
Sur les rails 4/6: avec le Gornergrat Bahn vers un panorama à vingt pics de 4000 mètres
La vue imprenable sur le Cervin explique largement le succès de la ligne de chemin de fer reliant Zermatt au Gornergrat, notamment auprès des touristes étrangers.
Florian Cella / Tamedia
En bref:
Le train s'éloigne de la gare Zermatt-Gornergrat pour gravir la pente parsemée de mélèzes. On passe au-dessus du village de Zermatt et soudain, le Cervin surgit comme un croc abandonné par un prédateur géant. Dans le train, les passagers se lèvent pour immortaliser la vue.
Le Cervin … Alors que le reste du pays suffoque sous la canicule, son sommet est dissimulé par une écharpe de nuages. En ce début de mois de juillet, loin d'arborer sa pureté hivernale, la montagne se pare d'un éventail de couleurs sombres, allant du gris à un noir aux reflets verts. Des zébrures de neige blanche dessinent les lettres d'une écriture inconnue. «Un million de passagers»
Avec environ deux millions de visiteurs par an, Zermatt est l'une des destinations les plus prisées de Suisse. «Au Gornergrat, on a entre 2000 et 5000 voyageurs par jour, selon que c'est l'été ou l'hiver. Des fois, ce n'est plus tenable», soupire un employé au guichet de la gare.
Si on établit la moyenne à 3000 passagers par jour, le Gronergrat Bahn transporte donc plus d'un million de personnes par an.
Florian Cella / Tamedia
Si on établit la moyenne à 3000 visiteurs par jour, on dépasse donc le million de voyageurs par an. En lisant les commentaires postés en ligne, on tombe inévitablement sur des descriptions de montées «en bétaillère» peu agréables. «Impossible de se rapprocher des fenêtres!», tempête un internaute. Vous avez dit tourisme de masse?
Coup de chance, ce jour-là, la fréquentation est raisonnable. Collés à la vitre, Lan et Ryo ne sont pas les derniers à apprécier le paysage. À peine la trentaine, c'est un jeune couple d'origine asiatique tout droit arrivé de la côte ouest du Canada. Tout les frappe, par rapport à leur pays, qui n'est pourtant pas avare de montagnes: «Les sommets sont plus hauts, plus impressionnants», explique Ryo. «Chez nous, la montagne, c'est un paysage inhabité. Mais pourquoi ont-ils construit là-haut?», dit-il en pointant des mazots et des écuries perchés en haut des alpages.
On se lancerait volontiers dans un exposé sur l'économie alpine depuis le Moyen ge, fondée sur l'élevage, l'exportation des fromages et des mercenaires, qui finance l'importation du sel et de l'or. Mais le voyage est court. Depuis Zermatt, il faut 38 minutes pour rejoindre le sommet à 3100 mètres d'altitude.
Le promontoire situé au terminus est pris d'assaut: le panorama qui s'y dévoile est particulièrement saisissant.
Florian Cella / Tamedia Vingt «4000 mètres» dont le Cervin
Faut-il s'étonner qu'en haut de la tour de Babel, on parle toutes les langues? Dans le train, le coréen, le japonais et le chinois dominent nettement. On entend quelques mots d'anglais. Où sont les Suisses? On en repère quelques-uns à coup sûr, comme ce barbu qui taille sa saucisse séchée avec son Victorinox.
Arrivé au Gornergrat, les portes s'ouvrent et les voyageurs se précipitent. Environ 200 personnes en rejoignent le double, qui déambule déjà autour du Kulmhotel, l'hébergement historique du sommet, avec ses coupoles rappelant sa mission originelle d'observatoire astronomique. Une partie du public s'engouffre dans une exposition permanente sur la montagne, assez réussie, tandis que le reste contourne l'hôtel pour rejoindre le promontoire d'observation situé juste derrière.
Le paysage est magnifique. Plus ouvert et spectaculaire qu'à la Jungfrau, puisqu'on peut observer aux alentours 20 sommets de plus de 4000 mètres. On les identifiera facilement… si on a téléchargé sur son smartphone une application, comme Peakfinder. Juste à côté du promontoire, un glacier épuisé laisse couler six langues de glace en direction de la vallée.
À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Quand Mark Twain était à Zermatt
On retrouve sans peine les paysages décrits par Mark Twain en 1880 dans « Un vagabond à l'étranger ». Après une halte à l'hôtel du Riffelberg, l'écrivain, qui a fait la dernière étape à pied faute de train, écrit: «J'avais une vue magnifique sur le Mont-Rose, et apparemment tout le reste du monde alpin. Tout l'horizon qui tournait était entassé haut avec un puissant tumulte de crêtes enneigées. On aurait pu croire qu'on voyait les camps de tentes d'une armée assiégée de Brobdingnags (ndlr: de géants, une allusion aux Voyages de Gulliver) .» Seule différence notable, à l'époque, le glacier descendait beaucoup plus bas.
Inauguré en 1898, le train du Gornergrat, première ligne électrifiée à crémaillère de Suisse, est inséparable du développement touristique de Zermatt, quand bien même le village est déjà à la mode à cette époque. Le premier hôtel date de 1838. En 1856, le panorama du Gornergrat apparaît pour la première fois dans un guide de voyage. Le Cervin est vaincu en 1865 .
Zermatt est la troisième destination la plus visitée de Suisse.
Florian Cella / Tamedia Trois incontournables
La balade Le Gornergrat en train, c'est bien. Une balade depuis une des stations intermédiaires pour rejoindre Zermatt, c'est aussi bien, voire indispensable. On est à la montagne pour marcher, non? Inutile de descendre depuis le sommet. Si la vue est belle, le chemin qui longe la voie n'est pas agréable: on saute de cailloux en cailloux sur la piste de ski. Mieux vaut redescendre en train jusqu'à Riffelalp par exemple. De là, un chemin serpente ensuite en lacets entre les mélèzes jusqu'à Zermatt. La marche dure une heure et demie, mais à l'arrivée tous les bistrots du village vous tendent les bras.
Les balades ne manquent pas, tout au long de la ligne.
Florian Cella / Tamedia
La pause gourmande Avant de monter au Gornegrat, faire provision d'énergie est facile, tant Zermatt regorge de boulangeries et restaurants pour toutes les bourses. En se baladant sur la rue principale, on peut s'arrêter sur la Bahnhofstrasse au Pöstli Stübli, dans un bel hôtel de la place. On peut y déguster l'ordinaire de la restauration alpine avec une très belle viande servie avec une certaine générosité. Autrement, au sommet du Gornegrat, divers établissements, à défaut d'être bon marché, offrent une vue superbe sur la vallée.
Le Pöstli Stübli apprête avec une certaine générosité les grands incontournables de la cuisine alpine.
DR
Le détour culturel À côté de l'église, une sorte de kiosque se pousse du col. C'est le musée de Zermatt. On pourrait craindre le pire, ce serait une erreur! L'exposition est en sous-sol, un espace creusé dans les remblais empilés depuis le milieu du XIXe siècle. Elle reproduit la vie locale du village, ses maisons, ses hôtels. Intéressant point sur la polémique qui a lancé la station, le drame qui a vu quatre alpinistes dévisser lors de la première ascension réussie du Cervin en 1865, avec la recherche du coupable... Amusante plaquette au mur qui résume l'évolution touristique de la station depuis 1847. Sous l'année 1914, il est noté: «nombre d'hôtes en forte régression». Et pour 1939, «2e guerre mondiale, peu d'hôtes étrangers». Le Covid n'y figure pas encore.
Le kisque qui marque l'entrée du musée ne paie pas de mine, mais la visite vaut le détour.
Florian Cella / Tamedia
Le Gornergrat et les petits trains de Suisse Newsletter
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24 Heures
an hour ago
- 24 Heures
Une tempête démocratique se prépare contre les éoliennes en Suisse
Avis de tempête sur les parcs éoliens. Deux initiatives populaires fédérales visant à freiner leur extension sont à bout touchant. Publié aujourd'hui à 17h21 Les éoliennes pourraient être encore plus freinées dans leur lancée. ADRIAN MOSER En bref: Berne veut mettre le turbo sur les éoliennes. L'énergie fait partie du paquet vert devant aider la Suisse à sortir du fossile. Une accélération des procédures – qui durent parfois des années en raison des oppositions – pour les installations d'intérêt national est également en cours d'élaboration. Cet élan pourrait toutefois se heurter à un obstacle de taille. Deux initiatives fédérales visant à restreindre l'expansion de ces moulins à vent modernes sont à bout touchant. Elles affichent chacune plus de 120'000 paraphes au compteur et devraient être déposées vendredi 25 juillet à la Chancellerie fédérale. Pas d'éoliennes en forêt La première veut interdire la construction des éoliennes dans les forêts et les pâturages boisés denses ou à moins de 150 mètres. «Les lisières sont tout aussi importantes que les forêts, si ce n'est plus, pour la biodiversité, explique Elias Vogt, président de Paysage Libre Suisse à l'origine des textes. Or beaucoup d'éoliennes sont planifiées dans les forêts. C'est le cas, par exemple, de 96 des 100 éoliennes prévues dans le canton de Zurich.» Pour l'entrepreneur, il existe suffisamment de crêtes sans arbres pour construire ces installations. «Il y a aussi un immense potentiel dans les plaines ou sur de petites collines. Pas besoin d'empiéter sur les forêts.» Et de donner en exemple le projet de parc éolien de La Joux-du-Plâne (NE), derrière le Chasseral où il tient son hôtel, ou celui du col du Gothard, au Tessin. Elias Vogt, président de Paysage Libre Suisse. ADRIAN MOSER Le deuxième texte exige l'approbation des éoliennes par les populations des communes d'implantation et limitrophes impactées. «En Suisse alémanique, les cantons suppriment de plus en plus ce droit des communes, relève le jeune homme de 29 ans. L'Exécutif de Saint-Gall a pris une telle décision il y a moins de huit mois. C'est inacceptable dans un État démocratique.» Les initiatives, si elles sont approuvées par le peuple et la majorité des cantons, auront un effet rétroactif au 1er mai 2024. Les constructions réalisées après cette date devront être démantelées aux frais des commanditaires si elles ont été érigées en forêt ou si elles n'obtiennent pas le feu vert du peuple dans les autres régions. Les projets déjà approuvés de La Joux-du-Plâne, du Crêt-Meuron, de Montperreux et de Montagne de Buttes , dans le canton de Neuchâtel, sont cependant exemptés: ils ne repasseront pas par les urnes. Biodiversité préservée en Suisse Pour l'instant, aucune grande organisation ni grand parti n'a soutenu ces textes. Pas même les Verts, dont la protection des animaux et de la nature est au cœur des revendications. Ni l'UDC, qui a pris en grippe les énergies renouvelables et pousse pour rouvrir la porte du nucléaire. «La biodiversité est déjà protégée et le restera, souligne Lisa Mazzone, présidente des Verts. Toutes les cautèles ont été prises pour s'en assurer dans la nouvelle loi sur l'électricité (ndlr: approuvée dans les urnes en juin 2024) . Les éoliennes ne pourront être construites que dans des zones forestières déjà exploitées avec des routes d'accès et qui ont peu de valeur en termes de biodiversité.» Quant à l'argument des éoliennes tueuses d'oiseaux, elle rappelle que les routes sont nettement plus dangereuses pour la faune. «Et puis, le choix des lieux veille à les protéger.» Lisa Mazzone, présidente des Verts. J-P GUINNARD Pour la Genevoise, les initiants avancent des arguments prétextes, voire fallacieux pour arriver à leur fin. «Ils veulent en réalité empêcher purement et simplement la construction d'éoliennes. Le potentiel de l'éolien est restreint en Suisse. On parle de 200 à 300 éoliennes et non pas de 1000, comme les initiants le prétendent. Tirer un trait dessus reviendrait à compromettre l'approvisionnement sûr et durable en électricité et à accroître notre dépendance face aux importations fossiles de l'étranger.» Pesée d'intérêts autour des éoliennes À l'autre bout de l'échiquier politique, Nicolas Kolly (UDC/FR) se dit contre toute interdiction de principe. «On ne fait pas d'omelettes sans casser d'œufs. Toute infrastructure énergétique a un impact sur le paysage, sur la biodiversité ou l'économie. Il faut avant toute chose peser les pour et les contre, et voir si les avantages l'emportent sur les inconvénients. Je préfère construire des éoliennes sur des crêtes forestières avec beaucoup de vent – et planter des arbres en compensation – que dans des plaines sans vent, où il y aurait beaucoup d'habitations.» Le conseiller national est conscient que certains membres de son parti pourraient avoir un avis différent et pourraient soutenir les textes lors des débats au parlement. «Mais, à mes yeux, on a besoin d'un mix énergétique complémentaire, incluant l'éolien.» Cette absence de soutien de poids lourds de la politique explique peut-être en partie la récolte fastidieuse des signatures. Elle a longtemps stagné, avant de s'accélérer dans les derniers mois. À tel point que les initiants n'ont pour l'instant que 90'000 paraphes validés par texte. «Mais nous en recevons chaque jour des milliers des communes.» Elias Vogt garde ainsi l'espoir d'avoir le bon compte pour la fin de la semaine. À peine lancées, les initiatives antiéoliennes ont provoqué une levée de boucliers dans les milieux favorables aux énergies renouvelables. L'Association faîtière de l'économie des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique (aeesuisse) a accusé Paysage Libre Suisse de vouloir torpiller le tournant énergétique souhaité par le peuple suisse. Suisse Eole a joué plus tactique et tenté de rassurer, en soulignant l'impact positif des éoliennes dans les forêts allemandes. Dans le parc Verenafohren, non loin de Schaffhouse, les lisières ont été éclaircies en raison des travaux de construction. Un phénomène qui a permis l'apparition d'une trentaine de fleurs et de plantes herbacées différentes, selon un rapport de la section régionale de l'Association allemande pour la protection de la nature et de l'environnement. Parmi elles, quelques-unes sont particulièrement rares et protégées, comme le sabot de Vénus. Plus au nord, dans le land de Rhénanie-Palatinat, où des éoliennes ont également trouvé leur place en pleine forêt, l'expérience a montré que les chevreuils, lapins, renards et perdrix s'habituent aux pales en rotation, fait encore valoir aeesuisse. L'éolienne est certes une source de perturbation, mais ces animaux comprendraient rapidement qu'elle n'est pas menaçante. Sur les éoliennes Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Delphine Gasche est correspondante parlementaire à Berne depuis mai 2023. Spécialisée en politique, elle couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, elle a travaillé pendant sept ans pour l'agence de presse nationale (Keystone-ATS) au sein des rubriques internationale, nationale et politique. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


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2 hours ago
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Cette plage à Genève doit fermer à cause de cyanobactéries
La baignade est interdite à cet endroit jusqu'à nouvel avis. Les cyanobactéries peuvent produire des toxines dangereuses pour la santé. Publié: 16.07.2025, 14h12 Une prolifération d'algues potentiellement toxique, ici à Lausanne. VANESSA CARDOSO/ 24HEURES. En bref: Jusqu'à nouvel ordre, il est interdit de se baigner à la plage de La Plaine, située dans la commune de Dardagny. Le service du médecin cantonal a prononcé ce 16 juillet une fermeture temporaire du lieu, en raison de la présence de cyanobactéries dans l'eau. Des cyanobactéries excèdent le seuil de 20'000 cellules par millilitre recommandé par l'OMS pour les eaux de baignade, font savoir le Département de la santé et celui du territoire. «Les fortes chaleurs de ces dernières semaines, ainsi que le fait que l'étang de baignade soit peu profond et que l'eau y stagne, peuvent expliquer le fort développement de cyanobactéries», précise un communiqué. Dangereuses pour la santé Ces toxines représentent un danger pour la santé lorsqu'on les avale, qu'on entre en contact direct avec elles (par exemple en nageant dans une eau contaminée) ou qu'on les respire. Côté symptômes, elles peuvent toucher la peau, provoquer des troubles digestifs, ou causer des symptômes qui ressemblent à une grippe, des maux de tête ou des vertiges. Elles sont particulièrement dangereuses pour les jeunes enfants et les animaux de compagnie. En cas de suspicion d'observation de cyanobactéries, les autorités recommandent de contacter le Service d'incendie et de secours au 118. Et en cas d'intoxication humaine ou animale, il faut immédiatement contacter le 144 ou son vétérinaire traitant. Quand la plage sera-t-elle à nouveau accessible? Difficile à dire. Un suivi hebdomadaire de la qualité sanitaire de l'eau est mis en place par l'Office cantonal de l'eau. Lorsque la situation sera revenue à la normale, l'interdiction pourra être levée. Nos articles sur les cyanobactéries Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Emilien Ghidoni est journaliste à la Tribune de Genève depuis août 2022. Il couvre en particulier les questions de mobilité et la commune de Vernier. Il est titulaire d'un Master en journalisme à l'Académie du journalisme et des médias à l'Université de Neuchâtel et d'un Bachelor en relations internationales. Il a suivi une formation complémentaire sur les mouvements politiques radicaux. Plus d'infos @emilien_ghidoni Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
5 hours ago
- 24 Heures
Cagoule ou voile intégral: après six mois, la loi antiburqa n'a puni presque personne
Depuis le 1er janvier, il est interdit de se dissimuler le visage en public. Si l'initiative avait suscité un large débat, son application semble vaine. Publié aujourd'hui à 13h58 À Genève, une affiche détériorée pour l'initiative populaire «Oui à l'interdiction de se dissimuler le visage». Laurent Guiraud/ Tamedia En bref: Cela restera comme l'une des votations les plus émotionnelles de ces dix dernières années en Suisse. Le 7 mars 2021 , la majorité du peuple et des cantons acceptait l'initiative «Oui à l'interdiction de se dissimuler le visage». Même si le texte – lancé par des milieux proches de l'UDC – concernait aussi les hooligans encagoulés, la campagne avait surtout porté sur la question du voile intégral et des craintes suscitées par une certaine vision de l'islam. Raison pour laquelle on parlait à l'époque d'initiative «antiburqa». Après quatre années de travaux parlementaires, la nouvelle loi, qui concrétise l'initiative, est entrée en vigueur au 1er janvier de cette année. Il est désormais prohibé de dissimuler son visage dans les lieux publics. Selon l a communication du Conseil fédéral de novembre dernier, «toute personne qui contreviendra à l'interdiction sera en règle générale punie d'une amende de 1000 francs au plus», mais dans la plupart des cas, c'est un montant de 100 francs. Voilà pour la théorie; car en pratique, les contraventions sont rarissimes. Trois cas en six mois pour Genève Nous avons recueilli les données des polices des cantons abritant les cinq plus grandes villes du pays. À Genève, seules trois contraventions ont été enregistrées depuis le début de l'année, toutes en ville. Du côté de Vaud, c'est zéro pour la police cantonale. «Cette réponse ne tient pas compte des éventuelles amendes d'ordre que les polices communales vaudoises auraient pu délivrer», précise-t-elle. La police bernoise précise quant à elle «qu'il n'y a pratiquement pas eu d'amendes à ce sujet jusqu'à présent». À Bâle, aucune donnée n'est communiquée, la police ne faisant pas de distinction entre les amendes d'ordre. Quant au canton de Zurich, son service de presse refuse de nous communiquer les derniers chiffres, étant donné qu'une intervention parlementaire est en cours. En avril, la Ville de Zurich ne dénombrait toutefois que quatre contraventions. Et dans tous ces exemples, impossible de faire la distinction entre des personnes encagoulées ou voilées intégralement. Des touristes arabes traversent la rue à Lucerne. L'image date d'avant la votation. Urs Jaudas Ces chiffres sont-ils étonnants? Pas tant que cela. Lors de la campagne de votation, le Conseil fédéral rappelait déjà que le problème de la burqa était marginal en Suisse, et concernait principalement des touristes du golfe arabique. Il faut dire que la Suisse a une expérience en la matière. Le Tessin et Saint-Gall connaissent depuis 2016 et 2019 des législations cantonales similaires. Or, Saint-Gall nous indique n'avoir infligé aucune amende à ce jour. Quant au Tessin, canton touristique , le problème semble s'être réglé de lui-même. Ce qui laisse envisager un effet dissuasif. «Entre 2016 et 2020, 60 amendes ont été délivrées pour dissimulation du visage, précise la police cantonale. Parmi celles-ci, 32 concernaient des personnes liées au hooliganisme, tandis que 28 concernaient des personnes au visage voilé. Depuis 2020, le Département des institutions n'a plus reçu d'informations de la part des polices municipales, compétentes en la matière.» La défense des valeurs judéo-chrétiennes en Suisse Face à cette quasi-absence de cas, faut-il se résoudre à constater que cette loi n'en vaut pas la peine? Jacqueline de Quattro (PLR/VD), ancienne conseillère d'État chargée de la Sécurité, a soutenu l'initiative. Pour elle, la discussion ne doit pas être posée en ces termes. «La volonté populaire était claire lors du vote de 2021. Aussi bien la majorité de la population que celle des cantons a voté en faveur de cette initiative pour préserver nos valeurs judéo-chrétiennes. Il s'agit désormais de respecter cette volonté populaire, et pour le faire, il faut appliquer la loi.» La Vaudoise n'est pas la seule à s'interroger sur la façon dont les forces de l'ordre sanctionnent cette infraction. L'intervention parlementaire en cours de traitement dans le canton de Zurich est précisément liée à ce thème. Les deux élus UDC qui l'ont déposée veulent savoir comment l'interdiction de se dissimuler le visage est appliquée, et si certaines personnes utilisent des masques d'hygiène pour la contourner. Il est en effet possible d'avoir le visage couvert pour des raisons sanitaires. Aucun bilan officiel au niveau suisse Cette question de l'application de la loi, nous l'avons posée à la Conférence des commandants des polices cantonales. Nous lui avons aussi demandé ce qu'elle pensait des résultats après six mois. Cette dernière botte en touche: «Aucune statistique n'est disponible au niveau suisse. En conséquence, aucun bilan n'est prévu de notre part.» Jean Tschopp, conseiller national (PS/VD): «L'UDC et ses alliés ont réussi à en faire des tonnes avec une initiative dont on savait dès le départ qu'elle ne résoudrait rien.» Adrian Moser Du côté des opposants à l'initiative antiburqa, cette poignée de cas enregistrée était attendue. «Ce que ces chiffres montrent, c'est que l'UDC et ses alliés ont réussi à en faire des tonnes avec une initiative dont on savait dès le départ qu'elle ne résoudrait rien, réagit Jean Tschopp (PS/VD). Les personnes qui portent le voile intégral sont une partie infime de la population qui vit en Suisse.» Membre de la Commission des institutions politiques, il poursuit: «Aujourd'hui, il ne s'agit pas de refaire tout le débat. Mais cette affaire doit nous rappeler la capacité de ce parti à exagérer – à des fins électorales – des problèmes pratiquement inexistants pour nous détourner de questions bien plus importantes comme la santé ou le pouvoir d'achat.» Plus sur l'interdiction de se dissimuler le visage Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Florent Quiquerez est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2015. Spécialisé en politique, il couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, il a travaillé comme correspondant parlementaire pour les Radios Régionales Romandes. 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