« Je n'ai aucune perspective pour septembre » : le cri d'alarme des recalés de MonMaster
MonMaster
. Critiquée pour son opacité, cette plate-forme mise en place en 2023 oriente les étudiants en licence vers un master, de la même manière que
Parcoursup
permet aux lycéens de préparer l'après-baccalauréat. Mais comme sa petite sœur, elle n'est pas exempte de gros défauts.
Depuis qu'elle a 18 ans, Rosa* le sait : elle souhaite devenir professeure-chercheuse en économie. Après avoir décroché son baccalauréat et un passage dans une classe prépa réputée, elle est diplômée d'une licence de sciences économiques et sociales avec mention très bien. Elle cumule les options : chinois, sport, japonais… Pourtant, à Tokyo où elle effectue un
semestre d'échange
, elle apprend début juin qu'elle a été refusée d'office dans sept des neuf masters qu'elle avait demandés, et qu'elle est en liste d'attente dans les deux autres.
« C'était déjà difficile, mais le vrai coup de massue est tombé vendredi matin », raconte l'étudiante. C'est à ce moment que la phase d'admission complémentaire s'est achevée : les listes d'attente n'évolueront plus, sauf en cas de désistement, ce qui est rare. « Il faudrait qu'un des étudiants admis parte étudier dans un autre pays, ne puisse pas se loger ou ne valide pas sa
licence
», souffle l'étudiante, la gorge serrée.
Pourtant, elle avait postulé à ces masters en étant confiante. « Je ne m'étais pas jetée dans la gueule du loup, tous les directeurs des masters que j'avais contactés m'ont affirmé que mon profil correspondait ! » affirme l'étudiante de 20 ans, qui quittera Tokyo fin juillet. « Je vais rentrer en France sans aucune perspective, avoue-t-elle, désemparée. C'est dur à avaler. J'ai travaillé comme une dingue, mais je n'ai aucun résultat derrière. »
MonMaster, c'est la deuxième année qu'Imene s'y frotte… et s'y pique. Après une licence de
psychologie
et un diplôme d'université en sciences criminelles, tous ses vœux de masters ont été refusés, encore une fois. « Cette plate-forme ne permet pas de mettre en valeur un parcours atypique », regrette la jeune femme de 24 ans qui, en plus d'être engagée dans un conseil régional et une association, est ambassadrice d'un
Opéra national
. « Les critères sont opaques. Certains établissements privilégient leurs propres étudiants, d'autres non… C'est très inégal », déplore Imene.
Elias, qui a obtenu sa licence en sciences politiques à l'
Université Paris 8
avec mention bien, n'a en l'occurrence pas été priorisé par son établissement, en plus d'être refusé d'office par toutes les autres universités parisiennes, comme beaucoup de ses camarades. « Ça crée le sentiment d'être exclu par les autres facs, et de ne pas être reconnu par la nôtre », avoue le jeune homme de 22 ans, convaincu que la réputation de son université a joué en sa défaveur.
« On est vus comme des gauchistes qui font des blocus tous les mois », regrette l'étudiant. Elias ne s'est pas non plus senti accompagné par son établissement dans la prise en main de MonMaster. « On a eu un cours où on a appris à faire des CV et des lettres de motivation, mais aucune info sur les attendus ou le fonctionnement de la plate-forme. »
Elias ne sait toujours pas où il atterrira à la rentrée de septembre ; il est à la première place de la liste d'attente d'un master, mais… elle est figée. Comme Rosa, il mise sur un désistement. « On n'a presque aucune info sur le déroulé de ces désistements. Il y a des sons de cloche différents partout », s'agace l'étudiant, qui voudrait travailler dans la
diplomatie
ou l'
action publique
. Le numéro vert de la plate-forme a fermé ce vendredi.
Si aucun master ne lui ouvre ses portes, un étudiant peut faire un recours au rectorat. « Mais j'ai peur que le recteur me donne un master qui n'a rien à voir avec ce que je veux faire, c'est quand même ce qui va déterminer ma carrière », estime Elias, qui préfère encore partir en diplôme universitaire avant de retenter la sélection l'an prochain.
*
Tous les prénoms ont été modifiés
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