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«Le Conseil constitutionnel préfère protéger la liberté d'étrangers dangereux à celle de citoyens innocents»
«Le Conseil constitutionnel préfère protéger la liberté d'étrangers dangereux à celle de citoyens innocents»

Le Figaro

time11-08-2025

  • Politics
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«Le Conseil constitutionnel préfère protéger la liberté d'étrangers dangereux à celle de citoyens innocents»

FIGAROVOX/TRIBUNE - Les décisions rendues jeudi dernier sur la loi Duplomb et sur la rétention administrative des étrangers dangereux montrent que les membres du Conseil constitutionnel sont déconnectés du réel, regrette l'avocat Jean-Philippe Delsol. Jean-Philippe Delsol est avocat, président de l'Institut de Recherches Économiques et Fiscales et essayiste. Son dernier ouvrage paru est Libéral ou conservateur ? pourquoi pas les deux ? (Manitoba/Les Belles Lettres, 2024). À découvrir PODCAST - Écoutez le club Le Club Le Figaro Idées avec Eugénie Bastié Deux décisions du Conseil constitutionnel en date du 7 août 2025 relancent la question des limites des pouvoirs des membres du Conseil constitutionnel par rapport à ceux des représentants du peuple. Un système jurisprudentiel, du type de celui de la common law, dans lequel la décision des juges forge peu à peu le droit à partir de lois de principe, peut apparaître plus juste et efficace pour traiter des cas individuels que notre système de droit civil qui voudrait que la loi, générale par définition, prévoie tous les cas de figure et s'impose à l'esprit des juges. Mais il en va sans doute autrement du rôle des juges constitutionnels comme de ceux du Conseil d'État quand ils s'arrogent le droit de remettre en cause les lois de manière politique, voire idéologique. Publicité Un article de la loi Duplomb, adoptée le 9 juillet dernier, permettait, sous certaines conditions, de déroger par décret à l'interdiction d'utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, ainsi que des semences traitées avec ces produits. La ré-autorisation provisoire de cet insecticide devait permettre aux exploitants, notamment aux betteraviers, d'avoir le temps de trouver des substituts pour protéger leurs plantations. Mais par une décision (n° 2025-891 DC) du 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a considéré que «le législateur, en permettant de déroger dans de telles conditions à l'interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l'article 1er de la Charte de l'environnement ». Les parlementaires français qui ont voté, en Congrès, cette loi du 1er mars 2005 constitutionnalisant le principe de précaution sont les premiers coupables de sottise et de démagogie En effet, la Charte de l'environnement, intégrée dans la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 «proclame» que «chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé». Cette sentence vague et générale devait-elle néanmoins habiliter le juge constitutionnel à annuler le vote parlementaire alors que le produit en cause, l'acétamipride, reste autorisé au sein de l'Union européenne jusqu'en 2033 ? Il est possible que cet insecticide ait de mauvais effets sur l'environnement et peut-être sur la santé humaine, mais peut-être moins qu'il ne procure d'avantages pour améliorer la production et réduire le coût du sucre par exemple. Le progrès consiste à retenir les solutions dont la balance inconvénients/avantages est positive. Certes, les parlementaires français qui ont voté, en Congrès, cette loi du 1er mars 2005 constitutionnalisant le principe de précaution sont les premiers coupables de sottise et de démagogie. Les parlementaires d'aujourd'hui en pâtissent. Mais le Conseil constitutionnel lui-même ne se devait-il pas d'appliquer et interpréter le texte avec précaution, intelligence et discernement ? Ce qu'il n'a pas fait. Il ne l'a pas plus fait dans sa décision, rendue également le 7 août 2025 (n° 2025-895 DC), par laquelle il a censuré plusieurs dispositions de la loi visant à étendre les cas dans lesquels la durée maximale de la rétention administrative des étrangers en situation irrégulière et condamnés pour des faits particulièrement graves puisse être portée à cent quatre-vingts jours voire, dans certains cas, deux cent dix jours, ainsi qu'à instituer de nouveaux cas dans lesquels l'appel contre une décision mettant fin à la rétention administrative d'un étranger est suspensif et l'intéressé maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. À lire aussi Loi Duplomb : «Avec la Charte de l'environnement, le législateur d'aujourd'hui est piégé par celui d'hier» Tout en reconnaissant qu'«en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière, qui participe de cet objectif», le Conseil constitutionnel a annulé ces dispositifs. Il a argué notamment que la période de rétention prévue était trop longue pour des crimes ou délits qui pouvaient ne pas représenter une particulière gravité. Il aurait fallu selon lui attendre que les individus concernés par ces mesures constituent une menace actuelle et d'une particulière gravité pour l'ordre public pour leur appliquer de telles mesures. Il aurait fallu, en quelque sorte, que ces gens commettent d'abord l'irréparable, comme le meurtre en septembre 2024 de la jeune Philippine. Publicité Comme l'a fait remarquer Bruno Retailleau, l'attitude du Conseil constitutionnel est d'autant plus insensée que déjà la «Directive européenne 'Retour' autorise une durée de 6 mois dans tous les cas, pouvant être prolongée de 12 mois supplémentaires en l'absence de perspective d'éloignement immédiat». «Je rappelle, a-t-il ajouté, que 14 pays, dont l'Allemagne et la Belgique, appliquent ce délai de rétention de 18 mois. Absolument rien dans le droit européen ne s'oppose à cette durée. Mieux encore : le nouveau Règlement européen 'Retour', en cours de négociation, prévoit de porter à 24 mois la durée de droit commun, et sans limitation pour les étrangers en situation irrégulière qui présentent une menace pour la sécurité publique». Les membres du Conseil constitutionnel démontrent une fois de plus qu'ils sont totalement déconnectés du réel. Surpayés en contravention à la constitution elle-même, ils méconnaissent la vraie vie Mais Emmanuel Macron n'a vu que son intérêt personnel à pouvoir promulguer la loi ainsi amputée pour faire du tort à son opposition de droite. Peut-être avait-il manigancé l'affaire avec le président du Conseil constitutionnel qu'il n'a choisi ni pour ses diplômes de droit, ni pour ses compétences ou son expérience constitutionnelle, puisqu'il n'en a guère, mais éventuellement pour sa seule habileté politicienne. Les membres du Conseil constitutionnel démontrent une fois de plus qu'ils sont totalement déconnectés du réel. En considérant que «les dispositions contestées portent une atteinte excessive à la liberté individuelle», ils préfèrent protéger la liberté d'individus qui sont ou restent illégalement sur notre sol et auteurs de crimes ou délits graves à celle des citoyens honnêtes et innocents dont le rôle de l'État est d'assurer la sécurité. Il y a là, de leur part, une erreur manifeste d'appréciation. Certes, le Conseil constitutionnel appuie ses décisions sur des textes ayant valeur constitutionnelle (de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 au préambule de la constitution de 1946), mais il serait peut-être temps de toiletter certains textes et de recadrer les pouvoirs du Conseil constitutionnel dont le premier devoir est de s'assurer du respect de notre démocratie où chacun doit pouvoir vivre en paix, ce que trop d'immigrés agissant en violation de nos lois ne permettent plus. À cette occasion, il devrait être rappelé que le juge n'est pas législateur et ne saurait s'y substituer sans lui-même commettre une atteinte à la démocratie.

Loi Duplomb : «Avec la Charte de l'environnement, le législateur d'aujourd'hui est piégé par celui d'hier»
Loi Duplomb : «Avec la Charte de l'environnement, le législateur d'aujourd'hui est piégé par celui d'hier»

Le Figaro

time08-08-2025

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Loi Duplomb : «Avec la Charte de l'environnement, le législateur d'aujourd'hui est piégé par celui d'hier»

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le Conseil constitutionnel a censuré ce 7 août une partie de la loi Duplomb, empêchant notamment la réintroduction de l'acétamipride. Le maître de conférences à Nanterre, John-Christopher Rolland, analyse les motivations de cette décision fondée sur la Charte de l'environnement. John-Christopher Rolland est docteur en droit public et maître de conférences à l'Université Paris Nanterre. À découvrir PODCAST - Écoutez le club Le Club Le Figaro Idées avec Eugénie Bastié LE FIGARO. - En 2020, le Conseil constitutionnel avait consenti à une dérogation pour les néonicotinoïdes que la loi Duplomb souhaitait réintroduire. Pourquoi sa position a-t-elle changé depuis et que censure-t-il concrètement ? Publicité Jean-Christopher ROLLAND.- Le Conseil constitutionnel a censuré l'article 2 et une partie de l'article 8 de la loi Duplomb. Concrètement, le Conseil a bloqué la réintroduction de l'acétamipride, au nom de la Charte de l'environnement, mais valide la pérennisation des mégabassines. Le Conseil a fait, comme toujours, un contrôle de proportionnalité. Il peut tolérer des entorses aux principes de la Charte de l'environnement, par exemple, à condition que l'intérêt général semble le justifier. C'est alambiqué et, contrairement à 2020, l'intérêt des agriculteurs et de leur compétitivité n'a cette fois pas pesé. Les partis qui avaient saisi le Conseil constitutionnel arguaient que la procédure d'adoption de la loi présentait un certain nombre d'irrégularités, notamment du fait de l'adoption d'une motion de rejet par le bloc central. Cela a-t-il pesé dans la décision ? Non, car la procédure fait partie des outils législatifs, même si elle étonne sur le plan politique. Le bloc central avait employé cette procédure destinée à l'opposition pour s'assurer qu'en CMP, la loi soit adoptée. On avait déjà eu un débat similaire, lors de la réforme des retraites, sur l'abus de 49.3 qui, comme la motion de rejet, concluait les débats de façon prématurée ; à l'époque, le Conseil n'avait pas censuré et il était dès lors logique qu'il ne le fasse pas cette fois non plus. Il aurait été difficile pour lui de contrôler à ce point la procédure législative, tandis qu'il est déjà critiqué pour son rôle dans nos instances démocratiques. Remarquons néanmoins qu'il aurait ainsi évité sur le fond le camouflet infligé au bloc central et à la droite. À lire aussi Qu'est-ce que la motion de rejet, nouvelle arme préférée des députés à l'Assemblée La Charte de l'environnement avait précisément été adoptée pour empêcher l'adoption de textes néfastes à l'environnement. Que penser de son application au cas d'espèce ? La question est de savoir si l'État de droit constitue un «verrou» vis-à-vis de la démocratie active : nos parlementaires, élus dans un contexte contemporain, se retrouvent enserrés dans des normes adoptées il y a longtemps. C'est paradoxal : le peuple confie un mandat à ses élus et ce mandat est contrarié par des juges non élus. Par ailleurs, en plus d'opposer ces deux pouvoirs, on oppose deux souverainetés populaires d'un point de vue chronologique. En effet, la Charte de l'environnement avait été adoptée par le Congrès, ce qui lui a accordé valeur constitutionnelle (réforme de 2004). Mais aujourd'hui, c'est cette même charte qui a contraint la souveraineté populaire actuelle, soudainement préoccupée par le destin de nos agriculteurs. Si les élus verts, européistes, estiment que ces pesticides sont dangereux pour les agriculteurs et les consommateurs, comment peuvent-ils les accepter pour les consommateurs français qui achètent des produits importés et pour les agriculteurs dans d'autres pays européens ? Publicité Quand on veut un marché commun, avec des règles équivalentes, pour une concurrence libre et non faussée, on ne peut pas se retrouver plus royaliste que le roi pour ses nationaux et ne pas peser du tout pour que la concurrence ne soit pas faussée par les partenaires européens. En réalité, la situation symbolise la faiblesse chronique de la France, son déclassement sur la scène européenne. En définitive, la décision semble ridicule, en ce qu'elle contraint les consommateurs nationaux à payer plus cher des produits conformes à ces normes ou à acheter des produits issus de l'agriculture d'autres pays européens, moins onéreux mais garnis de pesticides que l'on a interdits pour des motifs sanitaires. Cela suscite d'ailleurs un problème d'égalité, tant pour les agriculteurs que les consommateurs. En somme, des décisions aussi importantes peuvent s'avérer désastreuses au niveau local si elles ne sont pas prises à l'échelle globale. Or nos responsables politiques n'admettent ni leur faiblesse à l'échelle nationale ni leur incapacité à agir au niveau supranational. Dans quelle mesure les partis de gauche sortent-ils victorieux de cette séquence ? Il reste à voir comment ils recevront la décision sur les mégabassines, mais les élus de gauche vont de toute évidence considérer que la censure va dans leur sens. Elle montre néanmoins la divergence entre un intérêt électoral futur et local - en France - et la réalité d'une position idéologique qui devrait être globale. Si les élus verts, européistes, estiment que ces pesticides sont dangereux pour les agriculteurs et les consommateurs, comment peuvent-ils les accepter pour les consommateurs français qui achètent des produits importés et pour les agriculteurs dans d'autres pays européens ? Dans leur communication, ils argueront en tout cas que c'est une victoire pour les générations futures.

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