
Des hésitations à la décision, comment Emmanuel Macron en est venu à la reconnaissance de la Palestine
Alors que le processus semblait s'enliser, et que la conférence « pour les deux États » prévue pour ce lundi 28 juillet était perçue comme une manœuvre dilatoire, comment le chef de l'État a-t-il franchi le pas ? Pour comprendre, il faut remonter à cet hiver, où une première brèche s'ouvre. En déplacement en Arabie saoudite, Emmanuel Macron annonce alors que les deux pays coprésideront une conférence « pour les deux États » quelques mois plus tard, en juin. En avril, alors que le blocus de l'aide humanitaire à Gaza par Israël fait craindre le pire pour le territoire palestinien, la France monte d'un ton. « On doit aller vers une reconnaissance (du territoire palestinien, ndlr) et donc dans les prochains mois on ira », assure le chef de l'État.
Les mots sont forts. Une reconnaissance française de l'État palestinien permettrait, peut-être, de redonner de la vigueur à la fameuse « solution à deux États » (la position française officielle), placée en coma artificiel depuis des années. Avec, en bonus, la possibilité d'entraîner d'autres pays d'Europe occidentale à sa suite.
Un premier élan vite interrompu
Mais les semaines suivantes, Emmanuel Macron précise ses propos et édicte plusieurs conditions à cette reconnaissance : la libération des otages du Hamas, sa « démilitarisation », sa « non-participation » à la gouvernance de cet État, la reconnaissance, par le futur État, d'Israël et de « son droit à vivre en sécurité ». Au point de sonner parfois comme une volonté de temporiser sur ce qui serait un pas diplomatique retentissant de la part de la France.
S'y ajoute le désir français de ne pas effectuer cette reconnaissance de manière solitaire. Les semaines qui suivent, le président de la République profite de ses déplacements à l'étranger pour aborder le sujet avec ses homologues. Mi-mai, Paris, Ottawa et Londres s'expriment à l'unisson pour dire leur détermination « à reconnaître un État palestinien en tant que contribution à la réalisation d'une solution à deux États ». Mais l'élan ne va pas plus loin.
Le 13 juin 2025, Israël attaque l'Iran et ses installations nucléaires. Certes, Téhéran n'a pas que des alliés dans la région, mais l'offensive israélienne indigne. L'Arabie saoudite par exemple qui, malgré son statut de rival de l'Iran, condamne « l'agression israélienne » contre un « pays frère ». De quoi percuter la stratégie française qui misait aussi sur une normalisation des relations entre l'État hébreu et les pays musulmans de la région afin d'arriver, à terme, à une stabilité régionale. La conférence onusienne est reportée dans la foulée.
Infime changement de stratégie
Un mois et demi plus tard, Paris ne conditionne plus aussi clairement la reconnaissance d'un État palestinien à un geste similaire d'autres pays. En plus des ambitions exprimées par Emmanuel Macron, la conférence prévue ce lundi vise avant tout à « clarifier » les intentions françaises, et ce, alors que la situation humanitaire à Gaza, qui horrifie de plus en plus, y compris à l'échelle européenne, pourrait faire bouger les lignes et rallier d'autres pays.
À l'issue de la conférence, la France espère donc aboutir à un document contenant « un rappel de principes sur lesquels doit être fondée la solution à deux États et l'endossement des engagements (ndlr : démilitarisation du Hamas et exclusion de la gouvernance, réforme de l'Autorité palestinienne) pris par Mahmoud Abbas dans sa lettre » du 9 juin, adressée à Emmanuel Macron et au Prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
« L'objectif de cette conférence est de faire endosser ces nouveaux paramètres par le plus grand nombre d'États et en particulier par ceux de la région. Ils sont les principaux intéressés, dans une perspective de normalisation avec Israël et dans le contexte de la mise en œuvre d'une solution à deux États. Cela permettra de favoriser les conditions de formulation de cet horizon politique » à long terme, souffle une source diplomatique.
« Développement positif »
Des espoirs réalistes ? Dans la foulée de l'annonce présidentielle, plusieurs pays du Golfe ont quoi qu'il en soit applaudi l'initiative. « Le Royaume salue cette décision historique qui réaffirme le consensus de la communauté internationale sur le droit du peuple palestinien à l'autodétermination et à l'établissement d'un État indépendant sur les frontières de 1967 », a réagi le ministère saoudien des Affaires étrangères dans un communiqué.
Même tonalité pour le Qatar, qui joue un rôle de médiateur entre Israël et le Hamas. Doha félicite ainsi un « développement positif (...) qui contribuera à renforcer les chances d'une paix juste et globale dans la région ». Selon un décompte réalisé par l'AFP, 142 États ont déjà reconnu l'État palestinien. Côté français, on estime que ce pas en avant permettra aussi de mettre sous pression le Hamas qui, officiellement, n'est pas pour la solution à deux États.
« En reconnaissant la Palestine, la France donne tort à ce mouvement terroriste. Elle donne raison au camp de la paix contre celui de la guerre », défend le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, pour contester le discours israélien, accusant la France de reconnaître un « État terroriste ». Alors qu'Israël transgresse chaque jour le droit international, la bataille des récits ne fait que commencer. Et en dégainant cette bombe diplomatique, Emmanuel Macron semble (enfin) prêt à la mener.
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