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Le parc dédié au logement étudiant ne représente que 11% des solutions d'hébergement
À la rentrée universitaire de 2023, 2,97 millions d'étudiants et d'apprentis étaient inscrits dans l'enseignement supérieur français, soit dix fois plus qu'en 1960. Une population en hausse de 25 % depuis 2012 mais dont les besoins spécifiques en matière de logement n'ont jamais été anticipés à la hauteur des enjeux. Dans un rapport publié le 3 juillet 2025, la Cour des comptes tire la sonnette d'alarme : l'offre reste insuffisante, mal répartie et inégalement accessible. Pire encore, ces écueils auraient des répercussions probables - mais jamais mesurées - sur la réussite des étudiants.
Alors que seuls 11% des étudiants accèdent à un logement social dédié, la majorité dépend du parc privé ou de la sphère familiale ou amicale. Dans les zones très demandées comme l'Île-de-France, beaucoup renoncent à une formation faute de toit. Et malgré 2,3 milliards d'euros d'APL (Aides Personnalisées au Logement) versés chaque année, aucune politique cohérente ne permet de corriger ces écarts. Résultat : des inégalités sociales et territoriales qui pèsent lourd sur les parcours étudiants.
Une hausse de 39 % des logements étudiants entre 2012 et 2023
Depuis plus d'une décennie, le soutien public au logement étudiant repose sur une multitude d'acteurs : État, collectivités locales, CROUS, bailleurs sociaux, foyers étudiants. Mais aucun d'entre eux ne porte la responsabilité de manière claire. Résultat : une absence de stratégie nationale et une juxtaposition de dispositifs qui ne répondent que partiellement aux besoins.
Entre 2012 et 2023, 69.300 logements étudiants à vocation sociale ont été construits, soit une hausse de 39 %, bien supérieure à celle de la population étudiante sur la même période, précise la Cour des comptes. En parallèle, un milliard d'euros a été consacré à la réhabilitation du parc des CROUS. Mais ces efforts n'ont pas suffi à satisfaire la demande, notamment dans les grandes métropoles. En 2023, la France comptait 245.000 logements sociaux étudiants, soit à peine 8,2 places pour 100 étudiants.
En 2023, seuls 7 % des étudiants vivaient dans une résidence universitaire du CROUS, et 4 % dans une autre résidence universitaire. Le parc spécifiquement dédié au logement étudiant représentait donc à peine 11 % des solutions d'hébergement. Par contraste, 33 % des étudiants habitaient chez leurs parents. Le reste était pris en charge par le marché privé : 25 % louaient seuls, 11 % étaient en colocation ou en sous-location et environ 6 % vivaient dans un bien appartenant à leur famille ou à un proche. Enfin, 6 % déclaraient un mode de logement «autre», comme des foyers ou des hébergements de fortune, toujours selon les données de la Cour des comptes. La majorité des étudiants restait ainsi dépendante du parc locatif privé, qui n'est pas régulé spécifiquement pour elle.
20 à 30 % d'étudiants internationaux dans les résidences du CROUS
Le rapport de la Cour des comptes consacre un chapitre entier à la situation francilienne, jugée particulièrement préoccupante. L'Île-de-France concentre plus de 27 % des effectifs étudiants du pays et 35 % des étudiants en mobilité en France. Toutefois, les conditions de vie y sont plus difficiles, notamment du fait de loyers élevés : le loyer moyen des étudiants en 2020 était de 751 euros à Paris, 685 euros en petite couronne et 566 euros en grande couronne, contre 483 euros à l'échelle nationale. En particulier, la ville de Paris enregistre un déficit conséquent en capacité de logement de ses étudiants : elle accueille moins du quart des logements dédiés, alors qu'elle concentre la moitié de la population étudiante francilienne.
Par ailleurs, en Île-de-France, où le parc social géré par les CROUS est proportionnellement plus faible qu'ailleurs, les places réservées aux étudiants en mobilité internationale peuvent représenter 20 à 30 % des places disponibles. Par conséquent, les étudiants franciliens doivent souvent rester chez leurs parents (92 % d'entre eux vivent chez leurs parents à 18 ans, contre 56 % en moyenne dans les autres régions), et subir des temps de transport plus élevés que dans les autres régions. Dans le cadre d'un sondage effectué en 2017 par l'Institut Harris et relayé par la Cour des comptes, 72 % des étudiants cohabitant (ceux qui vivent avec leurs parents - NDLR) ont déclaré une fatigue liée aux trajets, et 23 % un manque de temps.
Les étudiants boursiers prioritaires pour l'accès au logement
Le rapport reconnaît une certaine efficacité du soutien ciblé envers les étudiants les plus modestes. Le code de l'éducation place le statut de boursier en tête de la liste des critères devant être pris en compte par les gestionnaires des résidences universitaires à vocation sociale. Aujourd'hui, d'après la Cour des comptes, les étudiants boursiers sur critères sociaux représentent 54 % de la population logée dans le parc géré par les CROUS. Conséquence de cette priorisation, les boursiers ont à la fois le reste à charge le plus faible parmi les étudiants et apprentis allocataires des APL et, depuis 2023, le taux de couverture du loyer par l'aide le plus élevé.
Ce système crée des effets de seuil problématiques. Les étudiants «juste au-dessus» des plafonds de bourse n'ont accès ni aux logements sociaux, ni aux APL renforcées. Ces étudiants se retrouvent donc dans une zone grise, sans solution accessible. Parmi les étudiants boursiers, le système actuel d'échelons jalonnant les bourses sur critères sociaux génère également des effets de seuil importants. Le différentiel de bourses entre deux échelons peut dépasser 90 euros par mois, et seul un échelon élevé garantit l'accès aux logements des CROUS en zone tendue. Or, l'accès à un logement social conduit à un reste à charge inférieur en moyenne de 100 euros pour les boursiers, par rapport à ceux qui sont logés dans le parc privé, précise la Cour des comptes.
Des logements «insalubres», «chers» et «contraignants»
Peut-on réussir ses études si l'on vit dans un logement trop petit, trop cher ou trop éloigné ? La réponse paraît évidente, mais la Cour des comptes constate que ce lien n'a jamais été étudié sérieusement. Aucune étude de cohorte n'a permis d'établir une corrélation chiffrée entre conditions de logement et réussite scolaire. Et pourtant, dans un sondage effectué en 2017 par l'Institut Harris, 91 % des étudiants qui vivent avec leurs parents ont affirmé que leur solution d'hébergement avait «un impact sur leur cursus scolaire ou leur vie personnelle» : 72 % ont déclaré une fatigue liée aux trajets et 23 % un manque de temps. Pour information, le temps de trajet moyen des étudiants français vivant chez leurs parents est de 63 minutes, contre 33 minutes pour les étudiants qui quittent le foyer familial.
En outre, de nombreuses études insistent sur le lien entre le logement et la santé des étudiants. Une enquête récente de Cergy Paris Université relayée par la Cour des comptes estime ainsi que seuls 3,4 % des étudiants qui se perçoivent en très bonne santé physique sont insatisfaits de leur logement contre 27,8 % pour ceux qui se perçoivent en très mauvaise santé physique. Ces taux sont de 4,7 % et 20,4 % s'agissant de la santé mentale. Selon la Cour des comptes, appelés à réagir à l'expression «le logement des étudiants», les premiers mots des jeunes concernés sont négatifs : «petit», «cherté», «solitude», «insalubrité», «galère», «contraintes».