« Tout ce que fait l'administration Trump nous préoccupe », le combat des supporters LGBTQ + à Washington
Il arrive que l'arc-en-ciel n'attende pas la fin de l'orage pour se montrer. Depuis janvier et le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, la communauté LGBTQ + (lesbiennes, gays, bisexuel·les, trans, queer) des États-Unis vit désormais au rythme des annonces la stigmatisant. Et elle se mobilise.
Décret interdisant aux femmes transgenres de concourir en compétition dans les catégories féminines, gel des financements de la recherche liée aux personnes trans, bannissement de l'armée, annulation des programmes de diversité... L'inventaire pourrait encore noircir beaucoup de papier tant la nouvelle administration s'est évertuée à attaquer cette communauté.
« Moi Sapir Berman, première arbitre trans du foot professionnel »
Dans son discours d'investiture, le 20 janvier dernier, le président américain avait déclaré que son gouvernement ne reconnaîtrait que deux genres : homme et femme. Et durant la campagne électorale, 215 millions de dollars (182 M€) auraient été consacrés à des publicités anti-trans. Sous couvert d'anonymat, un supporter, employé fédéral, a expliqué qu'il ne pouvait plus utiliser certains mots dans ses mails sous peine de se faire licencier.
L'Audi Field, stade de la contestation
Mais la rive gauche du Potomac, où sont situés tous les lieux de pouvoir de Washington, abrite aussi un espace de contestation : l'Audi Field, le stade où évoluent les clubs du D.C. United (MLS, Championnat masculin) et du Spirit de Washington (NWSL, Championnat féminin).
Une coalition créée aux Etats-Unis et au Mexique pour éliminer l'homophobie
À chaque rencontre, la tribune nord accueille des ultras LGBT. Le groupe 202 Unique, en référence à l'indicateur téléphonique de Washington, affiche son drapeau pendant les matches féminins et masculins. Outre le D.C. United, seuls l'Atlanta United et le Los Angeles FC ont une section de supporters se revendiquant LGBT en MLS.
« Nous avons créé ce groupe parce que nous ne sommes pas les supporters de clubs d'une ville comme les autres, souligne Jake Didinsky, cofondateur de 202 Unique. Mais notre objectif n'était pas d'être au centre de l'attention, plutôt de faire partie du collectif des groupes de supporters. Nous ne considérons pas notre orientation ni notre identité sexuelles comme un problème politique ou social. C'est notre façon de vivre. C'est ce concept général qui a présidé à sa création. »
Le regard du trentenaire aux cheveux colorés s'assombrit lorsqu'il s'agit de raconter les six derniers mois : « Tout ce que fait l'administration Trump nous préoccupe. Nous nous inquiétons de savoir si quelqu'un va attaquer notre section parce que nous avons des drapeaux arc-en-ciel. Nous nous inquiétons de choses qui ne devraient peser sur personne lorsqu'on va soutenir son équipe. Nous accordons beaucoup plus d'attention aux menaces que nous recevons parce qu'elles pourraient être crédibles. »
« Les gens qui auraient réfléchi à deux fois avant de prononcer une insulte homophobe ou raciste sous un autre gouvernement le font ouvertement parce qu'ils considèrent que l'un des leurs est à la Maison-Blanche »
Jake Didinsky, cofondateur de 202 Unique
Et Jake Didinsky de poursuivre : « Nous pensons que l'administration Trump encourage les pires désirs des gens et le pire de l'humanité à se manifester. Les gens qui auraient réfléchi à deux fois avant de prononcer une insulte homophobe ou raciste sous un autre gouvernement le font ouvertement parce qu'ils considèrent que l'un des leurs est à la Maison-Blanche. »
Une récente étude de l'organisation à but non lucratif GLAAD, qui se consacre à la défense des droits de la communauté LGBTQ +, a recensé 932 attaques contre des personnes de cette communauté dans le pays entre le 1er mai 2024 et le 1er mai 2025. Ces violences ont fait 84 blessés et 10 morts. Des chiffres potentiellement sous-évalués car le bureau des statistiques du ministère de la Justice a supprimé l'identité de genre dans ses enquêtes.
Chapeau rose et ongles bleus
Lors des matches du Spirit de Washington, la contestation se manifeste pendant l'hymne national américain, joué avant toutes les rencontres sportives du pays. De nombreux supporters mettent un genou à terre, un geste initié par le footballeur américain Colin Kaepernick pour dénoncer le racisme et les violences policières envers les minorités.
Une publication partagée par Washington Spirit (@washingtonspirit)
Capo survitaminée du Spirit Squadron, principal groupe de supporters du club féminin, Meredith Bartley estime qu'elle ne « peut pas être patriote en ce moment. Nous essayons de rendre notre tribune encore plus sûre à cause de la politique actuelle. Nous menons une campagne pour que les personnes trans sachent qu'elles sont en sécurité ici. »
Le terme de « safe space », « espace sûr » en français, a été utilisé par toutes les personnes que nous avons interrogées en tribunes. Comme si, le temps d'une rencontre, les gradins constituaient une bouffée d'oxygène, une occasion de s'évader d'un quotidien sombre qui risque de durer jusqu'à la prochaine présidentielle (2028). Au moins.
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« Même si ce n'est pas lui (Trump) au pouvoir, nous savons que la haine est là, et nous devons rester forts. Nous serons toujours là, quoi qu'il arrive. Peu importe qui est à la Maison-Blanche, nous devons faire ce que nous pouvons dès maintenant pour assurer la sécurité des gens », reprend la jeune femme queer en s'assurant que les drapeaux sont bien répartis dans la tribune.
Cet objectif est partagé par le Spirit de Washington. Responsable des relations avec les supporters, Leslie Mojica explique que le club est très attaché à ce que les personnes LGBTQ + se sentent bien lorsqu'elles assistent à un match, dans la tribune des ultras comme dans le reste du stade.
Car le club se doit d'assumer un rôle d'exemple : « Les regards sont braqués sur nous tout le temps, qu'ils soient liés à notre équipe ou non. Le fait que nous soyons le Spirit de Washington, ici dans la capitale du pays, et que nous ayons des groupes LGBTQ +, que nous fassions entendre ces voix et que nous soutenions cette communauté, montre comment d'autres équipes à travers le pays devraient également soutenir les LGBTQ +.»
«Les quatre années à venir seront difficiles pour les enfants homosexuels et queer »
Chris Ramos, capo des supporters du Washington Spirit
Chapeau rose sur la tête, ongles bleus, Chris Ramos est l'autre capo de la tribune. Avant de s'égosiller au mégaphone, assis sur son estrade, il prend le temps de partager ses craintes : « Les personnes homophobes se cachent beaucoup moins maintenant. J'entends régulièrement des remarques, des petits commentaires. En tant que personne travaillant dans les écoles, je pense que les enseignants craignent de plus en plus de parler de tout cela, de peur de perdre leur emploi. »
Et Ramos de préciser son propos : « Or, l'une des choses les plus malveillantes que l'on puisse faire, c'est qu'il ne soit plus confortable ou facile d'expliquer ces sujets aux enfants. C'est ce qui me brise le plus le coeur. La prochaine génération est si impressionnable et précieuse. Les quatre années à venir seront difficiles pour les enfants homosexuels et queer. »
Le foot masculin moins accueillant
Si le foot féminin est un environnement accueillant pour la communauté LGBT, le foot masculin peut encore s'améliorer. Quand des dizaines de drapeaux arc-en-ciel sont agités en tribunes lors des matches du Spirit, une bannière solitaire est accrochée aux grillages durant les rencontres du D.C. United.
Et parfois, ce ne sont pas les supporters adverses qui se montrent les plus hostiles. « Au début, des gens se demandaient : "Quel est l'objectif de ce groupe ? Une question de société ne devrait pas être le socle d'un club de supporters" », se rappelle Jake Didinsky de 202 Unique.
Une publication partagée par Audi Field (@audifield)
Avant de poursuivre : « Certaines personnes estimaient même que nous rendions l'équipe mauvaise parce que nous brandissions un drapeau arc-en-ciel en tribunes. Maintenant, les choses se sont améliorées, les autres groupes de supporters ont vu que nous étions dans le même camp qu'eux. Mais si vous me demandez à quelles rencontres je préfère assister, c'est à 100 % aux matches des femmes. Parce que je ne vais probablement pas m'y faire traiter de pédé, ce qui arrive régulièrement lors de rencontres du D.C. United. »
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Contacté pour réagir à ce problème, le club n'a pas répondu à nos sollicitations. Le souvenir d'une insulte homophobe lancé par un adolescent il y a quelques saisons reste aussi ancré dans la mémoire du supporter. Pour lui, le Championnat de MLS ne cherche pas assez à éradiquer ce problème, coincé par le fait que les supporters hostiles envers la communauté LGBTQ + sont aussi ceux qui assurent le plus l'ambiance durant les rencontres.
Chant homophobe en espagnol
« L'homophobie fait malheureusement partie de la culture des supporters, prolonge Jake Didinsky. Par exemple, un chant homophobe en espagnol est lancé à chaque fois que le gardien adverse dégage le ballon. Il est repris par la foule sans savoir ce qu'il signifie parce que tout le monde est bourré. Quand on explique cela, les gens comprennent que ce n'est pas bien et il leur arrive de s'arrêter. Mais c'est toujours plus facile de suivre le mouvement quand c'est homophobe que quand c'est raciste. »
En attendant une (r) évolution des mentalités, les groupes de supporters LGBTQ + font entendre leurs voix, une bière à la main, le maillot de leur équipe sur les épaules. « Le pays traverse une période effrayante, déplore le capo Chris Ramos. Les dirigeants préfèrent que nous nous divisions pour rester au pouvoir. »
Comme leur équipe du Spirit, qui s'est battue pour éviter ce jour-là la défaite contre les Royals de l'Utah (3-3), les fans LGBTQ + ne s'avouent pas vaincus. Ils portent leurs revendications au coeur des stades pour le respect de leurs droits, en espérant qu'un jour leur combat ne soit plus d'actualité. « Idéalement, nos groupes de supporters ne devraient pas exister, philosophe Jake Didinsky. Mais ce n'est pas la réalité du monde dans lequel nous vivons. »
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