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Face à l'aggravation du dérèglement climatique, freiner la transition énergétique n'a aucune justification économique

Face à l'aggravation du dérèglement climatique, freiner la transition énergétique n'a aucune justification économique

Le Soir16-07-2025
Depuis le début des négociations mondiales sur le dérèglement climatique en 1990, on a entendu en gros trois types de réponses pour ne pas mener les réformes nécessaires. En premier lieu, la dégradation du climat constituait une arnaque (le « hoax » cher à Donald Trump). Cette thèse fut longtemps véhiculée avec complaisance par des centres de recherches et des universitaires financés – dans la discrétion – par les grandes industries fossiles. En deuxième lieu, d'autres experts ont commencé à expliquer que le problème allait être résolu par les progrès scientifiques (allant de la fusion nucléaire à la création d'une atmosphère artificielle). Maintenant se répand la troisième réponse : la lutte contre le dérèglement climatique est « impayable », un « non-sens économique », un « rêve d'ayatollahs verts », etc.
Le seul problème de cette opposition est que, comme les précédentes, elle ne tient aucun compte des évaluations sérieuses. De la même manière qu'on a méprisé pendant des décennies les avertissements de la communauté mondiale des climatologues, on méprise ceux de la communauté financière.
En 2021, inondations en Europe. Rien qu'en Allemagne, les dégâts directs et indirects sont évalués à plus de 40 milliards d'euros. Qui va payer ? En 2022, inondations au Bangladesh. Un tiers du pays se retrouve sous eau, 33 millions de personnes sont déplacées. Evaluation des dommages directs et indirects : plus de 30 milliards de dollars. Qui va payer ? En 2024, inondations en Catalogne. Dommages aux seules entreprises : quelque 10 milliards d'euros. Dommages aux infrastructures de transport : plusieurs milliards, encore à clarifier. Pertes de la production agricole : 30 %. En novembre, le gouvernement espagnol affecte déjà aux seules personnes frappées 10,6 milliards d'euros. Qui va payer ? En 2025, incendies à Los Angeles. Dommages, totaux cette fois, estimés entre 125 et 150 milliards de dollars. Qui va payer ?
Des dégâts systémiques aussi
Aux dommages directs et indirects (de plus en plus lourds) liés à ces catastrophes (de plus en plus brutales et fréquentes), il faut ajouter des dégâts systémiques plus insidieux. Pertes de rendement agricole provoquées par des fluctuations plus fortes de la météo, multiplication des infections provoquées par des températures tropicales, obsolescence d'infrastructures (rails, routes, centrales et réseaux électriques, immobilier…) non prévues pour un climat aussi agressif, etc.
Pour cette raison, l'évaluation des dommages complets demeure hasardeuse, mais toutes les projections s'accordent au moins sur un point : elles seront colossales. A titre d'exemple, un rapport de Swiss Re de 2024 estime déjà à près de 300 milliards d'euros les pertes économiques et les coûts d'assurance liés aux catastrophes naturelles et climatiques en 2024 au niveau mondial, un chiffre en forte augmentation. La question devient alors différente : qui a payé ? Les citoyens ? Les entreprises ? L'Etat ? A la fin survient toujours un appauvrissement collectif. La même année, l'Institut suisse de recherche estimait, l'impact d'une hausse maintenant probable de 3° de température à une réduction de 10 % du PNB mondial. Un des dommages les plus dangereux consistera dans une baisse de la productivité. Une autre étude, publiée dans Nature va encore plus loin. Selon ses évaluations, les émissions de gaz à effet de serre déjà réalisées entraîneront une baisse de 19 % du revenu mondial en 2049. En d'autres termes, à l'heure actuelle, les dégâts dépassent déjà de façon substantielle les coûts qu'implique la réduction des émissions, et cela ne fera que croître (avec des désordres d'autant plus grands que la répartition des pertes sera très inégale).
La destruction économique a commencé
On peut discuter autant qu'on veut des paramètres (aléatoires) de ces évaluations, mais leur tendance apparaît très claire. Nous sommes déjà dans une phase de destruction économique. Cela contribue déjà, parmi d'autres facteurs, à la dégradation des finances publiques et au malaise social (pour ne pas parler du malaise mental) dans de nombreux pays. La montée inexorable (sauf miracle jusqu'ici invisible) des températures, des catastrophes naturelles, et des dérèglements météorologiques ne fera qu'alourdir la facture. Pour synthétiser, chaque milliard sauvé en retardant les réformes climatiques coûtera quatre ou cinq milliards plus tard.
Il existe d'autres raisons de progresser dans la transition climatique. La plus importante tient à la baisse régulière des coûts du renouvelable, tant solaire qu'éolien. Par ailleurs, notre système de production énergétique, en partie vieux, exige en tout état de cause des investissements importants. Enfin, des raisons supplémentaires s'imposent encore en Europe. La dépendance énergétique extérieure de celle-ci n'arrête pas de progresser et dépasse les 80 %. La réduction des énergies fossiles permet aussi d'éviter la soumission à des fournisseurs hostiles (Poutine hier, Trump aujourd'hui).
De façon surréelle, c'est au moment où la destruction économique du dérèglement climatique devient plus évidente que le débat politique, aux Etats-Unis comme en Europe (zones les plus responsables), devient plus infantile. C'est évident avec l'administration Trump, qui va jusqu'à faire supprimer toute référence au climat sur les sites internet officiels (le simple fait de proposer des recherches sur le sujet entraîne aussi une perte de subsides pour les universités).
Les dénis entraîneront des sacrifices plus lourds encore
Le même mouvement se déploie en Europe. De façon plus hypocrite, la Commission von der Leyen, maintenant investie (grâce au soutien niais apporté par les socialistes, les libéraux et les verts), multiplie les sabotages des réglementations et des objectifs climatiques, au nom de « l'économie » (grâce au soutien de l'extrême droite). En effet, l'extrême droite, et parfois l'extrême gauche, déploient toutes les arnaques démagogiques en présentant l'action climatique comme « anti-économique » ou « anti-sociale », voire un complot d'experts. Les chiffres disent pourtant exactement l'inverse. Au cours des 35 dernières années, on a fait trop peu, et non trop. De manière prévisible, cela n'a fait qu'aggraver notre dilemme actuel. Les dénis d'hier ont mené aux choix douloureux d'aujourd'hui. Les dénis d'aujourd'hui préparent les sacrifices encore plus brutaux de demain.
C'est d'autant plus vrai que de nombreux signes indiquent que la communauté mondiale des climatologues a plutôt sous-estimé l'ampleur du danger. Les températures, par exemple, montent plus vite que prévu, tout comme la production du méthane, la montée et les dégradations des mers, ou la fonte des pôles. Dans pareil contexte, on peut plaider pour « l'adaptation » de notre société, mais cela ne pourra tout faire, et coûtera plus cher aussi.
Nous savons tous ce qu'il faudrait faire. Taxer le carbone de plus en plus en réduisant d'autres fiscalités. Réduire les comportements les plus polluants. Rénover les logements comme les systèmes d'alimentation et de transport. Mais personne n'aime changer de genre de vie. Alors, nous clamons dans les sondages qu'il faut faire quelque chose, et nous attendons que les autres le fassent (en préférant regarder beaucoup de séries sur l'effondrement climatique de la civilisation à la télévision).
Cela ne constitue pas une stratégie viable, ou même sérieuse. Récemment, Mme Pécresse, candidate présidentielle conservatrice peu impressionnante aux élections françaises de 2022, a justement conclu que « la transition écologique n'est ni un luxe, ni une option ». Ceux qui invoquent « l'économie » pour entraver toute action climatique ne s'appuient en réalité sur aucun raisonnement économique. Ils cherchent juste à s'épargner des efforts inconfortables pour imposer des efforts encore plus désagréables à la génération suivante. La gratitude ne sera sans doute pas le sentiment dominant de cette dernière.
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Pensions : le régime des magistrats et de la SNCB progressivement éteints Le ministre des Pensions, Jan Jambon (N-VA) a aussi annoncé que les âges de la pension du personnel roulant de la SNCB et des militaires, actuellement fixés respectivement à 55 et 56 ans, seraient progressivement relevés pour correspondre au régime général (66 ans, puis 67). Les plus hautes pensions des magistrats cesseront par ailleurs d'être indexées, a ajouté le Premier ministre. Enfin, le calcul de la pension des fonctionnaires, actuellement basée sur les dix dernières années de carrière, sera progressivement établi sur les 45 années de carrière. Bémol important : le vice-Premier Engagés a précisé une « clause de rendez-vous » sur le dossier des pensions, soit une deuxième lecture qui pourrait adapter la première. « Il n'y a pas encore de consensus politique sur tous les volets, après la période de consultation, nous pourrons faire les derniers arbitrages, notamment pour les magistrats, le personnel académique, les artistes, les femmes ou les personnes les moins favorisées. » L'accord politique n'est donc pas totalement atteint. Travail : le préavis limité à un an (au lieu de deux) et des heures supplémentaires étendues Le ministre de l'Emploi, David Clarinval (MR) a obtenu la limitation à un an (au lieu de deux) de la durée des préavis de licenciement (ou de leur compensation financière). Les possibilités d'heures supplémentaires sont par ailleurs élargies. Il sera possible de faire 360 heures par an sur base volontaire, dont 240 heures immunisées fiscalement. Dans l'horeca, ce sera 450 heures dont 260 défiscalisées. 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