21-07-2025
Les autocars artisanaux de Sainte-Claire
L'usine Prevost est déposée dans le magnifique paysage de la région de Bellechasse.
On les voit souvent le long des autoroutes ou dans les parcs industriels. Le commun des mortels n'y a pas accès, mais cet été, l'équipe de La Presse Affaires s'est fait ouvrir les portes d'usines qui font partie du paysage.
En sillonnant les collines et les vallées vertes de la région, rien ne laisse présager que le chemin mènera vers une gigantesque usine d'autocars. C'est là qu'on se retrouve, pourtant. Dès l'arrivée au village de Sainte-Claire, on a toutefois un avant-goût : Prevost est important ici. Comme employeur, bien évidemment, mais aussi dans l'histoire du village.
L'entreprise fondée il y a 100 ans par Eugène Prévost, au cœur d'un milieu agricole, en a fait vivre, des familles. Aujourd'hui, on retrouve dans l'usine des « filles et fils de » (surtout des fils…) qui perpétuent des lignées d'employés de ce grand constructeur d'autocars.
À l'intérieur de l'usine, le mot d'ordre est efficacité. Tout est calculé au quart de tour. Il n'y a pas de temps à perdre, les autocars doivent sortir. Et ils sortent… En moyenne quatre par jour travaillé, pour plus de 900 véhicules dans une année, au rythme actuel.
Pour y arriver, les opérations sont découpées et réparties de telle manière que lorsque l'autocar arrive sur la chaîne de montage, tous ses composants sont prêts à être assemblés dans une cadence de quatre heures.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
Les casques des soudeurs ont des apports d'air et le fusil à souder est muni d'un aspirateur pour expulser les émanations de gaz nocifs.
On pourrait dire des autocars Prevost qu'ils sont construits d'une manière artisanale, car pratiquement rien n'est robotisé – une seule opération l'est, dans le service de la soudure. Les pièces sont assemblées à la main et tous les tests sont faits par les employés – y compris le passage dans une fausse tempête pour vérifier l'étanchéité du véhicule.
L'autocar aura aussi fait un tour dans le « four », une étape qui vient après la peinture et qui permet de fixer la couleur. La cuisson dure entre deux et trois heures, à basse température.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
Prevost est non seulement le principal employeur du village, mais il a aussi fait des petits. « Beaucoup d'entreprises sont venues au monde à cause de Prevost à Sainte-Claire », explique Marco Prévost.
« On monte à 76 degrés Celsius, explique le directeur des opérations, Marco Prévost. Ça n'est pas beaucoup. On veut simplement que la chimie de la peinture prenne. »
La peinture coûte très cher. Parfois plus de 200 000 $, selon le nombre de couches – les véhicules récréatifs peuvent demander jusqu'à sept couleurs différentes.
On peut s'en douter, la main-d'œuvre de l'usine est (très) majoritairement masculine, mais les femmes y sont plus présentes qu'auparavant. Elles représentent aujourd'hui 16 % des effectifs.
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Le chef de produit de l'usine, Marco Prévost, est le petit-fils du fondateur de Prevost. Et il ne le cache pas !
Un parc d'autocars important
Prevost construit des autocars qui vont transporter des passagers – longs trajets ou plus courts, de navette, mais aussi des musiciens dans des véhicules de tournée aménagés ou même de riches familles qui font d'un autocar Prevost leur véhicule « récréatif ». Une véritable maison sur roues – munie d'un réservoir d'essence diesel de 220 gallons, ce qui en fait une classe à part, si ce n'est que par le coût de déplacement. « La classe ultime », disent les gens de Prevost.
Les autocars de passagers constituent la majorité des véhicules Prevost, autour de 80 % de l'ensemble. On évalue que 18 000 véhicules Prevost sillonnent les routes en Amérique du Nord. Chacun a une durée de vie entre 10 et 20 ans.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
Comment reconnaître un véhicule destiné à faire des tournées ? Il y a une tôle lignée dans le bas qui n'est là que pour apporter un look vintage qui rappelle les vieux modèles d'autobus Eagle dans lesquels se déplaçaient les musiciens. Aujourd'hui, Prevost occupe une place prépondérante dans ce marché.
Les prix ?
Un peu plus de 800 000 $ pour l'autocar de transport de passagers, mais beaucoup plus pour celui qui est aménagé en véhicule de tournée. Au moins le double. Un VR fait à partir d'une structure Prevost peut se vendre 2 millions de dollars, voire 3 millions ou même plus, en fonction des exigences du client – l'intérieur est fait par un partenaire, Prevost fait la coquille exclusivement. Il y a autour d'une année d'attente pour mettre la main sur cette maison mobile de luxe.
Un montage précisément orchestré PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE La structure intégrale est faite d'une seule pièce d'acier. À partir de ce cadre nu, il faudra 28 jours pour que l'autocar quitte l'usine. Et le véhicule pèsera 40 000 livres, vide.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE Étape de l'habillage du moteur. On met (notamment) ici la transmission, le compresseur pour l'air climatisé et les alternateurs sur ce moteur. Ce Volvo D13 six cylindres, 13 litres, provient de l'usine Volvo du Maryland. Tous les véhicules Prevost en sont dotés : les puissances maximales sont de 435 ch sur l'autocar et 500 ch sur une maison motorisée.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE Les pièces sont terminées avant de se rendre à la chaîne de montage où elles sont assemblées à la coquille. Les zones de déplacement dans l'usine sont délimitées précisément et on vous rappellera à l'ordre si vous mettez le pied à l'extérieur de la ligne.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE Les autocars sont munis de miroirs électroniques, mais la réglementation nord-américaine exige que les véhicules aient encore leurs gros miroirs extérieurs, au grand dam du constructeur puisque ceux-ci jouent grandement sur l'aérodynamisme. Lorsqu'ils pourront être enlevés, cela représentera une économie d'essence de 4 % à 5 %.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE Dans le fond de l'usine se trouve une petite salle qui simule la pluie sous des vents de 200 km/h pour s'assurer que l'eau n'entrera pas dans le véhicule. Deux employés sont à bord durant la tempête simulée pour vérifier l'étanchéité.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE L'usine affiche sa progression : il y avait 11 autobus livrés début juillet, au moment du passage de La Presse, sur 66 planifiés. Il faut savoir que l'usine ferme complètement durant trois semaines à la fin juillet et au début août, pour les vacances annuelles d'été. Elle sera fermée deux autres semaines, aux Fêtes.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE Prevost a commencé à livrer ses premiers autocars à la Ville de New York. Le contrat de 381 véhicules, d'une valeur de 447 millions de dollars, est le plus important de l'histoire de l'entreprise.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE Ici, un employé installe des harnais électriques dans la lunette arrière d'un des autobus destinés à la Ville de New York. La pièce sera ensuite montée sur la coquille de l'autobus.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE Prevost fait deux séries de véhicules, les H et les X. Le H étant pour « High Decker », plancher haut, il est plus haut que son petit frère. Le X tient pour XL, extra large, car il a été naguère le premier véhicule large de 102 pouces sur le marché. Le modèle H3-45 tient pour trois essieux et 45 pieds de longueur.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE On teste ici un nouveau concept avec un casque de réalité augmentée. Le but : faciliter un outil de formation – un nouvel employé pourra ensuite faire sa formation, étape par étape, avec des mouvements créés par un employé d'expérience.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
La structure intégrale est faite d'une seule pièce d'acier. À partir de ce cadre nu, il faudra 28 jours pour que l'autocar quitte l'usine. Et le véhicule pèsera 40 000 livres, vide.
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L'utilisation d'aluminium américain frappé des contre-mesures tarifaires fait monter les coûts de production (au total, après crédits, autour de 6000 $), mais le prix n'a pas été ajusté à la hausse cette fois, explique le président de l'entreprise, François Tremblay.
Autour de 85 % des ventes de Prevost sont réalisées aux États-Unis.
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François Tremblay, président de Prevost
Prevost a au-dessus de 40 % du marché américain. On est le leader pour ce qui est des parts de marché.
François Tremblay, président de Prevost
Dès l'année prochaine, le constructeur se lance dans l'électrique, dans cette même usine de Sainte-Claire. Les mêmes plates-formes pourront accueillir les modèles électriques, mais il y aura un enjeu de gestion des batteries qui commande la construction d'un agrandissement à l'usine, pour des questions de sécurité.
Prevost vise 15 % du volume de véhicule dans les trois années suivant le lancement de la version électrique de ses autocars, essentiellement des véhicules destinés à de plus courtes distances. Les coûts passeront pratiquement du simple au double, à environ 1,6 million de dollars pour un autocar.