30-07-2025
« As-tu lu Foglia ? »
Vous avez été nombreux à témoigner de l'empreinte profonde laissée par les chroniques de Pierre Foglia dans vos matins – et dans vos vies. De génération en génération, son ton unique et son regard lucide se sont transmis comme un héritage précieux. Vous nous avez raconté ce qu'il vous a appris, comment il a influencé votre parcours, éveillé votre pensée, touché votre cœur. Florilège d'hommages à une plume inoubliable.
La fameuse page A5
Comme mon père avant moi, j'ai été une lectrice assidue de la chronique de Foglia. Aujourd'hui, malgré qu'il ait quitté la page A5 depuis 10 ans, j'utilise encore certains de ses textes pour travailler la lecture avec mes patients, juste pour le plaisir de retrouver son style inimitable et les images magnifiques qu'il pouvait générer par ses écrits. Merci pour les heures de bonne lecture, Monsieur Foglia !
Ariane Tosti
Sublimer le banal
Avec ses écrits, Pierre Foglia avait ce don de rendre captivant même le quotidien le plus banal. Artiste du mot avant d'être chroniqueur, ce fin observateur de la vie, de l'homme et de sa fiancée savait comme personne trouver l'angle mort des choses et le mettre merveilleusement en lumière avec sa plume unique. Ce que j'aimais particulièrement de lui était sa capacité à résumer un évènement, un moment, un être en une phrase simple, évocatrice, imagée, percutante et pertinente. Le genre de tournure qui à la fois ravit l'œil et fait longtemps écho dans la pensée. Encore aujourd'hui, je me rappelle cette perle qu'il a pondue pour décrire mieux que quiconque la mort de Gilles Villeneuve en 1982 ainsi que le pilote lui-même : « Il a voulu gagner un huitième de seconde et ça lui a coûté l'éternité. » Comment ne pas devenir accro quand on lit des phrases pareilles ?
Christian Séguin
S'ennuyer du Courrier du genou
Première activité immuable en me levant, lire Foglia. Il m'a fait rire, sourire, réfléchir, pleurer. Il m'a émue plus d'une fois. Il a suscité pas mal de discussions à la maison. Quel grand écrivain ! Et que dire de son Courrier du genou ? Un sublime chef-d'œuvre ! Lui et ses chroniques m'ont manqué énormément. De savoir qu'il nous a quittés pour toujours est un immense deuil !
Myriam Houde
On ne brûle pas du Foglia !
Mon beau-frère et mon neveu ont épinglé les chroniques de Foglia sur un mur de la cabane à sucre familiale. Il est interdit de les brûler avec les autres pages de La Presse pour attiser le feu, tous les helpers les relisent en attendant les coulées de sirop.
Bernard Richard
De génération en génération
J'ai commencé à lire Foglia alors que j'étais un jeune adolescent. Mes parents, fidèles lecteurs de La Presse, parlaient souvent de ses chroniques. « As-tu lu Foglia ? », se lançaient-ils au déjeuner ou à un autre moment de la journée afin de « commenter ses commentaires ». Je me demandais bien ce qu'ils lui trouvaient, à ce vieux con… Étant camelot pour La Presse, je m'attardais surtout à la lecture des sports et des articles de Robert Duguay (comprenez-vous ?). C'est à l'occasion de la parution de l'une de ses chroniques sur le Tour de France que j'ai vraiment commencé à lire Foglia. Bien qu'il parlait peu de la course, il me fascinait par ses « tranches de vie » alors qu'il parlait des difficultés de se loger à proximité des étapes et des confitures de mirabelles qu'il dégustait dans les petits villages qui parsemaient sa route entre le départ et l'arrivée de la Grande Boucle. Peu à peu, on en apprenait un peu plus sur la France, sur les paysans qu'il côtoyait dans les étapes et sur la réalité des suiveurs du Tour. Cette description de l'envers du décor était encore plus intéressante que le compte rendu des courses. Une fois le Tour terminé, je me suis mis à consulter le cahier A de manière plus assidue afin d'y lire Foglia. Ses chats, sa fiancée, ses balades à vélo dans la campagne environnante et ses visites au Vermont étaient un plaisir coupable à 5 h 30 du matin, juste avant mon départ pour la distribution des journaux. Son métier de typographe, ses suggestions de livres, ses parents, sa jeunesse et ses descriptions du quotidien m'ont fait réfléchir sur l'état des choses et, surtout, bien rire. Un bon matin, un peu épuisé en revenant de ma distribution du samedi (elle était lourde avec tous les encarts, mon vieux), j'ai dit à mes parents : « Avez-vous lu Foglia ? » Vous auriez dû voir leur tête ! C'était maintenant à mon tour de lancer les débats et de commenter ses commentaires. Foglia a donc été, pour moi, un compagnon matinal qui m'a aidé à développer mon esprit critique, qui m'a ouvert les yeux sur la richesse de l'autre, qui m'a fait comprendre l'importance des petites choses et des gestes du quotidien et, surtout, qui me permettait de communiquer plus facilement avec mes parents à cet âge où on ne sait plus trop comment le faire. Merci, mon vieux, et bonnes retrouvailles avec Bob !
Jocelyn Côté
Un chat baptisé en son honneur
J'avais 18 ans. J'avais quitté le cégep et je travaillais dans un hôtel trop peu achalandé. Les soirées étaient longues, alors je tournais les pages des journaux. Un soir, je m'arrête sur un texte de Foglia. Le vocabulaire est coloré, la culture vaste et nourrie, l'humour singulier et efficace. Je suis tombée amoureuse et… je suis retournée aux études : géo, politique, français… J'avais soudain envie de lire, de connaître, d'apprendre, de savoir, d'avoir un esprit critique, une opinion. Je voulais suivre. J'ai longtemps eu (peut-être l'ai-je encore ?) une enveloppe plastifiée dans laquelle je collectionnais ses articles découpés. Je pensais être la seule à faire ça ; je découvre que nous étions nombreux. (Mais, peut-être suis-je la seule à avoir baptisé un chat en son honneur ?) Par ses textes aussi divertissants qu'intelligents, Foglia m'a séduite, m'a ouverte au monde et m'a un peu révélée à moi-même. Ce n'est pas rien… C'est même BEAUCOUP. Merci, Monsieur Foglia.
Isabelle Lussier, rouquine
« Si la Lune avait des moustaches, elle ressemblerait à Jacques Parizeau »
Au début des années 1990, j'habitais en Angleterre et l'internet n'était pas encore accessible à la population générale. À cette époque, j'étais un avide lecteur des chroniques de Pierre Foglia, depuis plusieurs années déjà. Pour éviter un sevrage indésirable, ma maman au Québec prenait soin de me découper ses textes dans La Presse et me les faisait parvenir par la poste, à coup de 30 ou 40 à la fois, classées par date de parution et soigneusement pliées dans une enveloppe brune. En ouvrant l'enveloppe, j'avais l'impression d'être un soldat dans les tranchées en 14-18, affamé et trempé, recevant d'outre-Atlantique un colis contenant une livre de bacon, un peigne, des aspirines, du tabac à chiquer et du café frais. Je revivais.
J'ai lu et relu les textes de Foglia pendant 35 ans et les sonorités de sa prose résonnent encore dans ma bibliothèque intérieure. Des mots qui naviguent à travers la psyché des gens en racontant des choses essentielles chaque fois. Foglia, c'est l'écrivain complet. Celui qui arrive à faire réfléchir, rire et pleurer, les trois en même temps, le même jour, à l'intérieur d'un même texte de 1000 mots. C'est rare en ta. C'est plus que rare. C'est exceptionnel de jongler avec autant de capacités littéraires, sans devenir confus ou étourdissant.
« Si la Lune avait des moustaches, elle ressemblerait à Jacques Parizeau », donc.
Une des chroniques que j'avais lues en Angleterre en 1992 commençait avec cette métaphore hilarante en lien avec l'ancien premier ministre du Québec. Je ne me souviens plus du texte qui suivait, mais je désirais m'en servir comme exemple, aujourd'hui, pour souligner que Foglia avait non seulement l'art de la chute, mais qu'il savait aussi mettre la table pour accrocher son lectorat.
Sans qu'il ne s'en doute jamais, il m'a enseigné trois choses fondamentales à mes yeux dans l'art du storytelling : l'importance combinée de l'accroche et de la chute d'un texte, l'importance d'être concis et précis, mais surtout, l'importance de cultiver le besoin impérieux de raconter ces mille petits riens qui se glissent dans les angles morts du quotidien ou qui disparaissent derrière ce qui est éclatant ou tonitruant.
Des petits riens qui révèlent pourtant des histoires extraordinaires qui font que… la vie, c'est la vie, mon vieux.
Fred Dompierre