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« Les gens rentrent et ne s'attendent pas du tout à voir ça » : le Conservatoire des meules et pavés d'Épernon, un musée unique en Europe
Ouvert au public depuis 2005, le Conservatoire des meules et pavés fonctionne principalement grâce aux bénévoles de l'association Épernon Patrimoine & Alentours, qui donnent de leur temps pour raconter un pan méconnu de l'histoire locale, celle des carriers et de leur travail au XIXe siècle jusqu'au début du XXe.
En France et à l'échelle européenne, il n'existe pas d'autres lieux comparables pour la préservation et la transmission de ce patrimoine. Un récit riche, dans ce bassin de vie du nord de la Beauce qui produisait alors des meules exportées dans le monde entier, pour équiper des moulins et produire de la farine. Les ouvriers des carrières de grès extrayaient quant à eux les pavés qui ornaient notamment les rues de Paris avant d'être remplacés par du granit breton.
L'idée de cet espace muséal, à sa création il y a plus de 20 ans, était de « pouvoir préserver le patrimoine sur les carriers, puisque ici on a des carrières de grès pour faire des pavés et de pierres meulières pour faire des meules », explique Amélie Barreau, passionnée de patrimoine et bénévole depuis 2018 à l'association qu'elle préside depuis 2023.
Histoire industrielle et sociale
Dès l'entrée du Conservatoire des meules et pavés d'Épernon, on réalise le caractère unique du site. Il est en partie installé dans une ancienne rotonde, initialement créée pour l'exposition universelle de Paris en 1900. Un bâtiment fait tout de bois, qui ajoute du charme à cet espace dédié à l'histoire des meules. Le bâtiment se prolonge ensuite avec l'ancienne bergerie de la ferme modèle d'Épernon, rénovée en espace d'exposition. Cette pièce très lumineuse donne à son tour accès à une nouvelle salle, celle des expositions temporaires, consacrée cette année à l'évolution des chemins de fer en Eure-et-Loir.
Dans les deux premiers espaces du musée, de grandes fresques retracent les techniques de travail et les étapes nécessaires pour concevoir des meules de pierre et pavés en grès. Les lieux sont agrémentés d'objets d'époque, de photographies, de maquettes. Tout est fait pour que l'on se rende compte de la difficulté des métiers dans les carrières, devenue l'une des principales industries locales au XIXe siècle.
Avec des photos, des témoignages et des démonstrations, le Conservatoire des meules et pavés d'Epernon fait rentrer ses visiteurs dans le monde des carriers. LP/Jade Bihan
« On touche tout un type de population, car il y avait des carrières partout pour les meules : Épernon, Berchères-les-Pierres, La Ferté-sous-Jouarre », relate fièrement la présidente. « Il arrive que des personnes, dont les aïeux ont été carriers, viennent au conservatoire, à la recherche d'informations. » Car ce musée raconte aussi une histoire sociale. Celle de personnes travaillant et vivant dans des conditions très dures, qui parlaient peu de leur quotidien avec leurs proches, quand ils en avaient.
Certains ouvriers étaient en effet des repris de justice et, quelles que soient les raisons qui les avaient conduits dans les carrières, nombreux sont tôt ou tard tombés malades. Soit à cause des poussières de pierre, soit parce que l'hygiène était déplorable. « Leurs draps n'étaient changés qu'une fois par an », souligne ainsi Daniel, bénévole depuis dix ans. Une situation qui perdurera jusqu'aux évolutions industrielles et, plus tard, la création des premières mutuelles.
La nouveauté de l'été 2025 : un escape game
Dans le musée, toutes les informations présentées sont le fruit d'un important travail de collecte de documents et de témoignages. Un travail qui ressort lors des visites guidées proposées par les bénévoles du Conservatoire. Ce lieu touristique et patrimonial public a vu passer près de 1 700 visiteurs en 2024. Un chiffre qui repart à la hausse après la période Covid et l'ambition d'avoir une trentaine de visiteurs chaque jour d'ouverture.
« Les gens rentrent dans le bâtiment et ne s'attendent pas du tout à voir ça… On n'a jamais de mécontents, ils repartent toujours avec un savoir en plus et, parfois ils reviennent aussi pour les expositions temporaires », confie Amélie Barreau.
Elle se réjouit aussi d'offrir une autre porte d'entrée pour « un public habituellement moins attiré par les musées ». En effet, depuis le 14 juin et jusqu'à la fermeture hivernale du site le 30 septembre, les bénévoles du Conservatoire proposent un escape game dans l'univers des carriers. De 2 à 7 visiteurs peuvent résoudre en équipe les différents indices pour retrouver la statue de Saint-Roch, le saint patron des carriers.
« C'est un moyen ludique pour attirer des personnes adeptes de jeux de société, d'énigme et de suspens », pour ensuite les inviter à visiter le musée, note Amélie Barreau, « qu'ils soient passionnés ou non par les meules et pavés, on veut qu'ils repartent avec des dates, des idées en tête et surtout qu'ils passent un bon moment ».