2 days ago
« Je n'ai jamais vu autant de monde, en plus de dix ans, à faire la queue » : pourquoi Wimbledon reste l'un des derniers grands événements à privilégier le guichet physique
Tradition immuable, « The Queue » voit chaque jour plus de 15 000 personnes attendre pendant des heures, certains toute une nuit, pour décrocher un précieux sésame vers le tournoi londonien.
Les Britanniques ont sans aucun doute un tas de défauts, la liste est trop longue pour la détailler ici, mais s'il y a bien une chose qu'on ne peut pas leur retirer, c'est ce goût certain pour l'attente. Plus elle est interminable, mieux c'est. Et le pire, c'est qu'ils ont réussi à convertir tout le monde, Français compris. Chaque matin, depuis une semaine comme depuis un siècle, le spectacle est le même à Wimbledon Park. Le gazon du All England Club n'est qu'à une centaine de mètres de là, et le plus dur commence pour quiconque franchit l'arche « Welcome to The Queue ».
Ils sont plus de 15 000, dès l'aube, à se plier à ce cérémonial immuable, qui paraît d'un autre temps à l'heure des billetteries en ligne. Mais Wimbledon reste l'un des derniers événements majeurs dans le monde à délivrer des tickets physiques au guichet, au jour le jour. Ici plus qu'ailleurs, la tradition fait la loi, ça vaut pour la tenue blanche, les fraises et le couvre-feu, ça fait plus de cent ans que ça dure et ce n'est pas près de changer. Alors le principe n'a pas bougé, on ne peut plus simple : premier arrivé, premier servi. Inutile de vouloir jouer au plus malin, la gruge est impossible. Chacun reçoit à son arrivée sur site sa queue card numérotée. Et c'est tout. Il ne reste plus qu'à attendre.
Pour être sûr d'entrer au Centre Court, il faut sortir la tente
Les plus vaillants et organisés seront dans les 500 premiers à avoir accès à la billetterie pour le Centre Court, avec un prix d'appel fixé à 75 livres (87 euros) en début de tournoi et qui grimpe à partir de dimanche à 150 livres (174 euros). Les 500 suivants pourront se rabattre sur le Court 1, et idem pour le Court 2. Pour tous les autres, ce sera le ground pass à 30 livres (35 euros). S'il reste de la place.
Pour éviter une mauvaise surprise et s'assurer un sésame pour les courts principaux, l'unique solution est de sortir les sardines et de planter sa tente pour y passer la nuit. L'ambiance tourne très rapidement à l'esprit camping, avec pour certains la panoplie complète table-chaise-claquettes-apéro, quand d'autres se rejoignent pour un foot histoire de faire passer le temps. L'attente est partout, pour les toilettes, les douches, les food-trucks et évidemment la boutique, les Britanniques ne perdant pas le sens du business, tant qu'à faire.
« C'est une journée où on attend beaucoup, mais une fois à l'intérieur, ça va être magique, inoubliable »
Frank Voileau, habitué de Wimbledon
La supérette qui fait l'angle est ravie, les livreurs de pizzas aussi, et plus la nuit avance, plus la queue prend forme, dans un ballet tenu au cordeau par les stewards. Les heures défilent et les numéros s'enchaînent à une vitesse folle. Hier, une arrivée à 2 h 18 du matin permettait d'obtenir le ticket numéro 2365, alors qu'à 5 heures pétantes, la barre des 6 000 était déjà franchie. « Je n'ai jamais vu autant de monde, en plus de dix ans, à faire la queue », racontait vendredi après-midi une Anglaise croisée à son entrée dans Wimbledon, après plus de huit heures d'attente.
La patience des fans crée l'ambiance unique du tournoi
C'est d'ailleurs l'une des limites de ce système. Quand les plus chanceux et/ou fortunés se pavanent avec des grands chapeaux et des costumes tirés à quatre épingles, les gueux ont patienté assis dans l'herbe plus de temps qu'ils ne verront de tennis dans la journée. Mais ça fait partie de l'expérience, et tout le monde assure y trouver son compte.
Frank Voileau, 50 ans, est là chaque année depuis 1999. Et on ne la lui fait pas, il a ses tips. « On sait qu'on a deux éléments contre nous, s'il fait beau et s'il y a un Anglais au programme, c'est ce qu'il faut éviter, glissait-il jeudi, sous la grisaille, en surveillant du coin de l'oeil la quinzaine de jeunes licenciés franciliens qu'il accompagne. On les a préparés mentalement, c'est une journée où on attend beaucoup, mais une fois à l'intérieur, ça va être magique, inoubliable. »
Impatients mais disciplinés, les jeunes Français ont pris leur mal en patience et ont attendu que leurs tickets soient appelés, avec le numéro 9699 pour Victor, 12 ans, de Ville-d'Avray (Hauts-de-Seine). « C'est sûr que c'est long mais bon, on mange, on s'occupe, on joue à la pétanque. Finalement, ça passe assez vite, et on sait que ça vaut le coup. » En roublards, certains de la bande ont réussi à se faufiler jusque sur le Centre Court. Ça valait le coup d'attendre.
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