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Comment la peur des hommes hante le quotidien des jeunes Suissesses

Comment la peur des hommes hante le quotidien des jeunes Suissesses

24 Heuresa day ago
Écouteurs sur les oreilles et applications de géolocalisation: bienvenue dans l'arsenal défensif d'une génération dont plus de la moitié vit dans la crainte. Témoignages. Publié aujourd'hui à 18h03
Des personnes manifestent à l'appel des collectifs Grève des femmes Vaud et Jamais sans mon consentement, le 21 août 2021 devant le Palais de justice de Montbenon à Lausanne.
MARTIAL TREZZINI/KEYSTONE
En bref:
Le pouce en l'air, courir vers une voiture qui s'arrête au bord de la route et scruter par la vitre, le cœur battant: qui va bien vous emmener? Bonne ambiance, ou votre instinct vous dit-il de fuir? Dans les années 80, l'auto-stop était encore un moyen de transport courant. Aujourd'hui, cette pratique a presque disparu. Serait-ce par crainte pour notre sécurité?
En effet, de nombreuses jeunes femmes ont peur des prédateurs masculins. Selon une étude récente, en Suisse, plus de la moitié d'entre elles éprouvent une «peur accrue» et 14% vont jusqu'à ressentir une «peur extrême» envers les hommes. Moins d'un tiers des personnes interrogées ont choisi l'option «peur légère» ou «pas peur» du tout.
«La peur des hommes est toujours là», confie également Morgane S.*, 20 ans. Nous avons modifié les noms des jeunes femmes interrogées pour préserver leur anonymat. Elle étudie à l'Université de Zurich tout en travaillant dans le journalisme. Dès qu'elle fait la connaissance d'une personne digne de confiance, les craintes s'estompent. Application de traçage comme mesure de protection
En tant que jeune femme, on est constamment confrontée à des petites agressions au quotidien, comme le catcalling , «des types qui vous appellent ou font des commentaires depuis leurs fenêtres ou les voitures», du harcèlement de rue . Les attouchements sont également fréquents, surtout en ville. Lorsque Morgane S. habitait en centre-ville, ces incidents étaient courants. Maintenant, à la campagne, c'est mieux.
Aujourd'hui, elle ressent une tension permanente lorsqu'elle se déplace seule le soir, surtout autour des gares. «Je suis toujours très vigilante, en mode fight or flight , parfois proche de la crise de panique. Par exemple, lorsque j'entends des pas derrière moi, confie-t-elle. C'est alors que les pensées se bousculent dans ma tête: S'agit-il d'un homme? Depuis combien de temps me suit-il? Vais-je réussir à lui échapper?» Elle pratique la musculation depuis des années et s'est mise au kickboxing il y a quelques mois pour gagner en confiance. Ces deux sports l'y aident.
De plus, elle fait toujours connaître sa position géographique à sa famille et se sent alors plus en sécurité lors de ses déplacements. De préférence en groupe: «C'est là que mon instinct protecteur se manifeste. Je veille au bien-être des femmes qui m'accompagnent.» «J'aimerais que les hommes comprennent mieux nos peurs et nos préoccupations»
Dagmar Pauli, directrice adjointe du service de psychiatrie et psychothérapie pour enfants et adolescents à la Clinique universitaire de Zurich, n'est «pas si étonnée» par ces taux d'anxiété élevés. Selon elle, la plupart des jeunes femmes craignent avant tout un viol commis par un inconnu dans l'obscurité. Beaucoup ignorent que la plupart des délits sexuels sont commis par des proches.
Lena A.*, étudiante de 24 ans, le sait bien. Elle a elle-même été victime d'une agression dans sa colocation. Sans crier gare, un colocataire l'a frappée à plusieurs reprises avec une cravache, malgré ses tentatives de défense et sous les yeux d'autres témoins. Ses colocataires ont certes jugé déplacé le comportement de l'agresseur, mais ils sont restés bienveillants à son égard et ont assuré à Lena A. que c'était quelqu'un de bien qui avait simplement commis un écart.
La jeune fille souhaiterait que les femmes puissent évoquer leurs préoccupations liées à l'insécurité et à leurs craintes sans que les hommes se sentent immédiatement visés et adoptent une attitude défensive. «Je ne critique pas tous les hommes, mais j'aimerais qu'ils comprennent mieux nos peurs et nos préoccupations.» La peur en toile de fond
Lena A. ne se sent pas vraiment en sécurité lorsqu'elle se déplace seule. Un jour, dans le tram, un inconnu qui semblait juste vouloir discuter a soudain posé sa main sur sa jambe. La drague insistante et le harcèlement sur les applications de rencontre et les réseaux sociaux sont des phénomènes très répandus qui alimentent un climat d'insécurité chez les femmes. Eh non, elle n'a jamais observé un tel comportement de la part d'hommes musulmans, seulement de la part de Suisses. Elle ne confirme pas le cliché de la culture sexiste des jeunes musulmans en Suisse.
Par mesure de protection, Lena A. porte des écouteurs pour signaler qu'elle ne veut pas être abordée. Elle fait également preuve de beaucoup de prudence lorsqu'il s'agit de donner ses coordonnées. Il lui arrive aussi de prendre ses clés en main en cours de trajet quand la situation devient préoccupante, par mesure de sécurité. Pour les rendez-vous, elle prévient ses amies à l'avance du lieu et de la personne qu'elle va rencontrer. Quand sortir devient source d'angoisse
La peur des agressions sexuelles dans l'espace public a-t-elle augmenté chez les jeunes femmes par rapport au passé? Cette question fait débat. Le chercheur allemand spécialisé dans les études générationnelles Rüdiger Maas observe une nette hausse en Allemagne.
Maria Mondaca, directrice d'un centre d'accueil pour les jeunes femmes victimes de violences psychologiques, physiques ou sexuelles à Zurich, considère que c'est également très probable en Suisse. Elle souligne que les statistiques criminelles helvétiques révèlent une augmentation des cas de viols et de lésions corporelles graves.
Les expériences vécues lors des sorties et les témoignages choquants relayés sur les réseaux sociaux alimentent également ce sentiment de peur. Les filles et les jeunes femmes de son entourage professionnel lui font souvent part de harcèlements, d'insultes ou d' agressions subis de la part d'hommes pendant leurs loisirs. «Je suppose que le nombre de cas non recensés est élevé», ajoute la spécialiste.
Se déplacer devient source d'angoisse, notamment l'été au bord du lac. Les jeunes femmes sont «parfois poursuivies, abordées de manière irrespectueuse ou sexualisée, harcelées ou sollicitées pour engager une conversation, même lorsqu'elles manifestent clairement leur refus».
Des études démontrent que même des gestes apparemment anodins, comme des blagues grivoises ou des sifflements au quotidien, contribuent à créer un climat dans lequel les femmes se sentent souvent mal à l'aise et perdent confiance en elles.
Carla W.*, 23 ans, étudiante en anglais, sort très rarement. Elle ne fréquente pratiquement que des camarades d'études et a elle aussi vécu ce genre d'expérience. Bien qu'il ne se soit concrètement rien passé, une situation l'a profondément déstabilisée. Elle n'a généralement pas peur, mais a pris conscience de sa vulnérabilité quand un jeune homme qui l'accompagnait lui a déclaré soudain, d'un ton triomphant: «J'ai envie, là, maintenant, de tout faire avec toi.» Le harcèlement sous toutes ses formes: en parler aux hommes
Sophie M.*, 25 ans, chargée de communication, en a fait l'expérience. À l'âge de 11 ans, elle a subi un traumatisme causé par son grand-père. Il s'est montré violent en franchissant des limites de manière inacceptable. Plus tard, à l'adolescence, une connaissance plus âgée lui a imposé des baisers. Un colocataire lui a donné des coups de pied aux fesses sans son consentement. Aujourd'hui encore, Sophie M. n'aime pas sortir seule et peine à retrouver suffisamment confiance en elle pour accepter un rendez-vous. «J'imagine à chaque fois un scénario qui finit mal.»
L'alcoolisation excessive des hommes inquiète les jeunes femmes qui sortent le soir.
IMAGO/REICHWEIN
En revanche, au travail ou avec ses camarades, Sophie M. se sent en sécurité. Lorsqu'elle sort seule le soir, elle chausse de bonnes baskets pour pouvoir courir, enfile un pull ample par-dessus son haut et met ses écouteurs en guise de protection.
Elle scrute en permanence, et automatiquement, les alentours à la recherche de signaux: là, par exemple, un groupe de jeunes hommes, bières à la main – l'alcool désinhibe –, ou ici, une bande de supporters de foot , gorgés d'adrénaline après un match. Bien sûr, le lieu joue un rôle: «Les femmes ne peuvent pas se déplacer partout avec la même liberté, explique Sophie M., mais elles ont le droit de se sentir en sécurité.»
La jeune femme constate toutefois un progrès, surtout parmi ses collègues masculins de son âge: «Je peux parler avec eux si je me sens mal à l'aise.» Elle aborde le sujet et évoque ce qu'elle perçoit comme des comportements masculins inadaptés. Elle constate notamment «que les garçons se font des films, complètement différents de ceux des filles». Ils ne sont pas du tout conscients de ce que les femmes peuvent ressentir. Ce que cela représente de se promener la peur au ventre. Ses amis ont réagi avec respect et compréhension. Pour elle, il est essentiel d'éviter de diaboliser l'autre sexe et de privilégier le dialogue.
Traduit de l'allemand par Emmanuelle Stevan
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Alexandra Kedves travaille comme journaliste culturelle. Elle écrit principalement sur le théâtre et sur des sujets de politique sociale et éducative. Elle a étudié la philologie allemande, la philologie anglaise et la philosophie à Constance, Oxford et Fribourg-en-Brisgau. Plus d'infos
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Deux millions de Suisses ignorent qu'ils ont le foie malade
Deux millions de Suisses ignorent qu'ils ont le foie malade

24 Heures

time9 hours ago

  • 24 Heures

Deux millions de Suisses ignorent qu'ils ont le foie malade

La stéatose hépatique ou maladie du foie gras touche un quart de la population. Sans symptômes apparents, elle peut évoluer vers de graves complications si elle n'est pas détectée à temps. Publié aujourd'hui à 17h58 Le bilan hépatique permet de voir si les membranes des cellules du foie sont endommagées. GETTY IMAGES Une consommation excessive d' alcool abîme le foie. Par ailleurs, les personnes en surpoids qui ne pratiquent pas suffisamment d'activité physique voient également de la graisse s'accumuler dans leurs cellules hépatiques. Ce problème est très répandu dans les pays occidentaux. En Suisse, on estime que 2 millions de personnes souffrent de la maladie du foie gras. La stéatose hépatique non alcoolique est de plus en plus fréquente dans les sociétés touchées par l' obésité et la sédentarité. Le diagnostic est posé lorsque plus de 5% des cellules du foie accumulent de la graisse. Les personnes atteintes ne se rendent généralement pas compte qu'elles souffrent de cette maladie. Elles ne ressentent aucun symptôme, tout au plus une légère pression dans le haut de l'abdomen ou une sensation de satiété prononcée après les repas. Les médecins parlent donc d'une «épidémie silencieuse». La stéatose hépatique n'est pas anodine. En effet, une augmentation de la teneur en graisse du foie peut provoquer des inflammations. Les tissus hépatiques sont progressivement remplacés par des tissus conjonctifs, entraînant une cirrhose du foie . Dans le pire des cas, l'organe abdominal ne peut plus assumer ses fonctions vitales. Pourtant, elles sont multiples. Il ne se contente pas de détoxifier l'organisme, il stocke également de l'énergie, produit des protéines et aide à la digestion. Les patients souffrant d'insuffisance hépatique luttent pour survivre tandis que les toxines envahissent leur cerveau. Seule une transplantation peut les sauver. Pour éviter cela, les médecins recommandent un contrôle régulier des valeurs hépatiques, rapporte le magazine «Der Spiegel». «Entre le début de la trentaine et la fin de la quarantaine, c'est la période idéale pour lutter contre une stéatose hépatique», indique la gastroentérologue Uta Merle de la clinique universitaire de Heidelberg. Remède contre la stéatose hépatique En effet, détectée précocement, la stéatose hépatique peut être freinée, voire stoppée, grâce à une alimentation équilibrée et à une activité physique régulière. Aucun traitement n'est encore autorisé en Suisse. Mais l'Association suisse des patients atteints de maladies du foie ( Swiss HePa ) formule les recommandations suivantes: Perte de poids: les personnes en surpoids qui souffrent de stéatose hépatique doivent perdre 7 à 10% de leur poids, contre 3 à 5% pour les patients dont le poids est normal. Alimentation saine: les patients atteints de stéatose hépatique doivent réduire leur apport calorique et privilégier un régime méditerranéen «riche en légumes, en produits à base de céréales complètes, en graisses saines et en consommation modérée de viande maigre et de poisson». Il faut éviter les boissons sucrées. Certains médecins recommandent aussi le jeûne intermittent, qui permet au foie de se reposer et d'éliminer les graisses entre les repas. Activité physique: l'augmenter peut avoir un effet notable. «Monter les escaliers au lieu de prendre l'ascenseur», peut-on lire sur le site de Swiss HePa. Pas d'alcool: les personnes atteintes de stéatose hépatique doivent limiter leur consommation d'alcool, voire l'arrêter totalement. Intervention chirurgicale: selon Swiss HePa, un bypass gastrique ou un anneau gastrique peut également aider les patients souffrant d' obésité sévère . Trouver des solutions s'avère toutefois plus compliqué pour les patients qui ne sont pas en surpoids. Selon le magazine allemand, aucune approche thérapeutique établie n'existe encore pour eux. Plusieurs facteurs peuvent expliquer une stéatose hépatique chez des personnes de poids normal: troubles métaboliques, prédispositions génétiques ou hypothyroïdie. Traduit de l'allemand par Emmanuelle Stevan Santé et poids Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Anna Luna Frauchiger ist Volontärin und absolviert die Diplomausbildung Journalismus am MAZ. Sie hat in Zürich Wirtschaftsgeschichte studiert. Plus d'infos @alfrauchiger Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Ensevelie sous la neige, une Suissesse a vécu les minutes les plus terrifiantes de sa vie
Ensevelie sous la neige, une Suissesse a vécu les minutes les plus terrifiantes de sa vie

24 Heures

time10 hours ago

  • 24 Heures

Ensevelie sous la neige, une Suissesse a vécu les minutes les plus terrifiantes de sa vie

Coincée dans un abri à neige effondré, une Suissesse a vécu les minutes les plus terrifiantes de sa vie. Trente ans plus tard, elle raconte son expérience et l'impact qu'elle a eu sur son existence. Publié aujourd'hui à 17h02 Ensevelie sous la neige, Catherine Hedinger ne pouvait «pas bouger d'un centimètre». L'accident s'est produit il y a plus de trente ans. Urs Jaudas En bref: Cela aurait pu être les dernières minutes de la vie de Catherine Hedinger. Ses derniers moments conscients. Ceux que la mort engloutit et dont sa famille et ses amis se seraient peut-être demandé toute leur vie: a-t-elle souffert? Quelles étaient ses dernières pensées? Savait-elle que c'était sa fin? Si Catherine Hedinger était morte ce jour-là, dans le massif de la Jungfrau , elle n'aurait jamais rencontré son mari, ses deux fils ne seraient jamais nés et elle ne serait pas là aujourd'hui, dans son jardin zurichois, par cet après-midi d'été orageux. À 66 ans, elle raconte comment, bloquée dans la neige il y a une trentaine d'années, elle se sentait «follement seule». Les mains de son père Si les choses s'étaient passées autrement, ses parents auraient peut-être trouvé du réconfort dans le fait que leur fille, alors âgée de 34 ans, soit morte en montagne. Car la montagne était un peu comme un membre de la famille. «Je me souviens encore aujourd'hui de l'odeur des mains de mon père en montagne, dit Catherine Hedinger, l'odeur du soleil et du sel.» C'est son plus ancien souvenir des excursions familiales dans la nature. Des sapins enneigés et des branches gelées qui brillent au soleil: c'est ainsi que Catherine Hedinger se souvient des hivers de son enfance. Urs Jaudas Encordée et équipée de lunettes de glacier, elle évolue dans les Alpes dès son plus jeune âge: sur la glace, sur la neige , sur les rochers et les prairies. Son père lui apprend qu'une montagne n'est pas simplement de la roche, mais qu'elle est vivante. Qu'en alpinisme, il faut regarder la morphologie, les conditions météorologiques, la qualité de la neige. Il est médecin, mais aurait parfois préféré devenir géologue. Il connaît tous les minéraux et toutes les formations rocheuses. Sa mère, également médecin, connaît pour sa part toutes les fleurs et les oiseaux par leur nom. Ne pas avoir peur de la montagne Été, automne et printemps, la famille gravit les sommets de l'Engadine et du Valais. L'hiver venu, elle chausse les skis dans les Alpes vaudoises pour dévaler la poudreuse, loin des pistes balisées. Catherine Hedinger (au centre) n'a jamais eu peur en montagne par le passé. DR Plus tard, devenue une jeune randonneuse, Catherine Hedinger fait confiance aux personnes qui l'accompagnent dans ses sorties. Elle s'associe à des gens qui connaissent mieux la montagne qu'elle. Une expérience scientifique à la Jungfrau À l'époque, elle dirige avec une amie le service d'oncologie de la Ligue contre le cancer. Elle rend visite aux patients à domicile et accompagne bon nombre d'entre eux jusqu'à leur dernier souffle. Elle connaît les signes physiologiques qui annoncent la fin. «Chez beaucoup d'entre eux, un triangle blanc se forme autour de la bouche et du nez, et la fin se voit aussi dans leurs yeux», explique la Suissesse. Elle alterne alors travail et passion: une semaine pour la Ligue contre le cancer, une semaine pour l'alpinisme. La nature et le sport l'aident, surtout quand elle se sent perdue dans la vie. Comme à l'époque, vers la trentaine, quand sa relation avec un alpiniste de l'extrême traversait une crise. Jeune femme, Catherine Hedinger (au centre) passe chaque minute de son temps libre dans la nature. DR Au même moment, Catherine Hedinger est sollicitée pour une expérience de médecine d'altitude: une équipe de scientifiques veut savoir si l'on peut se prémunir contre le mal des montagnes en entraînant ses muscles respiratoires. Catherine Hedinger participe à l'expérience. Pour les besoins de l'étude, elle escalade plusieurs fois la Jungfrau. En automne, au milieu des années 90, c'est la catastrophe. Aujourd'hui, Catherine Hedinger ne part en montagne que par beau temps. Auparavant, elle partait aussi en randonnée par temps de brouillard, comme ici. DR En raison du mauvais temps, l'équipe est bloquée dans la station de recherche de la Jungfrau , à 3500 mètres au-dessus du niveau de la mer. Dehors, une tempête de neige fait rage. À l'intérieur, c'est l'ennui et le mal de tête lié à l'altitude. Le directeur de recherche propose donc de construire à l'extérieur un igloo tout comme un trou à neige où l'on pourrait bivouaquer en cas d'urgence. Quelques personnes du groupe participent, dont Catherine Hedinger. Elle se lance dans la construction de l'igloo parce qu'elle est claustrophobe dans les grottes. Un mauvais pressentiment Lorsque le trou à neige est terminé, le directeur d'étude veut convaincre les personnes présentes de jeter un coup d'œil à l'intérieur. Catherine Hedinger a un mauvais pressentiment, mais ne veut pas faire la «difficile». Elle se rend donc dans l'abri. L'intérieur est si haut qu'on peut s'y tenir debout. Une chambre faite entièrement de neige, avec à l'intérieur deux bancs en neige. Catherine Hedinger se sent mal à l'aise, mais les autres – un groupe d'environ cinq personnes – la convainquent de s'arrêter un instant. Elle s'assied à côté d'une femme sur l'un des bancs. Soudain, l'abri s'effondre sur eux dans un bruit sourd. Catherine Hedinger est toujours assise sur le banc de neige, mais comme comprimée. Lors de l'effondrement, elle a instinctivement porté ses mains à son visage. Elle ne peut pas bouger, «pas d'un centimètre». Il y a de la neige partout, il fait froid. Sa première pensée: «Merde! Je dois sortir de là.» Elle essaie de créer une cavité avec sa main droite pour avoir plus d'air. Mais cela se retourne immédiatement contre elle. De la neige lui tombe sur le visage. «Dans quelques minutes, nous serons morts» Elle ne voit rien du tout. Quand elle lève les yeux, elle ne voit qu'un peu de bleu. Entre ses yeux et la neige, il n'y a que quelques millimètres. Elle n'entend rien non plus. La femme qui était assise à côté d'elle il y a quelques instants a été avalée par la neige. Catherine Hedinger est seule. Elle ne fait rien. Elle ne peut rien faire. Elle a du mal à respirer, tout est étroit, la neige pèse sur elle. «Tu ne peux pas faire de bruit, tu ne peux pas crier», se souvient-elle. L'impuissance totale. Catherine Hedinger se souvient encore aujourd'hui très précisément de ces minutes passées dans la neige. Photo: Urs Jaudas Elle se dit: «Si nous sommes tous ensevelis, nous serons morts dans quelques minutes.» Le groupe de la station de recherche ne remarquera son absence qu'au moment du dîner, une heure plus tard environ. Catherine Hedinger sait que dans cinq minutes environ, il sera déjà trop tard. Elle urine. Pas intentionnellement, mais peut-être à cause du choc. L'urine est chaude. «C'était une sensation si étrange, dit-elle, j'ai cru que la vie me quittait. Ma chaleur s'écoulait dans ce froid.» Elle en est sûre: c'est la fin. «J'étais brutalement objective» Elle pense à ses parents. Au fait qu'elle va mourir avant sa mère malade, dans ce «trou stupide» dans lequel elle ne voulait pas aller. Elle imagine l'horreur pour son père et sa sœur lorsqu'ils la trouveront ici, dans la neige. Et elle pense à l'alpiniste de l'extrême, son amour. Seule sa mort rendrait peut-être possible la séparation définitive avec lui. À l'époque, Catherine Hedinger ne pense pas à l'avenir. Elle ne s'apitoie pas sur son sort. Elle ne se demande pas: «Pourquoi moi, précisément?» Elle ne panique pas non plus. Elle accepte le fait qu'elle ne peut rien y faire et n'envisage pas un instant qu'elle pourrait sortir vivante de ce trou. Elle ne voit pas de lumière transcendante, ne ressent aucun sentiment de bonheur, ne vit pas d'expérience de mort imminente, comme dans certains récits de ses anciens patients atteints de cancer. «J'étais brutalement objective, dit Catherine Hedinger, je pensais que j'allais mourir banalement dans ce trou.» Pendant ces minutes dans la neige, elle se sent «follement seule», plus seule que jamais dans sa vie. Pas seule au milieu des gens, pas seule dans une relation, mais seule et isolée. C'est silencieux, froid et définitif. Puis elle perd connaissance. Elle ne reverra plus jamais les gens du groupe La vie de Catherine Hedinger reprend au son de la pelle qui la dégage de la neige et à la vue de «la peur bleue» dans les yeux du directeur de l'étude. Le directeur de l'étude ne dit rien. Plus tard, le groupe, indemne, reste également silencieux sur l'incident. Même après son accident, Catherine Hedinger continue à faire des randonnées. DR Sur le chemin du retour vers la station de recherche, ils traversent un tunnel éclairé par des néons. Catherine Hedinger se dit: «Cette lumière et ce tunnel m'auraient été utiles avant.» Le lendemain, elle accompagne le groupe au sommet de la Jungfrau pour conclure l'expérience. L'étude ne révèle aucun résultat révolutionnaire. Catherine Hedinger rentre chez elle. Elle ne reverra plus jamais les personnes de son groupe de recherche. Un an plus tard, elle rencontre son futur mari. Elle donne naissance à un premier fils, puis à un second. Après le décès de ses parents, elle s'installe dans la maison familiale. Elle continue à aller en montagne, mais évite désormais les tempêtes de neige. Entre son jardin qu'elle cultive et les livres qu'elle dévore, elle trouve un équilibre. La solitude la visite parfois, mais jamais plus avec cette intensité dévastatrice d'autrefois. Avec l'âge viennent quelques problèmes de genou. Malgré tout, elle se considère comme chanceuse. Traduit de l'allemand par Olivia Beuchat Davantage sur l'alpinisme Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Alice Britschgi est stagiaire au «Tages-Anzeiger». Elle a étudié la germanistique, la linguistique évolutionnaire et la théorie de la photographie à Zurich, Helsinki et Berlin. Plus d'infos @alice_in_butter Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

La chaleur revient en Suisse mais ne devrait pas s'installer durablement
La chaleur revient en Suisse mais ne devrait pas s'installer durablement

24 Heures

time14 hours ago

  • 24 Heures

La chaleur revient en Suisse mais ne devrait pas s'installer durablement

L'été fait son grand retour en Suisse ce week-end. Des orages pourraient toutefois éclater en montagne, alors que l'Europe du Sud suffoquera sous 40 degrés. Publié aujourd'hui à 13h29 Ce week-end, le thermomètre dépassera les 30 degrés en Suisse. DOMINIQUE MEIENBERG/TAMEDIA En bref: Ces dernières semaines, la chaleur estivale s'est révélée particulièrement difficile à supporter en Suisse. La dernière fois que le thermomètre a dépassé les 30 degrés remonte au 3 juillet, soit exactement 35 jours. Par la suite, le temps a été marqué par des températures moyennes et des pluies fréquentes. Mais le week-end prochain, le plein été fera son grand retour dans notre pays. «La barre des 30 degrés sera dépassée à de nombreux endroits», explique Christoph Holstein, météorologue à MétéoSuisse. Selon les prévisions météorologiques, les températures de la semaine prochaine devraient rester estivales, voire très estivales, soit entre 27 et 30 degrés. L'Europe du Sud en alerte face à une vague de chaleur record La situation change donc par rapport à ce qui s'est passé durant une grande partie du mois de juillet . Cela s'explique d'abord par l'affaiblissement de la dépression qui dominait l'Europe centrale ces dernières semaines. À la place, une masse d'air chaud subtropical s'élèvera depuis l'ouest de la Méditerranée vers les Alpes. Samedi, une zone de haute pression s'établira sur l'Espagne et le sud de la France. Sous cette «coupole» se développe généralement une vague de chaleur marquée, avec des températures maximales dépassant 35 degrés. Selon les estimations actuelles des experts de Severe Weather Europe , des températures maximales dépassant les 40 degrés sont même possibles sur la péninsule Ibérique. Les vacanciers au Portugal, en Espagne ou dans le sud de la France risquent donc d'avoir chaud. La carte météo révèle aussi une Europe clairement divisée en deux. Une dépression persiste au-dessus des îles Britanniques, de la Scandinavie et du nord de l'Allemagne, maintenant un temps frais et venteux. La vague de chaleur extrême qui touchait encore certaines parties de la Scandinavie en juillet a désormais complètement disparu. Et en Suisse? Le pays se trouve, comme c'est souvent le cas cet été , à la limite de ce gradient nord-sud. Cela influence considérablement le temps qu'il fait et complique du même coup les prévisions météorologiques à long terme. La raison en est que même de petits changements dans cette configuration atmosphérique peuvent avoir de grandes conséquences. Le week-end prochain peut servir d'exemple. Samedi, un front froid s'approchera effectivement du continent européen par l'ouest. Mais ce front, évoluant de plus en plus dans des conditions de haute pression, finit par s'enliser. Les météorologues parlent dans ce cas d'un ciel de traîne. Même affaibli, le front continue de générer une dynamique ascendante et déclenche des orages. L'intensité de ce front orageux ne pourra probablement être évaluée avec précision qu'à court terme. «Pour l'instant, nous partons du principe que les orages de samedi et dimanche se limiteront plutôt aux montagnes », indique Christoph Holstein. Face à ces incertitudes, les organisateurs d'activités de plein air ont donc tout intérêt à suivre attentivement les prévisions météorologiques des prochains jours. Une nouvelle canicule cet été en Suisse? La grande question du moment: l'été va-t-il se terminer en beauté chez nous aussi en août, avec peut-être même une vague de chaleur prolongée? Un regard en arrière montre que c'est possible. Ainsi, en 2023, la Suisse a vécu sa période de chaleur la plus intense de l'été entre le 15 et le 25 août, avec des températures record. À Bâle, par exemple, le thermomètre a grimpé à plus de 35 degrés le 19 août 2023. Les modèles météorologiques n'annoncent cependant pas de vague de chaleur aussi intense à court terme. Le météorologue Markus Übel, du service météorologique allemand, estime qu'«il ne faut pas s'attendre à un anticyclone stable avec un temps estival sans perturbations, ni même à une véritable vague de chaleur». La carte montre l'écart de température par rapport à la norme climatique à long terme pour la période du 5 au 11 août. On y distingue une Europe divisée en deux: un sud-ouest chaud et un nord plus frais. La Suisse se trouve à la frontière entre ces deux zones, mais plutôt du côté chaud. ECMWF La Suisse se trouve cependant plus proche de l'anticyclone méditerranéen chaud que le nord de l'Allemagne, par exemple. Des masses d'air divisent l'Europe en deux. On peut donc supposer qu'à partir du week-end, notre pays connaîtra une vague de chaleur durable. Les abondantes précipitations qu'ont connues de nombreuses régions suisses en juillet rendent peu probable une canicule en fin d'été. Selon MétéoSuisse, certaines régions du centre et du nord-est de la Suisse ont connu deux fois plus de précipitations que la normale. Le sol contient donc beaucoup d'humidité susceptible de s'évaporer, ce qui a généralement un effet modérateur sur l'évolution des températures. C'est exactement l'inverse qui se produirait en cas de sécheresse marquée dans notre pays. Elle peut en effet amplifier et prolonger les vagues de chaleur. L'automne frappe déjà aux portes de la Suisse Le plein été tire à sa fin. Dès le mois d'août, les jours raccourcissent de façon notable. Ils passent de près de quinze heures au début du mois à un peu plus de treize heures à la fin août. Les nuits s'allongent, favorisant le refroidissement nocturne. Parallèlement, l'hémisphère Nord entame sa transition progressive du régime estival vers le régime hivernal. Autrement dit, dès la mi-août au plus tard, l'automne est déjà aux portes de l'été. Au vu des prévisions, un conseil s'impose: profitez bien des températures estivales qui s'annoncent. Il ne reste plus beaucoup de temps au plein été en Suisse. Traduit de l'allemand par Emmanuelle Stevan À propos de la météo en Suisse Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Martin Steinegger ist als Redaktor im Ressort Wissen des Tages-Anzeigers tätig. Er berichtet schwerpunktmässig über die Themen Wetter und Klima. Plus d'infos @Stonie_78 Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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