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24 Heures
29-07-2025
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Médecins suisses: bloqués par un titre qui n'arrive pas
Système de santé – «La carrière de centaines de médecins est bloquée par un dysfonctionnement administratif» L'octroi de titres de spécialiste accuse des mois de retard. Cela menace des installations en cabinet, des stages et des promotions, dénoncent de nombreux praticiens. Aurélie Toninato Certains médecins attendent leur titre depuis parfois six, voire huit mois. BEAT MATHYS Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk En bref : Des centaines de médecins suisses attendent leur titre de spécialiste depuis plusieurs mois. L'Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM) traite les demandes avec retard à cause de facteurs internes et externes. L'ISFM promet d'améliorer ses délais grâce à plusieurs mesures. Adrien*, médecin à Genève, avait un plan de carrière bien construit: au terme de sa formation postgraduée à l'hôpital, il pouvait reprendre la place d'un confrère en cabinet. Il ne lui manquait plus que son titre de spécialiste FMH, délivré à la fin de la formation postgraduée, pour se lancer en indépendant. Mais huit mois après avoir demandé cette certification, toujours rien. Au point de menacer son projet professionnel. Comme Adrien, plusieurs centaines de médecins en Suisse sont en attente de leur titre de spécialiste - cardiologues comme généralistes - depuis des mois. Le conseiller national genevois Cyril Aellen vient ainsi de déposer une motion à Berne pour réduire ces délais d'octroi «inacceptables». «Conséquences professionnelles majeures» pour les médecins suisses Le titre de spécialité – parfois appelé «titre FMH» – est notamment un prérequis pour l'obtention d'une admission à facturer à la charge de l'assurance obligatoire, permettant de facturer dans le secteur ambulatoire. «C'est une reconnaissance de la capacité à faire de la médecine sans supervision, résume André Juillerat, coprésident de l'Association des médecins d'institutions de Genève (AMIG). Comme lorsqu'un élève conducteur obtient son permis.» L'Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM), un organe autonome de l'association professionnelle des médecins suisses (FMH), le délivre sur la base des dossiers comprenant notamment des attestations d'examens réussis et d'années de pratique. La délivrance du titre prenait généralement trois mois. «Or, depuis 2024, c'est passé à quatre mois, puis à six mois depuis janvier, ce qui est vraiment problématique», rapporte Philipp Thüler, directeur adjoint de l'Association suisse des médecins-assistants et chefs de clinique (asmac). De nombreux témoignages nous font même part de retards supérieurs. «La carrière de centaines de jeunes praticiens est bloquée par un dysfonctionnement administratif, avec des conséquences professionnelles et personnelles majeures», dénonce André Juillerat. Sept mois d'attente Certains se retrouvent dans l'impossibilité d'exercer en tant qu'indépendant, à l'image d'Antoine*, qui a dû repousser son projet, tout comme Marc*, employé dans un établissement hospitalier. Ce dernier a reçu son titre après sept mois. «Mais ce délai a retardé mon inscription sur la liste d'attente pour ouvrir mon cabinet (ndlr: Genève a réintroduit la clause du besoin en 2022 qui limite l'installation de nouveaux médecins en privé). Au moins deux confrères ont pu s'inscrire avant moi…» Il a pu prolonger son contrat avec l'hôpital, en endossant la fonction de chef de clinique, sans titre FMH, avec des responsabilités en plus, mais sans avantages supplémentaires. «Avec 50 heures de travail par semaine au lieu de 40, sans la semaine de vacances supplémentaire ni les 2000 francs de plus par mois!» Justine*, qui a gradé en novembre et attend son titre depuis huit mois, ajoute: «Ce n'est évidemment pas l'essentiel, mais c'est frustrant. Pour un même poste, on n'a pas les mêmes conditions de travail que nos collègues, tout ça à cause de dysfonctionnements administratifs.» Autre problème: sans FMH, des médecins se voient contraints de reporter, voire de renoncer à des stages hors de Suisse puisque la plupart des institutions étrangères exigent ce titre. Cerise sur le gâteau: les près de 4000 francs de frais de dossier. «Ce tarif mériterait un débat de fond, car la prestation délivrée n'est absolument pas à la hauteur. À qui et à quoi servent ces sommes?» dénonce Martin*, chef de clinique genevois, qui s'interroge également sur la durée de traitement: «Faut-il vraiment trois mois pour se prononcer sur le cas d'un médecin qui a effectué tout son cursus en Suisse?» Hausse de la demande et problèmes internes De son côté, la direction de l'ISFM déclare analyser chaque dossier de manière rigoureuse: «L'objectif est de garantir une attribution fiable et conforme au droit, dans l'intérêt de la sécurité des patients et de la qualité de la profession médicale.» Interrogé sur les délais d'attente importants, l'ISFM avance plusieurs facteurs: un volume de sollicitations «exceptionnellement élevé» – de plus de 25% par rapport à 2024 - que l'institut explique notamment par «l'intérêt croissant pour l'activité en cabinet» et, à Genève, par la clause du besoin. Des raisons internes ensuite: absences de longue durée pour maladie et vague de démissions au sein de l'équipe qui traite les demandes, complexité croissante des dossiers (parcours à l'étranger, travail à temps partiel, etc.). Combien de dossiers sont actuellement en attente? L'institut ne fournit pas de chiffres «parce que, pris isolément, ils ne permettent pas une évaluation fiable de la situation». En 2024, l'ISFM a reçu 3304 demandes, et déjà 1761 pour 2025 (à la fin juin). L'institut précise encore que des mesures ont été prises pour résorber ces retards, dont une réorganisation interne complète, le recrutement de collaborateurs, l'introduction de nouveaux outils numériques. «Des outils basés sur l'IA sont en phase d'implémentation et des optimisations sont en cours pour la détection automatique des dossiers incomplets, d'ici à la fin de l'année.» Enfin, une procédure accélérée est prévue pour les demandes présentant un caractère urgent – par exemple en cas de reprise de cabinet. Réduction du tarif demandée Dans la lettre adressée en mai aux médecins internes des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), l'ISFM note «des premiers progrès»: «En avril, le nombre de titres décernés a augmenté d'environ 50% pour atteindre près de 90 par mois.» Le délai plafonne néanmoins toujours à 175 jours et il ne se réduira que «très lentement, en raison du nombre de dossiers. La pleine capacité de traitement d'environ 250 titres par mois est attendue à partir d'août.» L'asmac, en contact régulier avec l'Institut suisse pour la formation médicale, constate aussi des améliorations, «mais le retard à combler est très important, souligne Philipp Thüler. Nous attendons de l'institut qu'il revienne à un délai de trois mois d'ici à janvier 2026. Et nous avons demandé que les médecins qui doivent attendre trop longtemps jusqu'à l'obtention bénéficient d'une réduction des frais de dossier.» Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Se connecter Aurélie Toninato est journaliste à la rubrique genevoise depuis 2010 et diplômée de l'Académie du journalisme et des médias. Après avoir couvert le domaine de l'Education, elle se charge aujourd'hui essentiellement des questions liées à la Santé. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
13-07-2025
- Science
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Cahiers de vacances: outil utile ou corvée contre-productive?
Pause scolaire estivale – Conseils pour faire bon usage des cahiers de vacances avec vos enfants Ces manuels fleurissent en librairie et s'invitent dans les valises. Outil pédagogique utile ou corvée contre-productive? Trois spécialistes livrent leurs conseils. Aurélie Toninato Les cahiers de vacances promettent de consolider les connaissances menacées par la longueur de la pause estivale. IRINA POPA Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk En bref : Les cahiers de vacances aident à prévenir la perte d'acquis scolaires pendant l'été. Les experts recommandent des sessions courtes de quinze minutes quotidiennes. L'accompagnement parental joue un rôle dans l'efficacité des exercices. La lecture quotidienne représente une alternative efficace aux cahiers de vacances. Ils font râler les enfants mais rassurent les parents. Contrairement au matériel scolaire, ils ne sont pas remisés au placard durant l'été et s'invitent dans les valises, entre les bouées et la crème solaire. Eux, ce sont les cahiers de vacances, ces livrets remplis d'exercices et de promesses: consolider les connaissances menacées par la pause estivale, voire prendre de l'avance sur l'année suivante. Mais que valent-ils sur le plan pédagogique? Outil utile ou corvée contre-productive? Risque de régression en été Les vacances d'été romandes s'étendent en général sur sept semaines. De quoi laisser aux élèves le temps de recharger les batteries… mais aussi d'oublier certains apprentissages. Si les bienfaits d'une vraie coupure sur le bien-être physique et psychologique sont documentés, c'est sa durée qui pose problème. «De nombreuses études montrent que sans aucune consolidation entre la fin d'année scolaire et la reprise, les élèves - en particulier issus de milieux moins favorisés - perdent une partie de leurs acquis, parfois jusqu'à un mois d'apprentissage, surtout en maths ou en orthographe», explique Emmanuel Sander, professeur à la Faculté des sciences de l'éducation à Genève. Emmanuel Sander est professeur à la Faculté des sciences de l'éducation à Genève. UNIGE Ces pertes de notions, Thierry Dias les a observées à de nombreuses reprises à la rentrée. «J'ai souvent vu la différence entre les élèves qui avaient maintenu une activité cognitive – lectures, visites, jeux éducatifs – et ceux qui n'avaient pas eu la possibilité, la chance ou l'envie de le faire», confie cet ancien enseignant, aujourd'hui professeur en didactique des mathématiques à la Haute École pédagogique de Lausanne. Pour lui, le cahier de vacances peut être un bon moyen d'éviter cette rupture «brutale» aux conséquences plus ou moins marquées. «Je ne parle pas ici en tant qu'auteur (ndlr: il a collaboré pour élaborer de tels cahiers par le passé) mais en tant que spécialiste en pédagogie.» En vacances, faites-vous faire des exercices scolaires à vos enfants? Oui. Non. Se connecter Vous devez être connecté pour participer. Martino Toscanelli, enseignant fribourgeois spécialisé dans les stratégies d'apprentissage et fondateur du site éducatif Biceps, abonde sur la nécessité de réactiver certaines connaissances durant l'été, en particulier celles liées à la mémorisation (conjugaison, livret, vocabulaire). «D'autant plus dans un contexte global où le niveau d'orthographe des Suisses est préoccupant. Le cahier a l'avantage de proposer un contenu clés en main accessible, conçu par des spécialistes en pédagogie.» Court, régulier et accompagné Néanmoins, pour porter ses fruits, l'utilisation du cahier de vacances doit répondre à certains critères, selon les trois experts consultés. Ils préconisent d'abord de privilégier une fréquence élevée avec des sessions courtes - plutôt quinze à vingt minutes par jour que deux heures d'un coup le dimanche - d'activités adaptées au niveau de l'élève. Martino Toscanelli, enseignant fribourgeois spécialisé dans les stratégies d'apprentissage, a fondé le site éducatif Biceps. DR «Mieux vaut commencer par des exercices un peu inférieurs au niveau de l'enfant, pour le mettre en réussite, que de le plonger directement dans des notions plus complexes qui risqueraient de le décourager», conseillent Thierry Dias et Martino Toscanelli. Prendre de l'avance sur l'année suivante? Pour les trois spécialistes, l'enjeu n'est pas de devancer le programme mais de consolider les bases. Mais pourquoi pas proposer de nouvelles notions à l'élève qui a de la facilité et qui est preneur. Ensuite, tenter d'éviter que la session de travail ne soit assimilée à une corvée. Un vrai défi parfois… Comme pour Sandra, une quadragénaire genevoise. Elle a acheté un cahier de vacances à sa cadette qui présente des difficultés en orthographe et en lecture, au point d'avoir frôlé le redoublement. «J'ai choisi le plus ludique. On va essayer de faire des exercices ensemble en Italie. Mais elle n'aime vraiment pas lire, ça va être hypercompliqué d'éviter l'impression de punition!» Laisser à l'enfant la possibilité de choisir son cahier pourrait atténuer cet effet, tout comme travailler à ses côtés pour l'accompagner, corriger avec lui mais ne pas faire à sa place, soulignent Thierry Dias et Emmanuel Sander. Celui-ci rappelle encore que l'apprentissage est aussi une affaire d'interaction, «l'enfant apprend mieux s'il reformule ce qu'il a compris, s'il peut en discuter». Comment bien choisir le cahier de vacances? Les trois experts que nous avons consultés évoquent d'abord l'adéquation avec le programme scolaire suisse, de nombreux cahiers étant publiés par des éditeurs français. Ensuite, il s'agit de choisir des supports clairs, proposant des activités variées et ludiques, avec des corrigés détaillés. Mieux vaut opter pour un cahier pas trop épais, pour ne pas décourager. Veiller à ce qu'il aborde des contenus diversifiés (plusieurs matières). Enfin, le choisir avec son enfant pour favoriser son adhésion. Enfin, l'aspect ludique contribue à faire passer la pilule de la révision. «Le ludique peut être une porte d'entrée, à condition que le jeu reste au service d'un apprentissage, qu'il y ait un objectif derrière», relève le fondateur de Biceps. Les premiers cahiers, inventés dans les années 1930, mettaient d'ailleurs bien plus l'accent sur le jeu que ceux d'aujourd'hui, se remémore Thierry Dias, «probablement pour mieux répondre aux nouvelles attentes des parents qui ne veulent plus seulement éviter la perte d'acquis mais également préparer l'enfant à réussir la prochaine année. Il y a eu un changement de paradigme.» D'autres outils pendant les vacances Même s'il marque des points, le cahier de vacances ne constitue pas la panacée. Ce manuel fait partie des outils pour maintenir une activité cognitive, mais il en existe d'autres, à l'image d'un simple livre, selon Emmanuel Sander. «Rien que quinze minutes de lecture quotidienne peuvent faire la différence: ça nourrit le vocabulaire, stimule l'imagination, améliore l'orthographe et la concentration.» Écrire des cartes postales aux grands-parents, emmener l'enfant à la bibliothèque ou observer la nature: tous ces gestes ont une valeur pédagogique réelle, ajoute le professeur vaudois. Thierry Dias est professeur en didactique des mathématiques à la Haute École pédagogique de Lausanne, dont il est également le recteur. PATRICK MARTIN/24HEURES Pour leurs vacances en Grèce, Laure et Martin, parents genevois d'enfants de 7, 9 et 11 ans, n'ont justement pas emporté de cahiers de vacances. «En revanche, on a pris plein de livres, raconte la maman. Les élèves d'aujourd'hui ont tellement de lacunes en lecture et en orthographe, c'est essentiel d'entretenir ces acquis durant l'été.» Elle a aussi apporté de quoi dessiner, fabriquer des bracelets brésiliens, des jeux, de l'origami. «Je préfère mettre l'accent sur ce qu'ils font moins à l'école. En revanche, s'ils présentaient des difficultés scolaires, là nous aurions acheté des cahiers de vacances pour travailler spécifiquement sur ces faiblesses.» Cet article vous a plu? Découvrez davantage de contenus dans l'édition actuelle de l'e-paper «Le Matin Dimanche» et dans nos archives. Chaque dimanche matin, retrouvez également votre journal en caissettes près de chez vous. Vous pouvez aussi vous inscrire à notre newsletter. Aurélie Toninato est journaliste à la rubrique genevoise depuis 2010 et diplômée de l'Académie du journalisme et des médias. Après avoir couvert le domaine de l'Education, elle se charge aujourd'hui essentiellement des questions liées à la Santé. 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