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Fiori, je m'ennuie !

Fiori, je m'ennuie !

La Presse5 days ago
Notre collaborateur offre une version bonifiée d'un texte lu lors de la cérémonie d'hommage à son grand ami Serge Fiori. Récit d'une amitié aussi improbable qu'émouvante.
Bon, j'aurais dû l'écrire plus tôt celle-là, mais je n'en étais pas capable, j'étais occupé, occupé à brailler comme un veau, et ravaler dans mon coin.
Et là, me voilà qui parle tout seul, qui radote, parce que cette fois-ci, l'écho ne me revient pas de Saint-Henri-de-Taillon.
Je me fais des solos, des monologues, où je me dis que cette dernière année, où tout a merdé, était dans ton rétroviseur, que les choses auraient pu mieux aller pour toi, ta santé, et le reste.
Un classique, je sais. C'est ça, la mort, ça donne toujours de la valeur ajoutée aux raisons de vivre qu'on a banalisées.
Avant que tu mettes les voiles, je n'ai pas senti de préavis. L'avant-veille, on jouait encore à notre jeu favori, à celui qui prend l'autre en défaut. On a encore vidé un litre de salive sur des âneries, à se dessécher la langue et à massacrer le verbe.
Et pour une rare fois, j'ai gagné, parce que c'était généralement moi le nono, la bonne poire avec le déficit d'attention que le docteur Fiori m'avait lui-même déjà diagnostiqué, sans que je sollicite une consultation, au demeurant. Et tu te payais la traite, pas ordinaire.
Ben oui, j'm'ennuie, qu'est-ce que tu penses ? On était pourtant capables de se le dire, tous les deux, qu'on s'ennuyait.
On a été de nouveaux amis, même pas 10 ans. Tu es venu un jour te présenter à moi, sur une terrasse, à Québec. Serge Fiori, que tu m'as dit. Heureusement, sinon je ne t'aurais pas reconnu, j'ai juste tripé sur toi toute ma vie.
De nouveaux amis qui n'en cherchaient pas, par ailleurs, nous partagions la même méfiance. Mais il s'est passé quelque chose qu'on n'a même pas compris nous-mêmes, qui nous a surpris, des lieux communs qu'on n'aurait pas devinés chez l'autre, et on en a été très heureux, et on a pris soin de nous autres, comme des petites bêtes.
On s'est peut-être connus au meilleur moment de nos vies, plus vieux, mais en duo, pas nécessairement plus matures, souhaitant juste une relation normale, pour des garçons anormaux.
Ce qui m'a fait te dire qu'avant de t'aimer, je t'avais admiré. Tu m'as retourné la phrase, je n'ai pas relevé, gentil, mais on ne jouait pas dans la même ligue, t'étais Fiori.
Comme tu l'as dit, nous deux, on était une caricature.
On a été tellement niaiseux tous les deux, le monde ne croirait pas ça. On a fait honte à nos blondes, ben en masse. Presque des personnages de Race de monde, Victor-Lévy Beaulieu aurait su apprécier.
Et c'est devenu un besoin, ensemble, de dérailler, de rire à se fendre la face. On est tombés dans la bonne talle, comme on le dit des bleuets au Lac-Saint-Jean.
Mais on était capables de finir une conversation en se disant « Je t'aime ! ». J'aurai vécu ça, moi.
On a discuté de musique, évidemment, mais je n'ai pas résolu l'énigme, comme tant d'autres. Aussi, après avoir sifflé une couple de bouteilles, je tentais parfois de comprendre l'affaire, comment t'avais pu créer ton œuvre principale en si peu de temps, et à cet âge-là.
Comment l'envoûtement s'est installé, la déferlante, dans ta tête et dans ton âme ?
Tu avais toujours les mêmes réponses plates, du genre : « L'inspiration, ça arrivait comme ça, pis ça sortait comme ça ». Ben oui, pourquoi pas, j'aurais aimé que ça m'arrive, moi…
Et je sentais ta lassitude sur le sujet, comme si c'était un détail. Mais l'avais-tu jamais compris, toi-même ? Finalement, je n'ai pas trop insisté, durant toutes ces années, tu n'avais pas besoin d'un groupie de plus dans ta vie.
Bien sûr, on ne s'entendait pas sur tout, comme sur la Sainte-Flanelle, par exemple. Moi, je suis un gars de Québec, nostalgique, alors le Canadien de Montréal…
J'en ai connu des maniaques du CH, mais des crinqués de ton espèce, pas tant. C'est le seul sujet à propos duquel tu bougonnais, avec moi. En fait, tu avais un problème de perception des odeurs, pour toi, ça sentait toujours la Coupe.
Mais autrement, sur la politique, on était pas mal à l'unisson. Tu nous auras quittés avec toujours en toi cette immense soif de liberté pour les Québécois. Ta vie durant, tu l'as appelé de tous tes vœux, le pays, celui du Québec. Tu n'avais jamais accepté qu'on se dise non. On va s'en souvenir, mon chum.
Ces derniers jours me sont revenues les petites saynètes que tu nous offrais, trop souvent, quand tu te prenais pour un comédien à cinq cents. Te dire comment tu nous énervais ! Un gamin, un cabotin. L'icône atteignait son niveau d'incompétence, il n'avait pas tous les talents, mais pas pantoute.
Pas vraiment claire, la limite entre l'amitié et l'amour, je ne sais plus. Entendons-nous sur une grosse soupe épaisse d'affection.
C'est pourquoi j'ai un trou dans l'âme, et finalement, j'en prendrais encore des petits sketchs d'andouille, pour entendre à nouveau ta voix, ton rire, et revoir ta grosse face.
Tu me manques, maudite marde !
On était de nouveaux amis, oui, mais c'était un peu court, finalement, et le temps est long, j'en aurais pris encore plusieurs années.
Fiori, je m'ennuie, mais surtout, je t'aime !
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time2 hours ago

  • La Presse

C'est qui, Fiori ?

Jeudi matin, mon amie Marie déjeune avec son gars Antoine et un de ses copains, Théo. Elle leur fait écouter le clip que Céline Dion a enregistré pour rendre hommage à Serge Fiori. Antoine demande : « C'est qui, Fiori ? » Théo fait signe qu'il ne sait pas. Oui, jeudi dernier, au Québec, il y avait encore des gens qui ne connaissaient pas le leader d'Harmonium. Antoine et Théo sont deux gars, début vingtaine, brillants et actifs. Deux universitaires passionnés aux champs d'intérêt variés, très occupés par leurs emplois d'été. Que deux jours après la magnifique cérémonie d'hommage national, ils ne soient toujours pas au courant du décès de ce grand génie musical, c'est déjà fort étonnant, mais tel est le monde actuel. Antoine et Théo ne lisent pas les journaux, le matin. Ils ne regardent pas les nouvelles, le soir. Ce qui les relie à la société, ce sont leurs réseaux sociaux. Et leurs réseaux sociaux les bombardent d'informations sur leurs préoccupations : le rap, les sports, les séries, les affaires, les voyages. En boucle. La nouvelle à propos de Serge Fiori n'a pas transpercé leur cylindre. Même un deuil national n'a pas raison du cloisonnement des algorithmes. Ce qui est le plus bouleversant, ce n'est pas que les deux gars ne sachent pas que Fiori vienne de mourir, ce qui est le plus bouleversant, c'est que les deux gars ne savaient pas que Fiori était vivant. Ce serait facile de tomber dans les clichés. Ah, les jeunes, ils n'ont pas de culture ! Ils ne s'intéressent qu'à la musique anglophone. Ils ne respectent pas les grands du passé. Ils sont assimilés. Ce n'est pas ça, la vérité. Ce qui branche musicalement Antoine et Théo, c'est le rap : Kendrick Lamar, Drake, Travis Scott, 21 Savage, Lil Wayne, Young Thug… Le rap québécois aussi, FouKi, Loud, Koriass, Fredz… C'est ce qu'ils aiment. C'est ce qu'ils écoutent. Et ils en écoutent un char et une barge. À leur âge, je m'achetais six albums chez Sam the Record Man, et je passais au travers durant un mois. Aujourd'hui, en un mois, ils reçoivent, sur leur téléphone, des milliers et des milliers de chansons. Nous, on n'en avait jamais assez, eux, ils en ont plus qu'ils ne peuvent en écouter. Ce sont deux approches de la vie complètement différentes. C'est difficile d'être curieux quand tu es comblé. S'il y a des jeunes au Québec qui ne connaissent pas Serge Fiori, ce n'est pas leur faute, c'est la nôtre. La culture est une course à relais, on ne peut pas reprocher à la personne qui nous suit de courir les mains vides si on ne lui a pas transmis le témoin. Avant le 24 juin dernier, c'était quand, la dernière fois que vous aviez entendu ces tounes revenir dans vos oreilles, tout le temps : Dixie, Harmonium, Un musicien parmi tant d'autres, Pour un instant, Viens danser ? Comment voulez-vous qu'Antoine et Théo les connaissent si on ne les fait plus jouer ? C'est d'abord aux parents de faire sonner dans leur maison les Félix, Léveillée, Vigneault, Leyrac, Julien, Charlebois, Dufresne, Beau Dommage, Harmonium, Piché, pour qu'ils deviennent des souvenirs d'enfance de leur progéniture. Pour qu'ils fassent partie de la bande sonore de leur début de vie. Et c'est à la société québécoise de les garder présents pendant que grandissent les enfants. Sur nos ondes, ça prend des émissions, des balados, des clips de classiques québécois, sur les plateformes, ça prend des documentaires à propos de nos géants, sur les réseaux sociaux, il faut se servir des standards de notre répertoire pour le faire découvrir, ça prend des quiz de musique keb, un Hitster de chez nous, ça prend plus de pubs qui font revivre nos vieux hits (dommage qu'aucune chanson québécoise ne dise RONA), ça prend plus de rappeurs qui échantillonnent du Gerry ou du Marjo, ça prend des challenges avec des tounes de chez nous, ça prend un concours de la plus grande chanson québécoise. Ça prend une volonté. Il faut que les œuvres ne revivent pas juste quand leurs auteurs meurent. L'école devrait aussi fournir sa part d'efforts. Je sais, elle en a tant à faire. Mais un cours de culture populaire québécoise au secondaire, ce serait essentiel, pour que les Deschamps, Tremblay, Vigneault, Clémence, Janette, Ginette ne tombent jamais dans l'oubli. Il faut que la culture des légendes du Québec se rende aux jeunes, et ne pas attendre que les jeunes se rendent à la culture des légendes du Québec. Les jeunes en ont déjà beaucoup sur le chemin. Ils sont sollicités de tous les côtés. C'est à nous de les entraîner côté fierté, côté identité. Parce que c'est ça, la grande différence entre les Fiori, Ferland, Vigneault, Dodo et les autres monstres sacrés du monde artistique international, ils sont le meilleur de nous-mêmes. Et c'est en faisant fructifier le meilleur de nous-mêmes que les jeunes deviendront meilleurs que nous. Et ce sera mieux pour nous tous. J'espère que depuis jeudi matin, Antoine et Théo ont pris le temps d'écouter du Fiori. Peut-être pas. Il faudrait que Marie leur en mette, à leur prochain repas ensemble. Je ne sais pas s'ils vont apprécier. Je crois que oui. Il y a tellement de liberté dans les pièces d'Harmonium. L'important, c'est qu'ils lui donnent une chance. Qu'Antoine et Théo donnent une chance à Serge d'enchanter deux Québécois de plus. Une chanson, qu'elle ait été faite en 1975 ou en 2025, c'est toujours une nouvelle chanson, quand on l'entend pour la première fois. Amusez-vous, les jeunes, il y a plein de grandes nouvelles anciennes chansons à déguster. On les a mises au monde, vous devriez peut-être les écouter. Lisez l'article « Un hommage, haut dans les nuages »

Florence K en trois photos
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Florence K en trois photos

Une image vaut mille mots, paraît-il. En voici trois, choisies par Florence K parce qu'elles jettent un éclairage sur son parcours et sur sa personnalité. On ne prend pas la peine de faire encadrer des photos qui ne sont pas significatives. Dans son bureau rempli de livres au cœur duquel trône un magnifique piano à queue, Florence affiche sa photo officielle de finissante, prise au moment de l'obtention de son bac en psycho. Pourquoi ? « Cette photo-là, c'est pour me rappeler, quand j'ai des moments de découragement pendant le doctorat, mon sentiment d'accomplissement et de fierté d'être passée à travers le bac. C'est tellement difficile de rentrer au doctorat. Quand la photo a été prise, je savais que j'étais acceptée. Je ne pouvais être plus heureuse, car mon rêve se concrétisait. Cette photo m'aide aussi à me rappeler mon enlignement, mon chemin. Et quand je suis vraiment à bout, elle me rappelle que c'est vraiment ce que je voulais, que c'était un objectif à long terme qui n'est pas évident. » PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE Disque d'or en main, Florence K est entourée de Georges-Hébert Germain et de Francine Chaloult. « Sur cette photo, j'avais 26 ans. C'était en 2008. J'avais reçu mon disque d'or pour mon deuxième album et avec moi, on voit deux personnes qui ont eu une énorme influence artistique sur moi. Francine Chaloult était ma grande amie et ma relationniste. J'avais connu Francine Chaloult en faisant mon premier bac, en communication. Elle m'avait engagée comme stagiaire. Elle a vraiment été un catalyseur. C'était quelqu'un qui aimait profondément la musique. Sa passion première, c'était les shows, les artistes. Et Georges-Hébert Germain, lui, c'est au niveau de l'écriture qu'il m'a beaucoup influencée. Quand j'ai écrit mes livres, je pensais beaucoup à lui. C'était tellement une figure inspirante aussi. Leur niveau de culture, de conversation par rapport à la littérature, à l'art… Ce sont vraiment des gens qui m'ont énormément inspirée, qui m'ont énormément aidée. Francine est décédée en 2022 et je pense encore à elle quand je monte sur scène. » PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE « C'est mon chum et ma fille, la grande, qui m'ont acheté un cerveau », confie Florence K. Le concept de cette série est de commenter des photos, mais ce cerveau était trop intrigant pour ne pas faire une exception. « C'est mon chum et ma fille, la grande, qui m'ont acheté un cerveau. C'était deux semaines avant mon accouchement de la petite Charlotte. J'étais en dernière année de bac. J'avais un cours de neuro et il fallait que je mémorise toutes les parties du cerveau pour mes examens. J'avais besoin de le voir en 3D pour mieux comprendre. Je m'étais mis des stickers partout ! Mon chum et ma fille m'ont fait cette surprise pour m'aider parce que j'avais un examen deux semaines après mon accouchement. J'avais pris ce risque-là de continuer à étudier parce que c'était la pandémie, donc je pouvais étudier de la maison. Et je ne voulais pas prendre de session off parce que j'avais 38 ans et que je voulais être psychologue à 45 ans. »

« C'est la vraie croisée des chemins »
« C'est la vraie croisée des chemins »

La Presse

time8 hours ago

  • La Presse

« C'est la vraie croisée des chemins »

Après l'été, Florence K fera la rencontre de ses premiers patients, dans la clinique de psychologie de l'UQAM, passage indispensable à l'obtention de son doctorat. Le titre de cette série semble avoir été créé sur mesure pour la chanteuse, musicienne, chroniqueuse, animatrice à la radio, conférencière et bientôt psychologue. Après des années de transition en douceur, mêlant piano et études, le début de ses stages marquera une transition dans sa vie. « Je te dirais que vraiment, cet été, pendant que tu fais cet article-là, c'est la vraie croisée des chemins », m'a-t-elle dit, assise sur son sofa, entourée des siens et de son minuscule caniche brun. À 42 ans, Florence Khoriaty est passionnée par la psychologie humaine au point d'y consacrer neuf ans d'études et de vouloir en vivre. Elle donne déjà des conférences sur le sujet en plus de tenir une chronique à la radio. Mais le début de ses stages rendra son rêve plus concret que jamais. La musique, elle, se déplacera doucement… sans quitter son cœur. L'artiste aimerait continuer à chanter pour le public de temps à autre. Pas pour payer les factures, juste pour vivre un moment agréable. Quand je vais monter sur scène, j'aurai choisi les occasions. Ça va être dans des moments où je me sentirai bien. Ça va juste être du plaisir. Florence K Ses réflexions sur son avenir professionnel sont évidemment teintées par la profonde transformation de l'industrie de la musique. Les plateformes d'écoute en continu ont eu un effet dévastateur sur les revenus de ceux qui ne créent pas des mégasuccès. Et sur leurs façons de travailler. Les artistes qui ne peuvent plus compter sur la vente d'albums doivent miser sur les tournées. « Mais c'est saturé ! Il y a plus d'artistes, mais pas plus de salles nécessairement, lâche-t-elle. J'ai tellement eu des désillusions dans la dernière année face à la façon dont l'industrie pouvait fonctionner… » Elle se demande aussi : « Dans 10 ans, est-ce que je vais encore être en état de faire de la tournée ? En plus, je m'ennuie profondément de ma maison, de mes enfants, quand je pars. » C'est sans compter que les chanteurs doivent désormais alimenter les réseaux sociaux constamment pour garder le contact, une nouvelle tâche accaparante, exigeante. J'en conclus que l'aspirante docteure est fort prévoyante. Elle éclate de rire quand je lui souligne cette démonstration de sagesse, notamment financière. Elle y voit plutôt la preuve de son anxiété ! Quoi qu'il en soit, les bancs d'école ne sont pas un fardeau qu'elle s'inflige en désespoir de cause. Florence a toujours aimé étudier. « C'est le fun de se coucher le soir et de sentir qu'on a appris. » D'ailleurs, après le cégep, elle avait obtenu un bac en communication. « Je ne me voyais pas arrêter d'étudier après le cégep. C'était aussi pour avoir un plan B parce que ma mère, oui elle est connue aujourd'hui, mais j'ai vu mes parents rusher énormément les 10 ou 12 premières années de ma vie. J'ai vu comment ce n'était pas facile pour eux de gagner leur vie avec leur art. Je n'ai pas voulu vivre ça. » Autrement dit, l'histoire se répète. La motivation ne manque pas. Mais Florence le dit sans détour : concilier ses rôles d'étudiante, de mère et d'artiste est un numéro d'équilibriste épuisant. À lui seul, le doctorat lui demande de 30 à 60 heures par semaine. Par la force des choses, c'est devenu un projet « familial », me dit-elle, pendant que son amoureux vide le lave-vaisselle. Sans le soutien de sa tribu, elle n'y arriverait pas. Voilà pourquoi elle s'est souvent exclamée, en rentrant à la maison : « On a eu A+ ! » Pour elle, il est évident que toute la maisonnée a contribué à sa note… ne serait-ce qu'en écoutant ses exposés de vulgarisation scientifique. Florence insiste d'ailleurs sur le « sérieux » et la « rigueur » de la psychologie, tout en rappelant que le cerveau est un « organe ». « C'est la santé des gens. On ne peut pas se permettre de faire des trucs qui ne sont pas prouvés scientifiquement. La recherche est hyper importante. » PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE L'artiste se passionne également pour la recherche et les statistiques. Je n'exclus pas l'idée que je vais peut-être devenir professeure d'université ou chercheuse après, parce que j'aime beaucoup la recherche aussi. Florence K Contre toute attente, elle est tombée amoureuse des statistiques. « La journée où tu comprends que tes données, tes analyses racontent une histoire, c'est comme… la plus belle affaire au monde ! » La passion de Florence est contagieuse lorsqu'elle parle de ses recherches, des théories sur le vieillissement, du pouvoir des émotions ou des facteurs de protection. Ça tombe bien : elle aime utiliser ses talents de communicatrice pour partager ses connaissances. Jusqu'ici, elle a donné une centaine de conférences sur le thème de la psychologie. Elle tient aussi une chronique sur le sujet à l'émission de radio Dessine-moi un matin, animée par Franco Nuovo à Radio-Canada… chronique qu'elle agrémente d'une chanson au piano. « On peut être bipassionnel ! » La psychologie s'avère aussi une manière pour elle de redonner au suivant. « J'ai envie de travailler dans un métier de relation d'aide, j'ai envie de me mettre au service de mes futurs patients. » Étant donné son vécu, son diagnostic de bipolarité de type II, sa dépression majeure, sa psychose, elle a la conviction qu'elle sera « vraiment capable d'empathie ». On le serait à moins. D'ici la fin de ses études, elle poursuivra ses travaux de recherche en travaillant dans deux laboratoires de l'UQAM, le CREO (qui s'intéresse à la manière dont le cerveau produit des idées originales) et le GRACE (qui se penche notamment sur le développement de l'identité chez les artistes et les athlètes). Ces sujets, Florence les incarne et les étudie avec l'enthousiasme d'une personne qui a trouvé sa voie. Elle rédigera aussi sa thèse qui porte sur un sujet très peu étudié : l'influence de l'humeur et de la santé mentale sur le niveau de créativité des artistes. Ses travaux lui permettront, dit-elle, de démolir le mythe selon lequel les artistes torturés sont plus talentueux. Avec sa recherche scientifique, à laquelle 200 artistes de la scène du Québec ont participé, Florence promet de nous apprendre beaucoup de choses avec « ses gros chiffres ». Elle lancera aussi une seconde étude, pancanadienne celle-là, avec 300 participants qui passeront des tests de créativité au fil du temps tout en décrivant leur humeur. Les artistes qui deviennent des scientifiques étant plutôt rares, sa transition amène quelques questions inédites. Les psychologues se doivent d'être « le plus neutres possible », comme des feuilles blanches pour leurs patients. Or, la vie personnelle de Florence K est abondamment documentée en ligne. Y aura-t-il un impact ? Que faire si des admirateurs se présentent à la clinique, si des patients sont admiratifs ? Ces questions inédites ont suscité des discussions avec ses professeurs. Mais comment savoir ce qui va arriver ? Il n'y a pas de précédent. Alors Florence devra devenir psychologue pour avoir des réponses. Chaque jour, ce rêve se rapproche. Après avoir donné à son public des moments de bonheur avec sa voix magnifique, Florence K s'apprête à devenir une oreille attentive. Encore une façon, pour elle, de se mettre au service des autres. De faire du bien.

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