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La maladie de Lyme, « une des premières maladies infectieuses en France » : la tique, hantise des randonneurs et des sportifs en pleine nature

La maladie de Lyme, « une des premières maladies infectieuses en France » : la tique, hantise des randonneurs et des sportifs en pleine nature

L'Équipe8 hours ago
Hugues Gascan, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la maladie de Lyme, réagit au calvaire de Xavier Thévenard. Et de nombreux autres malades...
Directeur de recherche au CNRS et membre du Conseil scientifique de la Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT), Hugues Gascan est un des meilleurs spécialistes français de la borréliose de Lyme. Interrogé par L'Équipe, il réagit au calvaire de Xavier Thévenard, raconte le parcours du combattant des malades, les progrès de la médecine dans sa compréhension de la maladie, mais aussi le regrettable retard pris par la science. Il appelle enfin à se méfier de certains traitements et certaines cliniques, à la limite du charlatanisme.
« Le trailer Xavier Thévenard nous explique avoir disparu des courses après avoir contracté une forme longue de la borréliose de Lyme. Que sait-on de cette maladie ?Lorsqu'on est piqué par une tique, il y a deux cas de figure. Dans 85 % des cas, se crée un anneau inflammatoire que l'on appelle érythème migrant. Le patient reconnaît la bactérie, se défend et va faire une réponse immunitaire. Le traitement classique consiste alors en une cure d'antibiotiques de deux semaines. Mais chez un petit pourcentage de patients, il peut arriver qu'il y ait une rechute. Il arrive aussi que des symptômes inauguraux apparaissent six mois, un an, trois ans après chez des personnes pour lesquelles la piqûre n'avait pas induit d'anneau inflammatoire. Les problèmes peuvent alors être très complexes.
Où est passé Xavier Thévenard, le petit prince du trail atteint de la maladie de Lyme ?
De quels symptômes parle-t-on ?Il y a une triade de symptômes minimale : des douleurs articulaires généralisées, une fatigue désocialisante, avec des gens qui ne peuvent plus grimper deux étages sans prendre dix minutes de repos, et d'autres qui sont complètement alités, comme c'est arrivé pour un de mes proches. La maladie peut générer des troubles cognitifs, un brouillard cérébral, des difficultés à se concentrer sur la mémoire immédiate. Vous lisez un paragraphe, et au bout de la cinquième ligne, vous avez oublié le sens de la première. La grande controverse a été liée au fait que cette forme qui apparaît complexe dans la durée n'était pas reconnue par les autorités de médecine conventionnelles.
Et c'est le cas désormais ?Certaines associations, parfois très virulentes, se sont élevées contre ça. En février 2025, la Haute autorité de santé (HAS) a reconnu la seconde forme comme étant une réalité. On a été beaucoup aidé par la Covid, avec les Covid longs qui ont exactement le même tableau clinique : fatigue chronique, douleurs articulaires et brouillard cérébral. La forme longue de la maladie de Lyme a donc été reconnue, une forme que j'appellerais chronique. Ce n'est pas le terme retenu par la HAS, mais ça parle à tout le monde.
« On est embêtés car on ne connaît pas de marqueurs biologiques. »
Qu'est-ce qui cause cette maladie chronique ?On en sait trop rien ! On est embêtés car on ne connaît pas de marqueurs biologiques. On peut faire toutes les prises de sang que vous voulez, on ne trouve quasiment rien. Sauf que ces patients souffrent : ils sont hypercrevés. Certains médecins parlent de syndromes post-infectieux. Il y a plusieurs hypothèses. Selon la première d'entre elles, largement répandue, les pathogènes restent dans l'organisme à très faible densité. La Borrelia (une bactérie), dans des circonstances un peu drastiques, a tendance à ne plus bouger, et à se multiplier toutes les deux, trois, quatre semaines, et peut rester cachée dans le cerveau pendant longtemps.
L'autre possibilité, c'est celle d'une destruction de la maladie par antibiotiques, mais des fantômes de structure de la Borrelia, comme de protéines ou des lipides, donneraient chez le patient des réponses inflammatoires, voire auto-immunes. Pourquoi pas ? Mais nous avons peu de preuves dans ce sens-là, car nous ne constatons pas de grosses inflammations dans les formes chroniques. La troisième hypothèse, c'est celle d'une bactérie à bas bruit qui induirait une immunodépression.
En clair, le corps jetterait un peu l'éponge et tolérerait la maladie dans son organisme, maintenant l'humain un peu malade par ailleurs. La quatrième hypothèse, à laquelle je n'adhère pas, c'est le scénario psychologique, un contrecoup dans l'esprit des malades. Cette hypothèse tend à disparaître, notamment quand on a constaté l'émergence de formes longues de Covid.
Sans connaître exactement son fonctionnement, peut-on soigner la maladie ?La prise de conscience a pris énormément de retard. La maladie de Lyme a été peu ou prou découverte à la même époque que le SIDA. Dès 87 ou 88, des études sont publiées pour planter tout le décor que je viens de vous expliquer. Mais peu de choses ont bougé depuis. Le milieu de l'infection bactérienne n'a pas pris les choses au sérieux et a pris un retard colossal. Aujourd'hui, la prise de conscience est faite, et des budgets commencent à être débloqués pour la recherche.
Quels médicaments fonctionnent ?Il y a une forte variabilité individuelle, certains patients répondent bien aux traitements, d'autre peu, et se laissent alors tenter par les miroirs aux alouettes. Il y a le traitement conventionnel composé d'une ou deux cures d'antibiotiques, la doxycycline, avec une troisième possible, dans un contexte hospitalier. Il y a aussi un antibio exceptionnel, la Rocéphine (ceftriaxone), qui est une sorte de super pénicilline injectable.
Cela consiste en des injections quotidiennes pendant deux à quatre semaines selon la gravité. Et là, ça a un effet boeuf lors de la première cure. Pendant deux mois environ, la forme revient. Sauf que chez de nombreux patients, cela ne dure pas. Une seconde cure de ceftriaxone est parfois tentée, soit ça remarche une deuxième fois, soit ça ne marche plus. C'est transitoire. La bactérie semble alors s'habituer et échapper au traitement.
« Il y a une zone grise, c'est la phytothérapie. »
On en vient alors à la situation décrite par Xavier Thévenard, cette sorte de course lancée pour trouver le bon protocole, celui par lequel on se sentira enfin mieux...Il y a une zone grise, c'est la phytothérapie. Des extraits de plantes aromatiques notamment peuvent présenter un bénéfice, je ne jette pas tout. Ce n'est pas un traitement reconnu, mais le principe est qu'une association de plantes peut, chez certains patients, prendre le relais des antibiotiques. On peut espérer que la maladie s'use au bout d'un certain nombre d'années, et que les patients retrouvent de l'autonomie.
Après il y a ces cliniques miraculeuses qui proposent de la naturopathie, des micronutriments, des soins parfois spirituels associant le corps et l'esprit etc., l'hyperthermie, des traitements à base d'oxygène, de la luminothérapie et des champs magnétiques - là je ne vois pas trop... -, et on entre dans toutes sortes de déviances, de poudres de perlimpinpin.
Que penser de tout ça ? C'est assez illusoire, cela relève généralement de la case escroquerie. Il y a aussi des cliniques qui proposent un panachage (avec une combinaison de ceftriaxone et de traitements naturels) en Suisse, en Allemagne, en Belgique, ou que sais-je encore ? Le patient repartira effectivement au bout de deux semaines et se sentira beaucoup mieux. Mais s'il avait bénéficié de la même cure avec injection de ceftriaxone en hôpital, le résultat aurait été identique, et il n'y aurait pas laissé un bras... Pour le reste, au-delà du traitement antibiotique, c'est de l'habillage, du packaging, bref du business.
« On a l'image d'Epinal de la tique qui fait la taille de l'extrémité de notre doigt. Mais ça, c'est la version adulte du parasite, gorgée de sang. »
Les tiques sont le cauchemar de tous les randonneurs et sportifs qui exercent leur passion dans la nature. Connaît-on l'étendue de la maladie ?On a l'image d'Épinal de la tique qui fait la taille de l'extrémité de notre doigt. Mais ça, c'est la version adulte du parasite, gorgée de sang. La forme juvénile, ou nymphe, fait moins d'un millimètre de diamètre. Elle recherche le cuir chevelu, derrière les oreilles, l'entrejambe, beaucoup de gens ne voient ni le parasite, ni même la piqûre. Cela contribue à sous-estimer la maladie. Au bout de deux - trois jours, la tique, repue, se détache d'elle-même. Soit on voit l'anneau inflammatoire centré sur la piqûre, soit on ne le voit pas, c'est un peu la roulette russe. Après une balade en forêt il faudrait dès le soir ou lendemain, s'inspecter tout le corps en détail, ce qui peut s'avérer contraignant. Ou bien imprégner ses vêtements de répulsifs anti-tiques avant les sorties en nature.
Arnaud De Lie (Lotto) diagnostiqué avec la maladie de Lyme
Que faire, alors ?C'est un gros problème : la maladie chronique n'était pas reconnue pendant longtemps, et les études manquent. Certains généralistes mettent les patients sous antibiotiques pendant un an, un an et demi. En France, c'est interdit. Des essais cliniques menés sur deux ou trois mois n'ont pas donné de résultats très clairs. Aux États-Unis, à Boston, dans le Massachusetts, les chercheurs et les associations de patients ont, dès 2012, fait passer une loi au niveau de l'État : tant qu'il y a un bénéfice avéré pour le patient, le médecin peut continuer à prescrire des antibiotiques.
Cette loi-là a fait tache d'huile dans tous les États où la maladie de Lyme est endémique. Elle est aujourd'hui déclinée et appliquée dans une douzaine d'États américains. Selon les statistiques de Santé Publique France, entre 50 000 et 70 000 personnes se font piquer chaque année, en fonction des taux d'humidité et de la chaleur. Cela en fait donc une des premières maladies infectieuses en France. »
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L'étourneau sansonnet, un oiseau urbain mal aimé, qui favorise pourtant la biodiversité
L'étourneau sansonnet, un oiseau urbain mal aimé, qui favorise pourtant la biodiversité

Le Parisien

time11 minutes ago

  • Le Parisien

L'étourneau sansonnet, un oiseau urbain mal aimé, qui favorise pourtant la biodiversité

Carte d'identité de l'étourneau Nom Étourneau sansonnet. Nom scientifique Sturnus vulgaris. Famille Sturnidés. Taille Environ 20 cm. Poids 75 à 90 g. Plumage Noir moucheté. Bec et pattes Noir (jaune chez l'adulte au printemps) / Fines, brun rose. Chant Varié avec des notes sifflées, des gazouillis, des grincements… Très bon imitateur (sonnerie de téléphone, cris d'alarme d'autres oiseaux…) Lieu d'hivernage Sédentaire. Couvaison des œufs 12 jours. Alimentation Omnivore. Longévité 15 ans. L'étourneau sansonnet fréquente aussi bien les zones urbaines que rurales, sans oublier les forêts. Il peut être observé facilement durant toute l'année, sur tout le territoire français. On l'entend chanter tôt dans l'année, dès janvier ou février. Comment reconnaître un étourneau sansonnet ? L'étourneau sansonnet fréquente aussi bien les zones urbaines que rurales, sans oublier les forêts. À voir aussi On pourrait confondre l'étourneau avec le merle mais son plumage est différent. Celui de l'étourneau est certes noir mais moucheté de beige et blanc, avec des reflets vert bleuté et lilas en été. Durant l'hiver, l'étourneau sansonnet est gris ou brun sombre et ses ailes sont liserées d'une couleur plus claire. La queue de l'étourneau sansonnet est courte et ses pattes sont fines. Que mange l'étourneau sansonnet ? L'étourneau sansonnet est un oiseau omnivore, qui mange aussi bien des insectes, des baies que des graines (durant l'hiver surtout). En été, il est surtout insectivore (larves d'insectes, invertébrés comme les chenilles, araignées, vers de terre, petits escargots) et frugivore (fruits, baies…). Durant la saison hivernale, l'étourneau sansonnet aime picorer les graines tombées au pied des mangeoires ou quelques miettes de pain qu'on lui aura laissées. Où niche l'étourneau sansonnet ? L'étourneau sansonnet niche le plus souvent dans les cavités des arbres ou des murs. Parfois, la place est déjà occupée et l'étourneau ne se gêne pas pour déloger les oiseaux qui s'y trouvent, s'ils sont plus petits que lui. L'étourneau sansonnet pousse ensuite des cris aigus pour défendre vigoureusement son territoire. La femelle pond 5 à 6 œufs de couleur bleutée. Le mâle s'occupe également de ses petits jusqu'à leur envol, environ 3 semaines après l'éclosion. Un étourneau sansonnet peut-il voler seul ? L'étourneau sansonnet est un oiseau grégaire, très sociable. Lorsqu'on le voit sautiller sur les pelouses à la recherche de nourriture à picorer, c'est très souvent en bande de 4 ou 5. Et lorsqu'ils volent, les étourneaux forment des nuées fascinantes. Chaque oiseau adopte un mouvement parfaitement synchronisé et interagit avec les 7 autres oiseaux de façon à adapter finement sa trajectoire si besoin. On appelle ce ballet, que l'on peut observer d'octobre à janvier, la murmuration. À lire aussi La tourterelle turque, un oiseau de parcs et de jardins urbains à la fécondité exceptionnelle ! L'étourneau sansonnet, ami ou nuisible ? L'étourneau sansonnet est un oiseau grégaire, très sociable. Souvent associé aux nuisances dont il est la cause (bruit étourdissant lorsqu'ils sont réunis dans les arbres, fientes salissantes et corrosives…), l'étourneau sansonnet n'est pas toujours très apprécié dans l'espace urbain. Mais au jardin, c'est un oiseau qui se révèle utile. Il se nourrit en effet d'invertébrés dont on se passerait bien : petits escargots, chenilles… L'étourneau est également un prédateur de limaces naturel et efficace. L'étourneau sansonnet jour aussi un rôle important dans la dissémination des graines. L'étourneau sansonnet une espèce menacée ? Les effectifs des étourneaux sont encore nombreux. L'espèce n'est donc pas protégée.

Maubeuge : pourquoi 4400 patients d'un cabinet dentaire doivent-ils se faire dépister du VIH et des hépatites B et C ?
Maubeuge : pourquoi 4400 patients d'un cabinet dentaire doivent-ils se faire dépister du VIH et des hépatites B et C ?

Le Figaro

timean hour ago

  • Le Figaro

Maubeuge : pourquoi 4400 patients d'un cabinet dentaire doivent-ils se faire dépister du VIH et des hépatites B et C ?

Lundi dernier, l'hôpital de Maubeuge a invité les patients ayant consulté son cabinet dentaire ces deux dernières années à réaliser des tests de dépistage. Heureusement, le risque d'infection est «infime» selon la direction de l'établissement. Ces derniers jours, les patients du cabinet dentaire du centre hospitalier de Maubeuge, dans le Nord, ont eu la mauvaise surprise de recevoir une invitation à se faire dépister contre le VIH et les hépatites B et C. Selon La Voix du Nord, qui a dévoilé l'information, les 4400 personnes qui ont eu recours à une consultation dentaire dans l'établissement ces deux dernières années ont été informées d'un risque d'infection dans un courrier reçu le lundi 4 août dernier. Après une inspection menée par l'Agence régionale de santé (ARS), «un écart dans la stérilisation de certains instruments utilisés» dans le cabinet a été constaté, indique un communiqué de presse rédigé l'hôpital, consulté par Le Figaro. Un manque de vigilance qui pourrait conduire à un risque de contamination de certains virus, qui se transmettent notamment par voie sanguine, tels que le VIH - responsable du sida - ou certaines hépatites, notamment B et C (VHB et VHC). «Le circuit de stérilisation a été immédiatement revu», précise ensuite l'hôpital. Publicité Un risque de contamination «infime» Si le risque sanitaire est présent, il est toutefois «infime», rassure la direction de l'hôpital, «d'une part car il n'existe que si les instruments ont été préalablement en contact avec ces virus, d'autre part car ces matériels ne sont pas en contact direct avec les patients». Selon les experts, le risque de contamination ne serait que de 0,003% pour le VIH, 0,005% pour le VHC, 0,3% pour le VHB. «Toutefois, dans le cadre de notre démarche de vigilance et par principe de précaution, il est recommandé aux patients concernés de procéder à un test de dépistage», qui sera entièrement pris en charge par l'Assurance maladie, poursuit le communiqué. Tous les patients du cabinet ne sont pas concernés. Seuls ceux ayant reçu des soins spécifiques ont été notifiés par courrier. Les autres, qui n'auraient rien reçu, n'ont pas besoin de réaliser ces tests préventifs. En cas de doute, une cellule de renseignement a toutefois été mise en place pour accompagner les patients, au 03.27.69.44.80, du lundi au vendredi de 8h à 12h. Des insultes à foison sur les réseaux sociaux Après une telle nouvelle pendant les vacances d'été, les patients de l'établissement mais aussi de France et de Navarre ne sont pas rassurés, et ne manquent pas de manifester leur mécontentement, notamment sur les réseaux sociaux. «Un hôpital à éviter», «aller chez le dentiste et attraper le sida, où va-t-on ?», «quelle honte !», «ça n'aurait jamais dû arriver», peut-on lire sur Facebook sous l'article de nos confrères de La Voix du Nord. Selon ces derniers, depuis quatre jours, les salariés de l'hôpital de Maubeuge reçoivent des «insultes immondes». Un comportement « inadmissible », juge la CGT du centre hospitalier de Maubeuge auprès de nos confrères.

L'essor de faux sites de vente de médicaments contrefaits et dangereux inquiète les pharmaciens
L'essor de faux sites de vente de médicaments contrefaits et dangereux inquiète les pharmaciens

Le Figaro

timean hour ago

  • Le Figaro

L'essor de faux sites de vente de médicaments contrefaits et dangereux inquiète les pharmaciens

De plus en plus de plateformes se font passer pour des pharmacies et proposent de vendre en ligne des médicaments pourtant délivrés uniquement sur ordonnance. Ozempic, quétiapine ou Viagra : des sites se présentant comme des pharmacies et proposant l'achat en ligne de médicaments pourtant soumis à ordonnance se multiplient sur internet. Une pratique interdite mais en plein essor, au grand dam des pharmaciens qui alertent sur les risques. «On reçoit très régulièrement des signalements de sites qui vendent des produits illégalement. On fait des dépôts de plainte, mais c'est très difficile à suivre, ils ferment et réapparaissent aussitôt ailleurs», déplore Carine Wolf-Thal, présidente de l'Ordre national des pharmaciens. Depuis 2013, les pharmacies établies en France peuvent proposer la vente en ligne de médicaments non soumis à une prescription médicale obligatoire. Mais sur internet, une simple recherche à partir d'une molécule fait apparaître des dizaines de sites usurpant l'identité de pharmacies et vendant des médicaments soumis à ordonnance. Certains peuvent être promus par des mails, des publicités sur les réseaux sociaux ou de faux blogs santé. Publicité 5000 faux sites Selon le dernier rapport du groupe de cybersécurité Gen, la France serait «le pays le plus ciblé» par ces faux sites de pharmacies, appelés «PharmaFraud», détaille Michal Salàt, directeur des recherches sur les menaces d'Avast - entreprise appartenant au groupe. Dans le monde, les chercheurs ont identifié un réseau de «plus de 5000 faux sites commercialisant des traitements» et plus de «151.000 attaques PharmaFraud ont été bloquées» par Avast depuis janvier en France, ajoute-t-il. Selon l'expert, «la forte adoption du commerce électronique dans le secteur de la santé» ainsi que les «difficultés occasionnelles d'approvisionnement en médicaments» font de la France un «terrain fertile» pour ce type d'escroqueries. De son côté, la plateforme indique également avoir identifié depuis l'année dernière «un nombre notable d'enregistrements de noms de domaines suspects avec le terme 'pharmacie'». «C'est dramatique. Il existe énormément de fraude aux médicaments, c'est difficile à quantifier, mais c'est très dangereux», commente Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). Médicaments contaminés Selon l'Institut de recherche anti-contrefaçon de médicaments, 96% des pharmacies en ligne seraient illégales ; tandis que l'Organisation mondiale de la santé estime que la moitié des médicaments vendus sur internet seraient falsifiés. Car si certains faux sites se contentent de voler les données personnelles, médicales ou bancaires des acheteurs, d'autres délivrent réellement des médicaments contrefaits ou non régulés. Ces faux comprimés peuvent contenir soit les bons ingrédients mais dans un dosage incorrect et particulièrement élevé, soit un autre composé actif, ou même aucune substance active. Certains sont même contaminés par des additifs toxiques, notamment des métaux lourds ou des produits chimiques inconnus. Et aucun produit n'est épargné. Les traitements contre les troubles de l'érection (Viagra, Cialis) sont les plus prisés depuis plusieurs années, mais certains antidiabétiques comme l'Ozempic - très populaire sur les réseaux sociaux pour perdre du poids - sont également plébiscités. «Des personnes peuvent vouloir éviter d'aller voir un médecin, puis un pharmacien, qui pourrait leur refuser la délivrance s'il soupçonne un mésusage», regrette Carine Wolf-Thal. Publicité Patients angoissés par les pénuries Aujourd'hui, les tensions d'approvisionnement - comme celle que connaissent depuis janvier plusieurs médicaments psychiatriques comme la quétiapine ou la sertraline - peuvent aussi attirer des patients. «Certaines personnes sont tellement angoissées à l'idée de ne pas avoir leurs médicaments qu'elles essayent de trouver toutes les solutions possibles, quitte à adopter des comportements qui paraissent complètement aberrants», regrette Pierre-Olivier Variot. Alors que certains acteurs voudraient simplifier la vente en ligne de médicaments sans ordonnance, le pharmacien appelle l'État à «rester sur une ligne dure». De même, l'Ordre national des pharmaciens s'interroge sur «l'utilité» du commerce électronique quand le maillage d'officines permet d'obtenir «un médicament rapidement avec les conseils d'un pharmacien». La profession s'apprête tout de même à ouvrir en octobre le site «Ma Pharmacie en France». «Un portail, pas une marketplace», insiste Pierre-Olivier Variot. «Il ne s'agit pas de chercher un médicament et voir où s'en procurer, mais de pousser virtuellement la porte de sa pharmacie et faire une demande comme si vous y étiez physiquement», précise-t-il. Près d'un millier d'officines disposent déjà de sites de vente en ligne, selon l'Ordre des pharmaciens.

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