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Des comportements qui ne datent pas d'hier
Des comportements qui ne datent pas d'hier

La Presse

time09-07-2025

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Des comportements qui ne datent pas d'hier

Les faits reprochés à M. Ferrer s'étirent sur de nombreuses années – et les femmes n'y ont pas échappé Les doléances des cuisiniers recrutés par Jérôme Ferrer ne datent pas d'hier. En 2013, Nicolas Geoffray, attiré par l'appellation Relais & Châteaux d'Europea, est venu de New York pour y travailler avec un permis fermé. Après une courte lune de miel, M. Geoffray dit avoir été « rabaissé » violemment par un chef de l'époque ainsi que par les copropriétaires MM. Ferrer et De Felice. Il décrit une « ambiance malsaine, toxique » qui lui a laissé des séquelles psychologiques. Lorsqu'il a pu partir pour un autre employeur, respectueux celui-là, M. Geoffray raconte avoir craqué. « J'ai pensé que je ne savais plus cuisiner. J'ai fondu en larmes dans la cuisine du Pastaga en me disant : 'Je ne sais plus rien faire.' J'étais tellement essoré. » Le chef dit aujourd'hui témoigner de son vécu avec sérénité, pour des motifs thérapeutiques. Comme d'autres chefs interviewés par La Presse, il voit un seul côté positif à son passage chez Europea : il s'est ouvert à plus d'empathie et d'écoute. Surtout, il dit savoir quoi ne pas répéter avec sa propre équipe. Je ne veux plus faire ça, gueuler sur les gens. À un moment donné, on plonge dans cette atmosphère et on est vraiment dans le syndrome de Stockholm. C'est le management de la terreur ; il faut faire le plus peur possible aux gens, les envoyer chier. Nicolas Geoffray, ancien employé chez Europea M. Ferrer rejette cette description. « J'ai vécu l'enfer pendant deux mois, on me descendait de la tête aux pieds », explique pour sa part Rémy Couturier, qui a atterri à Europea en 2015. Il dit avoir gagné un peu de respect lorsqu'il est devenu « chef de partie ». Mais c'était maintenant à lui d'imposer sa loi : il indique avoir été formé pour devenir un « tyran de cuisine ». PHOTO FACEBOOK FOURNIE PAR RÉMY COUTURIER Rémy Couturier dans la cuisine d'Europea en 2015 « Patrice De Felice m'a dit : 'T'es bon pour cuisiner, mais là, je ne te paie plus pour être cuisinier, je te paie pour crier après les gens à ma place.' Ça prend de la discipline en cuisine, mais il y a une ligne entre la discipline et le harcèlement, et on la franchissait la plupart du temps. » Une « soif de pouvoir inconsciente », dit M. Couturier, lui est montée à la tête. « Je suis devenu une personne que je n'aurais jamais cru devenir. Je faisais brailler du monde. Ça m'a détruit complètement et je suis tombé en dépression. » « Pour certains, l'autorité de dire à sa brigade : 'Fais ça, fais ça, fais ça', ils n'y arrivent pas », répond Jérôme Ferrer à la défense de M. De Felice, à son côté. « Ils vont dire : 'je suis un tyran'. Non, tu n'es pas un tyran, c'est ton devoir, c'est ton poste, c'est ta responsabilité. Ce n'est pas fait pour tout le monde. » Le constat d'un ancien chef de partie qui a travaillé dans la cuisine d'Europea de 2012 à 2014 résonne parmi d'autres témoignages : « Le chef Patrice De Felice, bien que sévère, ne participait pas à envenimer l'environnement de travail comme le faisaient Jérôme et d'autres cuisiniers influencés ou s'étant adaptés pour 'survivre', moi inclus dans une certaine mesure », note-t-il. D'autres reprochent surtout à M. De Felice sa « complicité » passive. « Une autre planète » Mathieu Perreault-Jessery, aujourd'hui chef propriétaire du bistro Le coup monté à Repentigny, raconte que dès son deuxième soir à Europea, en 2013, il a compris qu'il était « arrivé sur une autre planète ». Le jeune homme est alors inexpérimenté. « J'ai fait une gaffe et Jérôme Ferrer et son sous-chef m'ont engueulé et ridiculisé devant tout le monde. C'était totalement démesuré. » PHOTO FACEBOOK FOURNIE PAR MATHIEU PERREAULT-JESSERY Mathieu Perreault-Jessery dans la cuisine d'Europea Les engueulades – « t'es un trou de cul, un moins que rien, ton travail est dégueulasse, tu devrais avoir honte » – se sont répétées soir après soir, raconte-t-il. Un acharnement qu'il qualifie de « violence psychologique ». « J'ai l'impression d'avoir passé un an en prison. » M. Ferrer, encore, dément cette version. C'est de la diffamation, du salissage. Il fait partie des gens comme tant d'autres avec qui on va régler nos comptes. Jérôme Ferrer « J'ai vu des jeunes qui étaient bons en cuisine, mais qui ont tout arrêté après Europea », souligne le pâtissier français Dorian Marcinek, aujourd'hui entrepreneur aux États-Unis. Il garde un souvenir doux-amer de son court passage en 2015. « Il y avait beaucoup plus de contre que de pour, mais il ne faut pas cracher dans la soupe », dit-il. « Il y a un apprentissage à Europea, à commencer par gérer la pression. » M. Marcinek dit s'être bien entendu avec Patrice De Felice, d'origine marseillaise tout comme lui. « C'est quelqu'un d'exigeant, mais de droit », explique le pâtissier. De la part de l'associé, les « cartouches » (engueulades) qu'il a reçues étaient justifiées, croit-il, contrairement à celles envoyées par un autre chef de cuisine « dressé pour faire le sale boulot ». Quant à Jérôme Ferrer, il explique ne l'avoir vu au travail qu'une seule fois en trois mois. Le cuisinier juge toutefois que le chef exécutif d'Europea, en apposant son nom au restaurant, est responsable du climat de travail. « J'en avais vu des cuisines dures, mais à Europea, ce n'était pas justifié », souligne M. Marcinek Le chef Mathieu Perreault-Jessery explique vouloir témoigner aujourd'hui pour promouvoir « tout le contraire de ce qu'il a vécu à Europea », dans son restaurant et dans l'industrie en général. « Je veux considérer chaque employé comme une personne à part entière, et m'adapter à chacun. Je veux être un accompagnateur et faire une différence pour qu'ils se rappellent leur passage au Coup monté comme une expérience qui les a fait grandir. » M. Perreault-Jessery indique ne pas garder de séquelles psychologiques de son passage à Europea, contrairement à au moins six cuisiniers ou chefs qui se sont confiés à La Presse. Toutes des « miss » Cinq femmes, minoritaires dans la cuisine d'Europea, décrivent une ambiance sexiste. « Jérôme ne regardait jamais les femmes, même quand il nous parlait », se rappelle Maïté Beaudoin, qui décrit son stage à Europea en 2015 comme sa pire expérience professionnelle, une formule utilisée par plusieurs intervenants. Alors que les cuisiniers avaient le « privilège » d'être désignés par leur prénom, les femmes étaient appelées « la miss » par les patrons, y compris M. Ferrer, souligne Mme Beaudoin, deux autres collègues féminines ainsi que des témoins masculins. « J'ai reçu un rappel à l'ordre verbal et je m'en suis immédiatement excusé », réagit M. Ferrer. « Par mégarde, il n'y avait rien d'intentionnel, j'avais dit 'la miss'. » De façon répétée ? « Comme 'petit', 'mon gars', oui, ça peut arriver, mais du sexisme, non. Tous les postes cadres chez nous sont tenus par des femmes. » Une cheffe de partie qui dit s'être aperçue après son départ avoir subi du « harcèlement moral » explique être partie d'Europea en 2022 à la suite d'une insulte sexiste de M. Ferrer. « Tu sens vite que tu es inférieure parce que tu n'as pas le droit à un prénom », dit une ancienne pâtissière, qui précise que M. Ferrer et ses associés ne lui adressaient la parole directement que pour l'« engueuler ». C'était en 2012-2013. Elle dit avoir elle-même été victime de deux « pétages de coche » particulièrement marquants. « T'es conne, tu ne sers à rien… C'était des insultes liées à l'intelligence. »

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