
Il faut investir dans la brique, le mortier… et les personnes
Il faut investir dans la brique, le mortier… et les personnes
La chronique de Maxime Bergeron met en lumière l'absurdité bureaucratique qui mine le financement des projets de construction de maisons d'aide et d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale.
Vanessa Blanchette-Luong
Doctorante en psychologie du travail et des organisations
Avec les témoignages de Louise Riendeau, responsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, et de Mélanie Miranda, coordonnatrice à l'Alliance des maisons d'hébergement de deuxième étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale, la chronique souligne, à juste titre, que pendant qu'on se renvoie formulaires et devis, des femmes et des enfants se voient refuser l'accès à un refuge.
En lisant ce texte, je ne peux m'empêcher de penser qu'au-delà des murs qu'on n'arrive pas à construire, il faut aussi parler de ce qui se passe (ou ne se passe pas) à l'intérieur de ces murs.
Car la crise du financement ne touche malheureusement pas seulement la « brique et le mortier » : elle affecte directement la capacité des équipes à faire leur travail auprès des femmes et enfants victimes de violence conjugale.
C'est du moins ce que j'ai pu constater dans les projets de recherche que je réalise dans les maisons d'aide et d'hébergement depuis les six dernières années.
Manque chronique de ressources
Dans le cours de ces recherches, j'ai pu interviewer vingt intervenantes des maisons et sept de leurs gestionnaires. J'ai aussi pu observer le travail de ces personnes pendant 100 heures. J'ai vu et entendu les résultats du sous-financement : un manque chronique de ressources pour embaucher, former et retenir ces travailleuses.
Lors d'entretiens auprès de travailleuses ayant quitté les maisons, plusieurs m'ont avoué l'avoir fait à regret, pour un emploi offrant de meilleures conditions salariales, même si elles étaient plus heureuses avec leur travail en maison.
Le Comité sectoriel de main-d'œuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire (CSMO-ÉSAC) rapporte qu'en 2022, le taux de roulement pour les organismes communautaires au Québec était de 33 %, alors qu'un taux de roulement considéré comme acceptable est de 4 ou 5 %2.
Pourtant, ces travailleuses viennent travailler en maison par engagement, par vocation. Elles s'investissent corps et âme pour accompagner des personnes aux prises avec des problèmes complexes – violence, santé mentale, pauvreté, dépendances – dans un contexte social de plus en plus appauvri (hausse du coût de la vie, crise du logement, accès difficile aux soins en santé mentale, etc.).
Malheureusement, malgré la lourdeur et l'importance de leur travail, les travailleuses des maisons doivent composer avec de faibles salaires et peu d'avantages sociaux. Résultat de ces conditions d'emploi non concurrentielles : le recrutement et la rétention deviennent presque impossibles.
Les maisons doivent répondre à une demande de plus en plus grande et complexe avec des effectifs réduits et des équipes de travail incomplètes.
Ce qui suit est bien connu : on compte sur leur dévouement, sur leur « cœur », pour combler les trous béants laissés par l'insuffisance des budgets.
Les intervenantes réalisent leur travail du mieux qu'elles peuvent et remplissent leur mission avec les ressources disponibles, mais elles finissent par s'épuiser.
Il est grand temps d'arrêter de s'appuyer sur la bonne volonté des intervenantes et des gestionnaires. Je me joins donc à la voix de Maxime Bergeron et de toutes les personnes ayant contribué à sa chronique : construire des maisons d'hébergement, c'est indispensable.
Mais j'ajouterais aussi qu'investir dans le personnel qui y travaille l'est tout autant. Sans ressources suffisantes et stables, ces maisons resteront incapables de répondre aux besoins criants de la population. Elles font déjà des miracles avec le peu qu'elles ont. Imaginez ce qu'elles pourraient accomplir si on leur donnait enfin les moyens de faire leur travail !
En conclusion : on ne sauvera pas des vies seulement avec du béton. Il faut aussi – et surtout – investir dans les personnes qui, chaque jour, tiennent ce système défaillant à bout de bras.
1. Lisez la chronique « Financement amputé : les féminicides et la bureaucratie »
2. Consultez l'enquête Les Repères en économie sociale et en action communautaire
Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


La Presse
2 hours ago
- La Presse
La petite maison qui tenait bon s'effondre
L'énorme trou créé par un glissement de terrain dans la nuit de mardi à mercredi, à Saint-Thuribe Le glissement de terrain qui a créé un immense trou dans le village de Saint-Thuribe aura finalement eu raison de la « petite maison blanche ». Une jeune famille dit avoir tout perdu dans l'effondrement. Juliette Nadeau-Besse Le Soleil Un immense trou s'est formé à Saint-Thuribe, dans Portneuf, dans la nuit de mardi à mercredi. Un glissement de terrain avait alors emporté le sol sur une superficie de 100 mètres sur 150 mètres, et créé un trou d'une profondeur de 10 mètres. Trois maisons étaient surveillées pour un risque d'effondrement, mais l'une d'entre elles était particulièrement près du glissement de terrain. Elle a tenu le coup jusqu'à vendredi matin, où une petite partie de la « petite maison blanche » s'est effondrée. Le reste de la résidence a finalement cédé dans la nuit de vendredi à samedi, s'écroulant complètement dans le gouffre. Des vies qui s'effondrent Une collecte de fonds a été lancée tard vendredi soir pour aider la jeune famille qui a tout perdu dans l'effondrement de la maison qu'elle habitait. « La situation est dramatique et cette jeune famille se retrouve sans logement, sans vêtements, sans effets personnels… mais surtout, sans repères », écrit Sarah-Jade Naud, l'instigatrice de la campagne GoFundMe. De nombreux citoyens se sont portés volontaires pour aider les parents de deux petits garçons de 3 ans et de 3 semaines à se relever. En quelques heures seulement, plus de 17 000 $ ont été amassés pour la jeune famille de Portneuf. Samedi soir, la somme amassée a atteint 23 000 $. La famille accepte des dons en argent, mais aussi des dons en objets pour la maison, en produits pour bébé et en vêtements pour enfants. Les trois maisons qui entouraient le cratère appartenaient à Sylvain Trottier, un résidant de longue date de Saint-Thuribe qui possède une ferme familiale.


La Presse
3 hours ago
- La Presse
Encore peu de trafic aux postes frontaliers américains
Le poste de Saint-Bernard-de-Lacolle faisait exception ce samedi, avec une attente était toujours d'une vingtaine de minutes, vers 21 h. Au premier jour des vacances de la construction, au Québec, le calme règne à la frontière canado-américaine. Samedi, il n'y avait toujours presque aucune attente aux principaux postes frontaliers américains de la province. Aucun des postes frontaliers québécois ne présentait un délai d'attente samedi après-midi et en soirée, selon le site web de l'Agence des services frontaliers du Canada, qui met ses données à jour à toutes les heures. Seule exception : le poste de Saint-Bernard-de-Lacolle, qui assure la jonction entre l'autoroute 15 et l'autoroute 87, aux États-Unis, dont l'attente était toujours d'une vingtaine de minutes, vers 21 h. Consultez Le temps d'attente à la frontière canado-américaine des postes frontaliers les plus fréquentés Le même constat avait été fait la veille, au coup d'envoi des vacances de la construction, au Québec, alors que les files devant les postes frontaliers étaient presque inexistantes. Selon un sondage publié par CAA-Québec le 4 juin dernier, plus de 54 % des Québécois en vacances cette année resteront au Québec, et seulement 4 % ont l'intention de se rendre aux États-Unis.


La Presse
3 hours ago
- La Presse
Au royaume d'un classique québécois aux saveurs d'ailleurs
Réforme du régime forestier Manifestation à Québec contre le projet de loi 97 (Montréal) Une manifestation organisée par le Front de Résistance Autochtone Populaire (FRAP) contre le projet de loi 97 sur le régime forestier a eu lieu samedi midi devant le Parlement du Québec. Les organisateurs exigent le retrait complet du projet de loi et appellent la population allochtone à se joindre à eux.