23-07-2025
Lutte contre l'obésité, intérêts économiques… mais pourquoi Donald Trump s'intéresse-t-il à la recette du Coca-Cola ?
C'est l'un des couples américains les plus solides. Au pays du soda, l'amour de Donald Trump pour le « Diet coke » (Coca-Cola light édulcoré à l'aspartame) a été largement documenté ces dernières années par les médias américains. Dès 2016 et son entrée à la Maison-Blanche, ils révélaient ainsi que le président s'était fait installer
un bouton rouge
dans le Bureau ovale pour se faire livrer une bouteille ou une canette de son breuvage préféré à toute heure.
Le milliardaire a pourtant réussi à surprendre la planète entière la semaine dernière en affirmant que Coca-Cola avait accepté - à sa demande - de
modifier la composition de sa production aux États-Unis
. Annonce confirmée ce mardi par l'entreprise : dès l'automne, sur le sol américain,
une version au sucre de canne
de la célèbre boisson sera commercialisée. « Cet ajout est destiné à être complémentaire au solide portefeuille de base du groupe et à offrir davantage de choix pour toutes les occasions et pour toutes les préférences », avance le groupe dans un communiqué.
Si l'intérêt de Coca-Cola semble évident - la marque gagne les faveurs du président en exercice tout en ouvrant un nouveau marché potentiellement porteur -, celui de Donald Trump saute moins aux yeux. D'autant que cette annonce n'a fait pas que des heureux aux États-Unis, y compris parmi ceux qui l'ont soutenu en novembre dernier face à Kamala Harris. Avant même la confirmation de Coca-Cola, les
producteurs de maïs
, dont le sirop à haute teneur en fructose (SGHF) sert de base à la production de la recette classique aux États-Unis, s'étaient insurgés contre tout changement.
« Le président Trump défend les emplois manufacturiers américains, les agriculteurs américains et la réduction du déficit commercial. Remplacer le sirop de maïs à haute teneur en fructose par du sucre de canne coûterait des milliers d'emplois dans l'industrie alimentaire américaine, ferait baisser les revenus agricoles et augmenterait
les importations de sucre étranger
, le tout sans aucun avantage nutritionnel », a pesté John Bode, directeur général de la Corn Refiners Association (association des raffineurs de maïs).
Finalement, il ne sera pas question de « remplacement » mais d'une version supplémentaire du soda. Mais le fait que Trump prenne le risque de vexer une partie de la « Corn Belt », la « ceinture de maïs » du Midwest qui l'avait soutenu lors de la dernière présidentielle, est significatif.
Pour l'expliquer, la presse américaine met en avant l'engagement de l'administration Trump en faveur d'une meilleure alimentation de la population. Le ministre de la Santé,
Robert Kennedy Jr
, a ainsi fait de son combat contre la malbouffe une priorité, et a même trouvé un slogan qui plaît aux trumpistes : « Make America Healthy Again » (Rendre à l'Amérique sa bonne santé). Dans son collimateur notamment, le sirop de maïs à haute teneur en glucose.
Dans une interview radio en 2023, il l'avait qualifié de « poison », affirmant « qu'il est clair qu'il est lié à l'épidémie d'obésité ». Il avait alors encouragé les auditeurs qui souhaiteraient continuer à consommer la célèbre boisson à « boire un
Mexican Coke
(
le
Coca-Cola mexicain
) parce qu'il n'en contient pas ».
En mai,
un rapport gouvernemental
avait officialisé la position de l'administration Trump en pointant directement l'édulcorant comme responsable de l'obésité infantile. Présent dans 75 % aliments emballés, il serait aussi responsable du diabète de type 2 et de la stéatose hépatique non alcoolique, selon ce document.
Les dernières études cliniques significatives, datant de 2022, concluent certes à l'absence de différence majeure entre le SGHF et le saccharose en termes de prise de poids ou de santé cardiaque. Mais cette nouvelle orientation semble tout de même plaire à une partie de l'électorat républicain, notamment les mères de famille inquiètes pour la santé de leurs enfants, comme l'expliquait le
Christian Science Monitor
en juin dernier. Ces Américains veulent « des aliments vrais et simples, une étiquette propre, même s'ils n'ont pas bon goût », résumait Courtney Gaine, directrice de la Sugar Association (un lobby regroupant des acteurs du secteur du sucre)
lors d'un colloque en février dernier
.
S'ajoute à ces considérations sanitaires, comme souvent avec Donald Trump, un intérêt économique ou politique. La presse anglo-saxonne, et notamment le Times britannique, rappelle que le président américain entretient une amitié avec José Fanjul, un magnat du sucre de canne d'origine cubaine et donateur républicain. En début d'année, selon les révélations d'un livre sur sa réélection, Trump aurait même participé à une réunion avec James Quincey, le directeur général de Coca-Cola, durant laquelle il aurait appelé Fanjul pour le mettre sur haut-parleur. L'objet de sa demande : l'utilisation par l'entreprise de sirop de maïs plutôt que de sucre de canne.