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2 days ago
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Un dentiste continue de pratiquer illégalement
Un dentiste de 80 ans a été jugé inapte à travailler après avoir reçu un diagnostic de la maladie d'Alzheimer l'hiver dernier. Un fait qui ne l'a pas empêché de continuer d'exercer la médecine dentaire, même après avoir été radié de son ordre professionnel en mai. L'Ordre des dentistes du Québec (ODQ) a déposé le 21 juillet une demande d'injonction demandant à Michel Youssef de cesser de pratiquer la médecine dentaire. Le document lui reproche des comportements inappropriés envers des patients de sa clinique qui, en plus de sa condition médicale, « mettent en cause directement la protection du public ». L'ancien dentiste s'est engagé cette semaine à mettre un terme à ses activités professionnelles, selon l'ODQ. M. Youssef, qui pratiquait la médecine dentaire dans une clinique de la rue Peel à Montréal, a été hospitalisé de la fin d'octobre à la mi-décembre 2024 au CHUM, où on lui a diagnostiqué la maladie d'Alzheimer. Les médecins qui le traitaient ont alors déterminé qu'il n'était plus apte à exercer son métier, selon l'avis de dénonciation visant l'octogénaire. Dans un extrait du dossier médical de M. Youssef inclus dans le document, une médecin du CHUM note entre autres qu'il « n'accepte pas le diagnostic d'alzheimer » et « rejette la notion d'irréversibilité et de déclin », bien qu'il soit « désorienté » et ne se souvienne plus de son âge. « À plusieurs occasions, le Dr Youssef a fait preuve d'un comportement agressif et tenu des propos sexuels envers les femmes », peut-on lire. Dans deux correspondances distinctes, deux médecins du CHUM ont fait part à l'ODQ de l'état de M. Youssef, et souligné leurs réserves quant à sa capacité d'exercer sa profession. Mais suivant son congé de l'hôpital, M. Youssef a repris sa pratique de médecine dentaire à la mi-décembre. Selon la demande en injonction visant M. Youssef, l'octogénaire a été radié le 1er mai dernier du tableau de l'ODQ, après avoir fait défaut au paiement de ses cotisations. Dès lors, il lui a été interdit d'exercer sa profession. M. Youssef a demandé à être réinscrit à l'ordre le jour suivant, mais a soumis un formulaire incomplet. Des comportements inquiétants Selon la demande d'injonction, M. Youssef a commis des gestes inappropriés envers des patients avant et après son hospitalisation. En octobre 2023, il aurait invité une patiente à le rejoindre dans son bureau après son traitement, selon la requête en radiation provisoire émise par l'ODQ. Selon la patiente, M. Youssef a fermé la porte et tiré les rideaux de son bureau, lui a « demandé d'ouvrir ('unzip') son chandail et a procédé à lui faire un massage du haut du corps. Ce massage a duré quelques minutes », peut-on lire dans le document. Dans les jours suivants, la patiente rapporte avoir reçu 20 appels et plusieurs messages vocaux de la part du dentiste. Elle « s'est dite très inquiète du comportement de l'intimé » et a dit « qu'elle envisageait de porter plainte à la police », détaille la requête. Dans une lettre citée dans le document légal, un autre patient reproche au dentiste d'avoir eu des comportements « alarmants » lors d'un rendez-vous à la fin de décembre. « Vous sembliez confus, comme si vous étiez intoxiqué, en disant n'importe quoi et en agissant de manière erratique », écrit-il. Dans sa lettre, le patient souligne que le dentiste a eu ce qui semble être de nombreux trous de mémoire durant le rendez-vous. « Les choses sont devenues plus étranges lorsque vous avez inséré un doigt dans ma narine droite, l'avez tirée vers vous et avez répété plusieurs fois 'Ouvrez grand'. Votre assistante a déplacé votre main vers mon menton, et vous avez ensuite commencé à toucher ma gencive supérieure. Je me suis arrêté et vous ai rappelé que nous travaillions sur le côté inférieur gauche de ma bouche », écrit-il. « Après cet incident, j'ai perdu toute confiance en votre capacité à fournir des soins sécuritaires et adaptés », conclut le patient. Une autre patiente a déploré l'état de « détresse mentale et d'anxiété » dans lequel M. Youssef semblait être lors d'un rendez-vous le 5 février dernier. Le dentiste aurait eu « de la difficulté à utiliser l'équipement dentaire » et eu « besoin d'assistance de la part de son personnel », selon la requête. Sécurité du public assurée Dans sa demande en injonction, l'ODQ tranche que le public pourrait subir un « préjudice sérieux ou irréparable » si M. Youssef continuait à pratiquer. L'ODQ a notamment ordonné à l'ancien dentiste de lui remettre ses dossiers médicaux et d'afficher dans sa clinique un message expliquant qu'il n'a plus le droit de pratiquer la médecine dentaire. Maintenant que M. Youssef s'est conformé à ces ordonnances, l'ODQ estime que son travail est fait. La Presse n'a pas été en mesure de joindre M. Youssef pour obtenir ses commentaires. « L'essentiel, c'est la protection du public, et c'est ce que nous avons obtenu », affirme Me Priscille Pelletier, directrice générale adjointe de l'ODQ.


La Presse
07-07-2025
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Santé Canada a restreint l'accès à la psilocybine
Santé Canada autorise de moins en moins l'utilisation de psilocybine pour traiter la dépression résistante, selon des données inédites publiées par quatre chercheurs québécois dans la prestigieuse revue scientifique Nature Mental Health. D'après ces statistiques, les Canadiens prisonniers de la dépression ont vu s'effondrer leurs chances d'accéder à ce traitement expérimental entre 2022 et 2024. Le taux de refus a alors doublé, passant de 21 % à 43 %. Consommer des champignons hallucinogènes est illégal au Canada. Mais puisque la psilocybine qu'ils recèlent a permis de soulager certains troubles mentaux sévères lors d'études, Santé Canada permet parfois aux personnes très souffrantes d'y accéder en dernier recours, quand les autres méthodes ont échoué. Un médecin ou un infirmier praticien doit minutieusement motiver chaque demande. Et le patient doit être accompagné par un psychothérapeute avant, pendant et après la prise. Vu ces garde-fous, les quatre auteurs de l'article publié dans Nature Mental Health s'expliquent mal l'explosion des refus et remettent en cause un processus « opaque ». Consultez l'étude parue dans Nature Mental Health (en anglais) « Des médecins essuient des refus, alors que leurs demandes antérieures identiques avaient été acceptées. Personne ne comprend pourquoi », rapporte en entrevue l'un des auteurs, le Dr Nicolas Garel, du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). Le psychiatre – qui a traité quatre patients avec de la psilocybine – ne croit pas qu'un afflux de requêtes moins solides explique la baisse. Car en 2024, le nombre des refus a augmenté beaucoup plus que celui des demandes. Est-ce que de nouvelles données le justifient ? Absolument pas ! Les résultats des dernières études sont peut-être moins spectaculaires, mais demeurent positifs, comme souvent en médecine. Le Dr Nicolas Garel, psychiatre au CHUM Malgré tout, répondre aux questions du ministère fédéral et obtenir sa réponse nécessite désormais plusieurs semaines, parfois des mois, s'inquiète le Dr Garel. Appliquer un règlement de façon imprévisible et laborieuse risque de dissuader les cliniciens de déposer des demandes, ce qui priverait des patients en détresse d'un remède prometteur, dit-il. Détresse de fin de vie Paradoxalement, la grande majorité des participants aux essais cliniques souffraient de dépression, alors que c'est justement dans ce contexte que les refus se sont mis à pleuvoir. Les Canadiens en fin de vie – qui espèrent apaiser leur angoisse avec la psilocybine – semblent moins touchés par le resserrement des critères. La grande majorité de leurs requêtes demeurent couronnées de succès, soit 81 % en 2024 contre 92 % en 2022. Si Santé Canada est plus à l'aise avec le côté expérimental de la psilocybine dans un contexte palliatif que pour la dépression, il faudrait le savoir sur le terrain. Le Dr Nicolas Garel, psychiatre au CHUM Chose certaine, la psilocybine ne pourra être prescrite librement avant plusieurs années. Car les soignants manquent de temps, de locaux adaptés et de repères pour offrir un traitement aussi complexe. L'absence de formation standardisée et de consensus sur les meilleures pratiques les expose par ailleurs à des poursuites si un patient subit des effets indésirables. Malgré ces obstacles, le Dr Garel reste optimiste : « D'après moi, ces traitements ne disparaîtront pas. Des centaines de millions ont été investis et des études arrivent partout, en Europe, au Canada et aux États-Unis. » Poursuites L'imprévisibilité de Santé Canada et le flou entourant ses critères viennent aussi d'être critiqués par la Cour d'appel fédérale. En 2020, le Ministère autorisait 19 thérapeutes à tester les effets de la psilocybine dans le cadre d'une formation de l'organisme TheraPsil. Mais deux ans plus tard, il refusait 73 demandes identiques, n'étant plus convaincu qu'il faut avoir consommé de la psilocybine pour « guider en sécurité les patients à travers les séances de traitement », alors qu'il l'était auparavant. Puisque la science n'est pas « statique », rien n'interdit à l'actuelle ministre de la Santé, Marjorie Michel, de changer d'avis, mais le Ministère doit alors expliquer sur quoi il se base, ce qu'il n'a pas fait, a tranché la cour le 18 juin. Elle lui a donc ordonné de réétudier chaque dossier afin de rendre de nouvelles décisions dûment motivées. Même si rien n'est joué, TheraPsil se réjouit d'avoir gagné sa cause. « Avoir déjà ressenti les vagues émotionnelles provoquées par la psilocybine permet aux thérapeutes de comprendre ce que vit le patient pendant la séance. Ça approfondit leur lien de confiance », expose le porte-parole de l'organisme, John Gilchrist. Il estime que Santé Canada met les patients et les thérapeutes en danger, puisque plusieurs se rabattent sur le marché noir. Ce n'est pas la première fois que Santé Canada est forcé de réétudier un dossier. En 2024, la Cour fédérale lui reprochait de ne pas avoir traité avec sérieux et compassion la demande de Jody Lance, un Albertain qui souffrait de céphalées d'une violence insoutenable que seules des microdoses de psilocybine soulageaient. Il envisageait donc le suicide ou l'aide médicale à mourir. Le Ministère a finalement fait volte-face. « Que la mort soit plus accessible qu'un traitement est insensé ! s'exclame M. Gilchrist. La Cour a reconnu que Santé Canada devait baser ses décisions sur des données probantes. S'il ne change pas d'avis, nous retournerons au tribunal. » Le Ministère nous a écrit qu'il examine la décision judiciaire sur les thérapeutes « afin de déterminer les prochaines étapes ». Les demandes des patients sont, de leur côté, devenues plus complexes, ce qui « peut influencer les résultats globaux », ajoute-t-il, en précisant que ses statistiques englobent dans une seule catégorie toutes les demandes refusées, retirées ou incomplètes.