20 hours ago
Que peut faire le peloton du Tour de France face à Tadej Pogacar, aussi offensif qu'ingérable ?
Offensif et parfois ingérable tactiquement, Tadej Pogacar réécrit les scénarios de la course et devrait continuer sur sa lancée lors du Tour de France 2025. Ses adversaires en sont réduits à s'adapter.
Arnaud Démare a bien potassé son livre de route, ciblé où, avec son équipe Arkéa-B & BHotels, il aimerait briller lors de la première semaine du Tour de France 2025, annoncée piégeuse. Mais alors qu'on lui soumettait l'hypothèse que Tadej Pogacar pourrait s'inviter dans la danse dès le début de l'épreuve, le sprinteur picard énuméra : « Il peut gagner dès Boulogne (2e étape, dimanche) mais aussi à Rouen (4e étape, mardi), sur le chrono à Caen (5e étape, mercredi), à Mûr-de-Bretagne (7e étape, vendredi). Sur les dix premières étapes, il peut en gagner quatre ou cinq. Ça va dépendre de lui, de son envie. »
Même constat chez Bastien Tronchon. Pour le puncheur de Decathlon-AG2R La Mondiale, qui participe à sa première Grande Boucle à 23 ans, « l'avoir dans un peloton change beaucoup de choses. Dans le bus, maintenant, on parle plus souvent de la deuxième place que de la première... Les puncheurs doivent essayer d'être aussi forts que lui. Mais ce mec-là est fort en chrono, il va vite dans les sprints, comme on l'a vu sur la première étape du Dauphiné, il "punche ". Il faut faire avec. » Entre lucidité et résignation, la plupart des coureurs ont compris qu'avec le Slovène, ils n'auraient pas, malgré leur bonne volonté, toutes les cartes en mains.
Des ouvertures à « sentir »
Déjà que les directeurs sportifs d'UAE Emirates-XRG ne savent pas toujours ce que leur leader - capable de dynamiter la course et leurs plans initiaux - va produire, les adversaires naviguent encore un peu plus à vue. Le Critérium du Dauphiné a peut-être été une répétition de ce qui pourrait se dérouler, sur l'étape inaugurale, samedi, selon Émilien Jeannière, le sprinteur de TotalEnergies : « Au Dauphiné, j'étais déçu que ça se joue entre les leaders dès la première étape (victoire au sprint de Pogacar) mais il y aura des étapes au sprint, d'autres mixtes, où je pourrai peut-être passer mieux que certains sprinteurs. Il ne faudra pas faire de complexe. Je reste dans l'optique de viser la première place. »
En creusant un peu, et parce que, tactiquement, la formation émirienne n'est pas toujours la mieux câblée, Benoit Vaugrenard a décelé des failles, en tout cas des ouvertures. « Quand c'est sinueux, dangereux, avec du vent, les UAE se mettent à rouler fort devant et c'est difficile d'exister et d'attaquer, a observé le directeur sportif de Groupama-FDJ. Mais on a remarqué que, dès que ça se calme, sur une grande route abritée, ils s'arrêtent. Il faut en profiter pour ressortir, savoir lire si les équipiers de Pogacar veulent juste essayer de temporiser ou rentrer sur l'échappée pour gagner l'étape. C'est aux coureurs de le sentir. »
« Il faudra moins calculer, adopter une stratégie plus offensive »
Sébastien Joly, directeur sportif de Decathlon-AG2R La Mondiale
Lors du dernier Tour de Suisse, UAE avait été piégée par une échappée d'une trentaine de coureurs, au sein de laquelle elle n'avait placé que Felix Grossschartner. Pendant une semaine, elle avait couru derrière Romain Grégoire et Kévin Vauquelin pour rattraper le temps perdu, ce qu'elle était parvenue à réaliser lors du chrono final, remporté par Joao Almeida, également vainqueur au général. Quitte à se faire gober par l'ogre de Komenda, autant tenter quelque chose, estime Sébastien Joly, directeur sportif chez Decathlon : « Si ça déclenche plus tôt, il y a parfois des mouvements de course qui nous permettent d'anticiper encore plus une arrivée. Mais il faut avoir de la réussite. Il faut profiter de chaque événement, de chaque petit marquage. »
Car si le Slovène va vouloir marquer son territoire dès le début, il sait aussi la difficulté de contrôler la course et de défendre le Maillot jaune durant trois semaines. Il ne voudra donc pas forcément rincer ses hommes tout de suite. « Un mec comme Pogacar réduit le champ des possibles, admet Joly. Mais c'est à nous de nous adapter. Il faudra moins calculer, adopter une stratégie plus offensive. » Car le champion du monde, avec sa tête d'ado qui ne colle pas avec son corps d'airain, n'est pas infaillible. En avril, lors de l'Amstel Gold Race, il avait été rattrapé par Remco Evenepoel et Mattias Skjelmose - le futur vainqueur - pour avoir pris la tangente à 47 kilomètres de l'arrivée.
Anthony Turgis reste ainsi en veille. L'an passé, le coureur de TotalEnergies avait remporté l'étape des chemins blancs, au cours de laquelle les principaux leaders s'étaient regardés : « Ça reste un coureur avec deux jambes, une tête, il peut avoir des moments de moins bien, des stratégies un peu moins bonnes. » De nouveau en forme après son bon Tour de Suisse, Julian Alaphilippe, s'il renoue avec sa splendeur passée de trublion, a le profil, hors classement général, pour empêcher le leader d'UAE de dérouler comme il le veut. Sa stratégie sur les « étapes qui [lui] plaisent beaucoup » ? « On ne va pas s'occuper de Tadej. »
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