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Ce que révèle le tout premier rapport de la police des polices à Genève
L'Inspection générale des services (IGS) rend public son rapport d'activité. Le nombre d'enquêtes a augmenté de 11% en 2024. Publié aujourd'hui à 11h39
Les plaintes adressées à l'IGS portent majoritairement sur des allégations d'usage abusif de la force ou d'un moyen de contrainte.
© archive tdg
En bref:
Face aux demandes d'associations de défense des droits de l'homme et des médias, l'Inspection générale des services (IGS) – ou police des polices – joue désormais la carte de la transparence. Pour la première fois en quinze ans d'existence, l'organe chargé des enquêtes pénales visant tous les membres du corps de police rend public son rapport d'activité .
Jusqu'alors, seuls l'état-major de la police cantonal et le procureur général recevaient le document contenant, notamment, les données relatives aux violences policières et pénitentiaires. Unique en Suisse
Avant d'examiner les chiffres, une mise en contexte s'impose. Car l'IGS est une exception genevoise calquée sur une pratique française. Les autres cantons helvétiques ne disposent pas d'une telle structure.
L'IGS tire son origine d'une pétition de détenus de Champ-Dollon dénonçant en 2006 des violences policières. Dans la foulée, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) suggérait au Canton de mettre sur pied un organe indépendant de contrôle avant que le conseiller d'État Laurent Moutinot ne lance la structure en 2009.
De trois inspecteurs à ses débuts, l'IGS est désormais doté de quinze personnes chargées d'enquêter sur les allégations de violences policières ou pénitentiaires, mais également sur les infractions commises par les membres des corps de police dans le cadre privé. Usage abusif de la force
Qu'en est-il des chiffres? L'IGS a ouvert 143 dossiers en 2024, soit 11,6% de plus que l'année précédente. Raison principale invoquée: l'usage abusif de la force ou d'un moyen de contrainte. L'an dernier, 52 cas entraient dans cette catégorie, visant en premier lieu des membres de la police cantonale (42), puis l'Office de la détention (10), mais aucun policier municipal ou membre d'un autre service.
Dans ce champ, les dénonciations viennent le plus souvent de personnes interpellées, lesquelles ont indiqué avoir subi des violences dans le cadre de leur arrestation. L'utilisation des menottes, du spray au poivre, de clés de bras ou de «frappes de déstabilisation» sont à l'origine des plaintes.
Source: rapport d'activité de l'Inspection générale des services 2024.
LDI Corruption derrière les barreaux
À noter que ces enquêtes pour usage abusif de la force peuvent être ouvertes à la suite de dénonciations directement enregistrées par l'IGS, mais également sur signalement du Ministère public.
Quant aux deux décès survenus en 2024 dans les violons du vieil Hôtel de police du boulevard Carl-Vogt, ils ont donné lieu à l'ouverture d'enquêtes menées par l'IGS puis remises au Ministère public.
Parmi les données de ce rapport, la plus surprenante concerne les faits de corruption. Ils sont «en forte hausse», indique l'IGS. Au vrai, sur les dix enquêtes ouvertes en 2024 (contre deux en 2022 et deux en 2023), neuf concernent des agents de l'Office cantonal de la détention suspectés d'avoir introduit de la drogue ou des téléphones portables en prison. Une de ces enquêtes est d'ailleurs à l'origine de l' arrestation d'un agent de détention , confirme le document rendu public. Peu de condamnations
Enfin, l'exercice de transparence éclaire sur l'issue des procédures pénales transmises au Parquet à la suite d'une enquête de l'IGS. Il apparaît en effet que le nombre de condamnations est très faible. Pour saisir le phénomène, il s'agit d'examiner les données des années 2021 et 2022 (il est trop tôt pour examiner la question pour les cas datant de 2024) pour apprendre que 77% des procédures sont classées par la justice (ordonnance de non-entrée en matière ou classement).
Dans son compte rendu, l'IGS fournit une explication: «Dans des enquêtes de ce type, il est parfois difficile de recueillir des éléments objectifs qui établissent avec certitude les faits. Hormis les cas où les faits sont filmés, notamment par les caméras équipant les postes de police ou par les caméras et les bodycams équipant les lieux de détention, il faut donc se contenter de versions contradictoires sur lesquelles la justice devra se baser pour rendre une décision, étant rappelé que le doute doit profiter à l'accusé.»
Reste que 48 procédures ont conduit à des condamnations pénales durant ces années 2021 et 2022: 25 concernent des infractions commises dans le cadre privé par des policiers, des assistants de sécurité publique (ASP), des agents de détention et un fonctionnaire externe. Newsletter
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Autres newsletters Luca Di Stefano est journaliste à la rubrique genevoise depuis 2013. Diplômé de l'Académie du journalisme et des médias (AJM), il couvre en particulier l'actualité judiciaire. Plus d'infos @LucaDiStefano10
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