08-07-2025
Le Parlement britannique vote en faveur d'une loi «historique» sur l'aide à mourir
Les députés de la Chambre des communes ont adopté à une majorité très serrée un texte légalisant le suicide assisté pour les malades adultes en phase terminale dont l'espérance de vie est inférieure à six mois.
Pour un vendredi, les bancs de la Chambre des communes étaient inhabituellement remplis. L'heure était grave, autant que le sujet. Les députés ont voté en deuxième - et dernière - lecture le très controversé projet de loi sur l'aide à mourir. Après des mois de débats passionnés, ils ont approuvé - par une majorité très ténue - ce texte qualifié d'« historique », mais très controversé.
La Chambre basse du Parlement britannique a donc voté en faveur d'un projet de loi visant à légaliser le suicide assisté, avec un score très serré, 314 députés s'étant prononcés pour et 291 contre. Fin novembre, les députés avaient approuvé le texte en première lecture à une courte majorité également, mais tout de même plus large (330 voix contre 275). Depuis, le texte a été amendé et certains députés ont publiquement changé d'avis, invoquant des modifications qui, selon eux, affaiblissent la protection des personnes vulnérables. Des militants en faveur ou non de la loi se pressaient devant Westminster. Les « pour » brandissaient des pancartes « My death, my decision » (ma mort, ma décision) alors que les « contre » affichaient des slogans comme « Kill the Bill, not the ill » (Tuez la loi, pas les malades).
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La « Terminally Ill Adults (End of Life) Bill » prévoit la légalisation de l'aide à mourir pour les malades adultes en phase terminale dont l'espérance de vie est inférieure à six mois, et sous réserve qu'ils soient capables de s'administrer eux-mêmes la substance provoquant leur décès. Les partisans de la loi affirment qu'elle apportera dignité et compassion aux personnes qui souffrent. Pour Kim Leadbeater, députée de la majorité travailliste à l'origine de la proposition de loi, il ne s'agit « pas d'un choix entre vivre et mourir, mais d'un choix pour les personnes en phase terminale quant à la manière dont elles meurent ». Les opposants craignent que des personnes vulnérables ne soient incitées à mettre fin à leurs jours. Et estiment que les garanties ne sont pas assez solides. Professeur de médecine palliative et élue à la Chambre des lords, Ilora Finlay nous confiait ainsi redouter « la pression des familles ou de la société sur les personnes âgées, qui peuvent avoir le sentiment d'être un fardeau ».
Les mineurs exclus
La loi n'entre pas encore en vigueur, mais elle a désormais toutes les chances d'être promulguée dans quelques mois. Le texte va être soumis à la Chambre des lords. Même si d'autres amendements pourront être apportés, on voit mal les lords - non élus - bloquer une loi adoptée par les députés élus. Ces derniers ont déjà apporté plusieurs changements notables au texte adopté fin novembre. Outre deux médecins, le dernier mot pour autoriser une aide à mourir sera non plus du ressort d'un juge de la Haute Cour de justice mais entre les mains d'un comité d'experts - comprenant un avocat, un psychiatre et un travailleur social. Cet amendement a suscité l'ire des opposants.
Les professionnels de santé (infirmiers, pharmaciens, travailleurs du secteur médical) auront aussi le droit de refuser de participer à un suicide assisté, comme c'était déjà le cas pour les médecins. Il sera interdit de faire la publicité des services liés au suicide assisté, auquel les mineurs n'ont par ailleurs pas accès. Et une personne ne pourra pas être éligible si sa santé se dégrade parce qu'elle a volontairement arrêté de se nourrir. La question des personnes souffrant de problèmes de santé mentale a soulevé de rudes débats. Des experts indépendants pourront les soutenir, ce qui n'a pas empêché le Royal College of Psychatrists de se dire « inquiet des modalités de la loi ».
Changement social majeur
Après avoir été adopté définitivement par les deux Chambres, le suicide assisté ne sera pas mis en place avant quatre années. Selon une évaluation du gouvernement, quelque 4 500 morts assistées pourraient avoir lieu à terme chaque année. Actuellement, l'aide médicale à mourir est illégale et fait encourir une peine de 14 ans de prison. La nouvelle loi s'appliquera en Angleterre et au pays de Galles. En Écosse, les députés ont adopté le mois dernier en première lecture un projet de loi similaire
Le gouvernement travailliste était resté neutre sur ce projet de loi si sensible moralement, les députés pouvant voter selon leur conscience plutôt que selon la ligne de leur parti. Keir Starmer a voté pour, mais certains de ses ministres ont voté contre. Les lignes de fracture dépassent en effet les clivages gauche-droite. Des figures du Labour se sont ainsi opposées à un texte proposé par l'une des leurs. Le ministre de la Santé, Wes Streeting, a voté contre le projet de loi. La doyenne de la Chambre, Diane Abbott, a aussi exhorté les députés à rejeter la loi. Pas opposée sur le principe à l'aide à mourir, elle conteste un texte trop flou et risqué. « Je suis venue dans cette Assemblée pour être la voix de ceux qui n'ont pas de voix. Qui pourrait être plus sans voix que quelqu'un qui est dans son lit de malade et qui croit qu'il est en train de mourir ? », a lancé cette figure historique de la gauche travailliste.
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Pour ses partisans, cette loi est présentée comme le plus grand changement social mené dans le pays depuis une génération. Certains la comparent ainsi à la loi sur l'avortement de 1967 ou à l'abolition de la peine capitale. Mais son adoption serrée risque de faire couler encore beaucoup d'encre.