18-07-2025
Un surveillant pour 70 détenus : les agents de la prison surpeuplée de Lyon-Corbas à cran après une évasion
La tension était palpable jeudi lors de la visite d'un député LFI du Rhône prévue de longue date, alors que les surveillants n'ont pas vu un détenu leur filer sous le nez la semaine passée.
Une maison d'arrêt surpeuplée et son personnel pénitentiaire encore sous le choc de l'évasion rocambolesque d'un détenu. La tension était palpable jeudi lors d'une visite d'un député du Rhône à la prison de Lyon-Corbas. Faisant usage de son droit parlementaire à une visite inopinée, Abdelkader Lahmar, élu LFI de la 7e circonscription, accompagné de quelques journalistes dont l'AFP, est tombé «à un moment grave», selon un syndicaliste qui a souhaité garder l'anonymat.
Cette visite est intervenue une semaine après l'évasion le 11 juillet d'un détenu de 20 ans caché dans le sac à linge de son codétenu libérable et complice présumé. Les deux ont depuis été repris lundi, puis mis en examen et placés en détention dans deux autres maisons d'arrêt. Personne localement n'a souhaité s'exprimer publiquement sur l'affaire, ni le personnel ni ses représentants syndicaux, et la direction a donné la consigne de black-out total, justifiant d'une enquête judiciaire en cours.
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«Nous n'aborderons pas le sujet», a prévenu Dabia Lebreton, directrice de l'établissement, à l'occasion de la visite parlementaire, fixée depuis un mois dans l'agenda du député. Mais l'évasion est dans toutes les têtes. La première dans cette prison composée de trois bâtiments principaux, inaugurée en 2009 dans une zone industrielle au sud de l'agglomération lyonnaise.
«On est salis»
«On s'est fait berner, il n'y a pas d'autre mot. Il y a eu une défaillance c'est évident, mais il va falloir analyser toutes les étapes de cet incident pour bien comprendre ce qui s'est passé», confie un surveillant d'expérience, au détour d'une cour. Dans les coursives et les sas d'accès, ses collègues ont tous le visage fermé. Déjà traumatisés par une vague récente de menaces et d'attaques violentes, les personnels s'inquiètent désormais de retombées administratives à cause de cette évasion. «Avec cette affaire on est salis, on est tournés en ridicule», dit un délégué syndical, qui ne veut donner ni son nom, ni celui de son organisation.
Les syndicalistes sont à cran, après avoir entendu les propos du directeur central de l'administration pénitentiaire, Sébastien Cauwel, évoquant «une série de dysfonctionnements inadmissibles» et des «défaillances humaines» plutôt qu'un problème lié à la surpopulation carcérale. Un point de vue contesté par le député du Rhône. «J'ai l'impression qu'on veut faire porter le chapeau aux agents pénitentiaires. Ce serait une façon de masquer la réalité des choses. Je constate que les conditions de détention sont épouvantables pour les détenus, et la surpopulation carcérale met les surveillants dans de grandes difficultés», a déclaré Abdelkader Lahmar, après plus de trois heures et demie de visite.
La maison d'arrêt de Lyon-Corbas compte à date 1041 détenus hommes pour 688 places, et 117 femmes pour 60 places. Et un total de 180 matelas posés au sol la nuit. Avec des taux d'occupation de 180 et 200%, l'établissement, capable d'accueillir des profils dangereux, est l'un des plus surpeuplés de France. Le parlementaire a pu discuter avec plusieurs détenus entassés à trois ou quatre dans des cellules écrasées de chaleur, torses nus, en short et claquettes.
«La tête dans le guidon»
«Nous n'avons pas de ventilateur, pas de télé, même au mitard ils ont une petite radio», a témoigné un jeune détenu du quartier des arrivants. Cette surpopulation accentue considérablement la charge de travail des agents, dont le nombre n'augmente pas en proportion. À Corbas, un seul surveillant doit assurer la sécurité d'un étage de 60 à 70 détenus. «Le surveillant a la tête dans le guidon en permanence», résume un officier. Pour beaucoup d'agents, le moindre oubli peut provoquer un dysfonctionnement.
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La maison d'arrêt enregistre 3200 entrées par an, autant de sorties. «Quand tout se passe bien, on ne parle jamais de nous, les gens ne savent pas ce que nous faisons. Depuis quelque temps, nos collègues viennent avec la boule au ventre pour prendre leur service de nuit», expose une syndicaliste qui veut aussi rester anonyme.
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«On a l'impression d'une déshumanisation à la fois des conditions de détention et de votre métier», a répondu le député, promettant de «réfléchir à des amendements pour faire avancer concrètement le débat». «On nous a déjà dit ça plusieurs fois, de tous les bords politiques, ça n'a rien changé», a commenté amèrement un syndicaliste.