Rewake invente le reconditionnement du matériel de labo
Un dilemme qui le saisit au sortir de ses études, alors qu'il souhaite, avec son compère Alban Catoire, créer une entreprise à impact. Arborant une double casquette de commerciaux et d'ingénieurs (CentraleSupélec et Essec pour l'un, Supaéro et HEC pour l'autre), le duo veut miser sur une innovation d'usage plutôt que technologique, afin d'avoir un impact tangible et rapide dans la transition écologique. Tous deux ayant fait l'expérience des laboratoires au cours de leur cursus ou lors de leurs premiers stages, ils ont pu constater l'important taux de renouvellement du matériel utilisé par les chercheurs et la difficulté pour eux de revendre les appareils qui ne servent plus.
Un marché moins confidentiel qu'il n'y paraît : le secteur des outils de laboratoire pèse environ 1 milliard d'euros en France, et l'achat de ces équipements représente le premier poste d'émissions de CO 2 des laboratoires expérimentaux, avec 50 % du total en moyenne. Ces acquisitions émettent ainsi 3,2 tonnes de CO 2 par an et par chercheur. Pour proposer une alternative au neuf, Paul Forget et Alban Catoire fondent Rewake en 2023 et s'installent à Montreuil (93).
50 % moins cher que le neuf
« Comme il existait peu de reconditionneurs de matériel de laboratoire et que ce sont des outils chers nécessitant un fort lien de confiance, nous avons opté pour un modèle où nous reconditionnons nous-même les appareils avant de les revendre, plutôt que de faire l'intermédiaire entre des vendeurs et des acheteurs », explique Paul Forget. Rewake propose ainsi aux laboratoires de racheter le matériel dont ils n'ont plus besoin, et dont ils devaient auparavant eux-mêmes assurer la revente à moins de s'en débarrasser à grands frais en déchetterie.
Ce gisement est important bien que difficile à estimer, et les causes de l'abandon de matériel sont multiple : bifurcation dans un projet de recherche qui rend certaines machines inutiles, fin de thèse de doctorants équipés pour leurs travaux, faillite de start-up de recherche, et également un système poussant les grandes entreprises à acheter du matériel dernier cri afin de bénéficier du meilleur contrat de maintenance possible. Les laboratoires disposant d'appareils inutilisés peuvent ainsi contacter la start-up et remplir un formulaire indiquant la quantité et la référence des outils proposés.
Rewake effectue un diagnostic afin de déterminer l'état de la machine et une liste de pièces nécessaires à son éventuelle réparation, avant de la racheter au laboratoire à environ 20-25 % du prix du neuf. « Dans 80 % des cas, nous effectuons les réparations et le reconditionnement nous-mêmes grâce à nos techniciens de laboratoire, et nous faisons appel à des réparateurs extérieurs quand ce sont des machines que nous ne connaissons pas. » Pour ce faire, les équipes de la jeune pousse ont notamment bénéficié d'une formation dispensée par Thermo Fisher Scientific, un des leaders mondiaux de l'équipement de laboratoire. Une fois reconditionnés, les outils sont vendus directement sur le site internet de Rewake, à un prix inférieur en moyenne de moitié par rapport au neuf.
Plus de 200 laboratoires clients
Pour gagner la confiance de ses clients, Rewake garantit 6 à 24 mois ses appareils reconditionnés. En outre, elle promet des délais de livraison trois fois plus courts que pour le neuf, une performance due au fait que les producteurs de matériel de laboratoire fabriquent beaucoup à façon. De quoi expliquer son succès, après seulement deux petites années d'existence. Avec près de 200 laboratoires clients, publics comme privés, et 450 machines vendues, elle compte réaliser cette année un chiffre d'affaires situé entre 500.000 et 800.000 euros.
Ses produits stars ? « Les paillasses de laboratoire, les centrifugeuses, les étuves, les incubateurs, les réfrigérateurs et le petit matériel comme les pipettes, énumère le fondateur. Nous sommes en train de nous positionner sur le secteur de la biologie, avec des appareils comme les thermocycleurs ou les spectromètres. » En revanche, Rewake évite de reconditionner les machines trop chères, comme les spectromètres de masse, qui peuvent valoir 200.000 euros à l'unité, ou les appareils dont la technologie n'est pas encore assez mature, comme les séquenceurs ADN, avec un risque d'obsolescence rapide.
La société est en cours d'évaluation de l'impact environnemental de ses ventes reconditionnées, un calcul compliqué faute d'analyse de cycle de vie disponible pour ce matériel de pointe. Après avoir levé 430.000 euros l'an passé, la jeune pousse compte doubler son chiffre d'affaires en 2025 et développer sa notoriété. « Nous sommes encore trop dépendants du bouche à oreille », regrette Paul Forget. Elle compte déménager d'ici la fin de l'année pour s'installer dans 1.000 mètres carrés de locaux afin de faire croître ses capacités de reconditionnement et ainsi ancrer le secteur de la recherche dans une logique de développement durable.
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