6 days ago
Sommet sur l'Ukraine en Alaska : pourquoi Vladimir Poutine ne sera pas arrêté aux États-Unis
Le président russe, visé depuis 2023 par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, rencontre ce vendredi Donald Trump pour décider du sort de l'Ukraine.
Six ans après leur dernière rencontre, Donald Trump et Vladimir Poutine se retrouvent en chair et en os ce vendredi 15 août en Alaska pour dessiner, sans Volodymyr Zelensky, la fin de la guerre en Ukraine. Visé en mars 2023 par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour des soupçons de crimes de guerre liés à la «déportation illégale» d'enfants ukrainiens vers la Russie - ce que Moscou dément -, le maître du Kremlin ne prend pour autant aucun risque d'être arrêté sur le sol américain.
Fondée en 1998 par le Statut de Rome, entré en vigueur en juillet 2002, la CPI est un tribunal international permanent dont la fonction est de «mener des enquêtes, engager des poursuites et juger les personnes accusées d'avoir commis les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale», explique l'institution sur son site internet. Cela désigne le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les crimes d'agression commis par un ressortissant d'un État partie ou sur le territoire d'un État partie. Aujourd'hui reconnue par 125 États, la Cour pénale internationale siège à La Haye, aux Pays-Bas.
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Obstacles
Dans le cadre de sa mission, la CPI peut émettre un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne suspectée d'avoir commis un crime relevant de ses compétences de la CPI. À dessein, la Cour peut présenter à tout État sur le territoire duquel une personne est susceptible de se trouver une demande «tendant à ce que cette personne soit arrêtée et lui soit remise, et sollicite la coopération de cet État pour l'arrestation et la remise de la personne», dispose l'article 89-1 du Statut de Rome. L'article 86, de son côté, fixe une obligation générale de coopération : «Les États parties coopèrent pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant de sa compétence.»
Enfin, son article 27 dispose que «la qualité officielle de chef d'État ou de gouvernement (...) n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale». De même, «les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne (...) n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne».
Voilà pour la théorie. Car en pratique, la Cour pénale internationale se heurte à plusieurs obstacles. D'abord, si les États qui reconnaissent la CPI ont l'obligation d'exécuter ses mandats, la Cour elle-même ne dispose d'aucun moyen pour contraindre un État à remplir ses obligations. Il n'existe d'ailleurs aucun précédent en matière d'extradition d'un chef d'État en exercice visé par un mandat de la CPI.
Ensuite, et c'est le plus important dans le cas précis du sommet entre Vladimir Poutine et Donald Trump, les États-Unis et la Russie n'ont pas ratifié le Statut de Rome mais l'ont seulement signé. Aucun risque, donc, pour le président russe d'être arrêté. Vladimir Poutine n'avait pas non plus été inquiété en septembre 2024 lorsqu'il s'était rendu à l'invitation de son homologue Ukhnaagiin Khürelsükh en Mongolie, signataire en 2000 du traité de Rome qu'elle a ratifié en 2002. Il s'agissait du premier déplacement du Russe dans un pays ayant ratifié le Statut depuis l'émission d'un mandat d'arrêt à son encontre. La CPI avait conclu qu'en ne lui remettant pas Vladimir Poutine, Oulan-Bator avait manqué à ses obligations.
Le président russe Vladimir Poutine et le président de la Mongolie Ukhnaagiin Khürelsükh à Oulan-Bator le 3 septembre 2024.
VYACHESLAV PROKOFYEV / AFP
Le cas Netanyahou
D'autres dirigeants font l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI, à l'instar de Benyamin Netanyahou depuis novembre dernier. «J'ai de bonnes raisons de penser que la responsabilité pénale du premier ministre d'Israël, et de Yoav Gallant, ministre de la défense d'Israël, est engagée pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ci-après commis sur le territoire de l'État de Palestine (dans la bande de Gaza) à compter du 8 octobre 2023 au moins», avait déclaré quelques mois plus tôt le procureur de la Cour pénale internationale. Là encore, Israël n'est pas signataire du traité de Rome.
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En Europe, l'Italie avait affirmé en janvier 2025 qu'elle n'arrêterait pas le premier ministre de l'État hébreu s'il se rendait sur son territoire après avoir déclaré en novembre 2024 qu'elle serait contrainte de le faire. En avril 2025, la Hongrie s'est retirée de la CPI le jour même où Benyamin Netanyahou a foulé le sol de Budapest pour rencontrer Viktor Orbán.
En avril 2025, le survol de l'espace aérien français par l'avion présidentiel transportant Benyamin Netanyahou en route vers les États-Unis avait suscité la polémique, d'aucuns accusant Paris d'avoir manqué à ses manquements envers la CPI. Le premier ministre israélien avait rallongé son trajet de 400 kilomètres afin d'éviter le survol des Pays-Bas, de l'Irlande et de l'Islande, pays susceptibles de respecter le mandat d'arrêt de la Cour. Immédiatement, l'association des Juristes pour le respect du droit international (Jurdi) avait adressé une lettre à Emmanuel Macron dénonçant le non-respect de la France de ses engagements internationaux. Le ministère des Affaires étrangères avait de son côté publié un communiqué de presse en novembre 2024 expliquant que Benyamin Netanyahou bénéficiait d'une «immunité» qui s'applique aux États non partie à la CPI.