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Le plus français des romans québécois
Le plus français des romans québécois

La Presse

timea day ago

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Le plus français des romans québécois

Vaugeois, rue Maguire à Québec, est l'une de ces jolies librairies où on trouve des livres introuvables. Quand j'y suis allé, il restait un exemplaire de La colline qui travaille de Philippe Manevy. Le livre paru aux éditions Leméac à l'hiver 2024 connaît un regain de vie inattendu depuis quelques mois. La libraire m'explique qu'elle-même ne l'avait pas lu. Les libraires ne peuvent tout lire, car ils et elles sont inondés de nouveautés chaque saison. « Je ne le connaissais pas, et à un moment donné, plusieurs clientes ont commencé à me le demander et j'ai dû le commander », m'a-t-elle dit. La grande librairie, c'est le grand rendez-vous de l'actualité littéraire française. L'émission diffusée sur France 5 est suivie par près de 450 000 téléspectateurs. Près d'un demi-million de lectrices et lecteurs, c'est beaucoup. D'ailleurs, on dit du magazine que c'est l'émission qui a le plus d'impact sur les ventes de livres. En janvier dernier, l'animateur Augustin Trapenard recevait sur son plateau la star littéraire Leïla Slimani, lauréate du Goncourt 2016, et le « prince du thriller » Jean-Christophe Grangé. L'émission accueille des vedettes, mais elle invite parfois aussi des inconnus, comme Philippe Manevy, venu ce soir-là défendre son deuxième roman, La colline qui travaille. Et, malgré sa modestie et sa pudeur, il a un peu volé le show. On sourit d'ailleurs en le voyant un brin sonné lorsque Leïla Slimani dit tout le bien qu'elle pense de son œuvre sur le plateau. Manevy a l'air de celui qui peine à croire que cela est vraiment en train de se passer. Né en France, l'écrivain vit à Montréal depuis 10 ans où il enseigne au secondaire. Son beau roman remonte le fil d'un siècle d'histoire familiale sur la Croix-Rousse, ce quartier populaire de Lyon. Il y porte un regard empreint de tendresse pour ces destins anonymes, brisés par la guerre, par la monotonie d'existences banales et pourtant animées par un vif désir de vivre, même dans l'ombre. En racontant la vie de ses grands-parents et de ses deux familles, l'auteur nous offre une critique sociale du XXe siècle et d'une classe ouvrière qui traversera deux conflits mondiaux, des crises économiques, les Trente Glorieuses et les désillusions de la fin du siècle. C'est une chronique familiale, mais c'est aussi l'histoire de gens dont on a longtemps pensé que l'existence ne valait pas qu'on y consacre un livre. « J'écris pour que les êtres et les liens qui les unissent cessent de se distinguer et de disparaître, peut-on lire dansLa colline qui travaille. Pour recoudre des vies usées qui ne montrent plus que leurs trames et menacent de se défaire, de s'effilocher, au point que leurs motifs deviendront indéchiffrables. Que tous, au terme d'une vie de travail, devraient se voir accorder non pas un peu de beauté (ça, c'est une aumône), mais leur juste part de sublime. » C'est sans doute le plus français des romans québécois. On y ressent la nostalgie d'une époque oubliée. La Croix-Rousse de ses grands-parents n'existe plus, le quartier ouvrier s'est embourgeoisé. L'auteur nous prend par la main et nous entraîne sur le sentier de ses souvenirs et de ces destins brisés ou égarés. Il nous ramène à nos propres existences, que bousculent encore l'histoire et les détours de la vie. Ce livre me ramène à Bonheur d'occasion. Dans Un ange cornu avec des ailes de tôle, le grand Michel Tremblay raconte l'émotion que sa mère ressent en lisant Gabrielle Roy. C'était la première fois qu'elle voit des gens de son monde dans un roman. Et ça lui parle au cœur. J'ai l'impression qu'il y a un peu de cela pour la France dans le roman de Manevy. Cette France ouvrière, la vraie France, se retrouve et se reconnaît dans cette traversée familiale du XXe siècle que l'auteur nous fait traverser. Les personnages que l'on découvre sont modestes, mais honorables. L'auteur ne les idéalise jamais pourtant. Ils parlent du passage du temps, du fait de vieillir, de la transmission. On y lit la petite histoire, celle des gens ordinaires. La nôtre au fond. « Je raconte Alice, René et ceux qui les ont précédés, écrit-il dans son livre. Je les raconte parce qu'ils sont ordinaires et uniques. Parce que je me cherche en eux, et dans notre passé disparu. Parce que, me cherchant, j'espère bien trouver autre chose. » L'écriture est pudique et d'une grande sensibilité. Ce récit de l'intime, mais à la grande portée sociale, m'a touché droit au cœur, même si je suis innu et non français. Il me rappelle que les grandes et petites histoires, les vraies, sont universelles. Et, quelque part, cela rassure et aide à traverser nos existences modestes, elles aussi bousculées par la grande histoire, Trump, l'Ukraine, la pénurie de logements. On se retrouve dans ces vies, oubliant un moment les nuages sombres qui s'accumulent au-dessus de nos têtes. Et n'est-ce pas ce que la littérature peut nous offrir de plus beau ? Écoutez l'épisode de La grande librairie du 22 janvier dernier

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