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Doit-on dire à son employeur qu'on est en couple avec un collègue ? Voici ce qu'en dit le Code du travail
DROIT DU TRAVAIL - Ce sont des images d' une relation extraconjugale qui ont fait le tour du monde. Celles d' Andy Byron, PDG de la société Astronomer, filmé par une « kiss cam » en train d'enlacer une collègue, la DRH de l'entreprise, lors d'un concert de Coldplay à Boston. Le hic, c'est qu'Andy Byron est marié à une autre femme… Et que sa collègue est elle aussi engagée ailleurs.
La tromperie aurait pu en rester là si nous n'étions pas en 2025. Repartagées des millions de fois sur les réseaux sur les réseaux, les images du couple illégitime tentant de se cacher ont eu raison de leur carrière. Face à l'ampleur prise par l'affaire, Astronomer a d'abord annoncé avoir suspendu son PDG, ainsi que la responsable des ressources humaines, avant qu' Andy Byron n'annonce sa démission samedi soir, vraisemblablement sous la pression du conseil d'administration.
Qu'en est-il en France ? Peut-on être licencié pour avoir entretenu une relation amoureuse au travail ? Est-on tenu d'informer son employeur que l'on fréquente un ou une collègue ? Voici ce que dit la loi.
Au bureau, le respect de la vie privée prévaut aussi
Contrairement aux États-Unis, rien n'interdit les salariés français d'entretenir une relation amoureuse - officielle ou non - avec un ou une collègue. Et ce, en vertu de l'article L121-1 du Code du travail, qui précise que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». En d'autres termes : les salariés ont aussi droit au respect de leur vie privée dans le cadre professionnel, y compris s'ils nouent une relation personnelle au travail.
Ce respect de la vie privée vaut aussi si la direction a vent de la relation amoureuse. Comme l'explique aux Échos Me Marie-Océane Gelly, avocate spécialisée dans le droit du travail, « un salarié ne peut être sanctionné pour un fait qui relève de sa vie privée ». Ce qui signifie aussi qu'il est impossible de licencier, ni même de muter, un salarié parce qu'il est en couple avec un ou une collègue. Quant au règlement intérieur de l'entreprise, il ne peut interdire à des travailleurs de se fréquenter, sous peine d'être considéré comme abusif.
Par ailleurs, rappelle Me Marie-Océane Gelly, « le Code du travail n'aborde pas la notion de couple » et « il n'y a pas d'obligations particulières dans la loi ». Donc rien n'oblige non plus deux collaborateurs à informer leur supérieur ou les ressources humaines qu'ils ont une relation amoureuse, pas même s'il existe un éventuel lien de subordination entre eux.
Des sanctions possibles si la relation nuit à l'entreprise
Voici pour le cadre général, auquel il existe néanmoins des exceptions. Ainsi, un arrêt de la Cour de cassation daté du 16 septembre 2009 a fait valoir que si une relation amoureuse causait un « trouble objectif caractérisé à l'entreprise », par exemple en mettant en péril la bonne marche de l'entreprise ou le service rendu, ou qu'elle nuit au travail d'équipe, le ou les salariés concernés pourraient recevoir un avertissement ou un rappel à l'ordre, voire être licenciés en cas de manquement grave.
Cela peut être notamment le cas si la relation amoureuse occasionne du favoritisme et des conflits d'intérêts, notamment si un des salariés impliqués occupe un poste de direction ou au sein des ressources humaines, où sont traitées des données confidentielles. Or, c'est justement ces deux positions qu'occupent Andy Byron et la collaboratrice avec qui il entretenait une liaison.
Cela signifie-t-il qu'en France, un patron pris en flagrant délit d'adultère aurait connu le même sort que lui ? C'est probable, estime dans les colonnes du Parisien de ce lundi Sandra Gallissot, médiatrice assermentée auprès de la Cour d'appel et experte en ressources humaines, qui rappelle qu' « un PDG a un mandat social délivré par le conseil d'administration » et qu'il peut être révoqué à tout moment, et encore davantage si son comportement a « directement entaché la réputation de l'entreprise ». C'est d'ailleurs cette partition qu'a jouée la société Astronomer pour suspendre Andy Byron avant de le pousser à la démission.
Enfin, même si elles sont consenties, attention aux relations sexuelles sur le lieu de travail. Comme le rappellent Les Échos, elles peuvent valoir un licenciement pour faute grave. C'est ce qu'a en tout cas déclaré la Cour d'appel de Lyon dans son arrêt de novembre 2018: « Les relations sexuelles entretenues par deux salariés de l'entreprise, qui se sont déroulées sur le lieu de travail et ont eu pour témoin une salariée qui a été choquée constituent une violation grave des obligations contractuelles. De tels faits rendaient impossible la poursuite de la relation de travail, y compris durant la durée du préavis ».
Dans tous les cas, il appartient aux salariés engagés dans une relation d'évaluer leur situation personnelle et de déterminer ensemble s'ils souhaitent, ou non, en informer leur entreprise. De son côté, celle-ci est tenue de respecter les principes de non-discrimination et de respect de la vie privée de ses employés. En cas de problème, mieux vaut prendre conseil avec un avocat en droit du travail, qui pourra apporter des conseils adaptés à chacun.