible de se lancer avec moins de 30.000 à 50.000 euros de capital, mais cela va réduire l'effet de levier.
La bourse French Tech, elle, finance jusqu'à 70 % du budget du projet, à hauteur maximale de 30.000 euros. Régionale, elle est octroyée pour des projets de rupture à fort impact. Près de 10 à 15 % des dossiers sont retenus. Ensuite, les dispositifs fiscaux sont des crédits d'impôts dont l'entreprise bénéficie une fois les dépenses de recherche engagées, c'est-à-dire l'année suivante en déduction de son impôt sur les sociétés.
Le CIR et le CII sont plafonnés respectivement à 30 % et 20 % de l'assiette des dépenses. Mais ils sous-entendent des dépenses de personnel donc des salariés.
Pour les levées de fonds, pour convaincre les investisseurs, il faut prouver la traction du marché donc l'envie d'acheter un produit technologique qui a montré sa performance. La levée de fonds intervient pour accélérer la commercialisation du produit, non pour aider à lever les risques de R&D, une étape plutôt couverte par les aides publiques.
Les prêts à taux zéro de Bpifrance, les prêts d'honneur du réseau Entreprendre ou du réseau Initiative attribués à titre personnel au fondateur, jusqu'à 50.000 euros, permettent de ne pas se lancer dans des financements coûteux. Enfin, les préventes impliquent d'avoir suffisamment avancé dans sa R&D pour demander à ses clients de parier sur son produit et sa start-up. »