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« Le tricot, c'est un peu comme le codage » : Amandine Fery restaure une vieille machine pour que le textile ait un futur à Romilly-sur-Seine
« Le tricot, c'est un peu comme le codage » : Amandine Fery restaure une vieille machine pour que le textile ait un futur à Romilly-sur-Seine

Le Parisien

time08-07-2025

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« Le tricot, c'est un peu comme le codage » : Amandine Fery restaure une vieille machine pour que le textile ait un futur à Romilly-sur-Seine

À 31 ans, la Troyenne Amandine Fery incarne une génération de créateurs qui conjuguent savoir-faire ancestral et modernité technologique. Artiste-designeuse, elle s'investit depuis plusieurs mois dans la restauration d'une vieille machine à tricoter du XIXe siècle à l'Espace vivant de la bonneterie de Romilly-sur-Seine. Un engagement personnel et professionnel qui s'inscrit dans une volonté plus large : celle de faire vivre et transmettre le riche patrimoine textile de l'Aube. Si son parcours a commencé loin des aiguilles, dans le monde de l'équitation, puis dans la communication, c'est ensuite que le textile s'est imposé comme une évidence. « J'ai grandi à Romilly-sur-Seine. Enfant, j'allais avec mes parents acheter des chaussettes dans les magasins d'usines ou chez Le Coq Sportif. Le textile a toujours fait partie du décor », raconte-la jeune femme. Sa révélation vient durant son master à l'ESIV-La Fabrique, où elle découvre le tricot mécanique et achète sa première machine à coudre. Fascinée par la précision de ces outils, elle développe une approche hybride, alliant nouvelles technologies et pratiques textiles traditionnelles. « Le tricot, c'est du codage à sa façon. On travaille sur des suites binaires, avec des cartes perforées, comme les premiers ordinateurs », s'amuse Amandine Fery. Cette passion devient également un engagement écologique. Amandine insiste : « Contrairement au tissu classique qu'on découpe et gaspille, le tricot permet de produire juste ce dont on a besoin. Je calcule précisément mes pièces. Il y a très peu de perte. » Depuis plus d'un an, Amandine restaure une machine suisse Dubied datant du XIXe siècle, au sein de l'Espace vivant de la bonneterie . « Ce sont des outils intemporels, construits en métal, sans électricité, qui fonctionnent simplement avec la force du bras humain. Ces machines sont indémodables, intemporelles et solides. Tout est remplaçable, tout est nettoyable. Si on a les pièces, il est possible de réparer, même si ça demande beaucoup de temps », explique cette passionnée du patrimoine bonnetier. Amandine Fery intervient en binôme avec Francis Boulard, ancien professionnel de l'industrie textile locale. Ensemble, ils démontent, nettoient et réparent la machine. « C'est un travail long, mais passionnant. Francis a une immense expérience sur les métiers circulaires, moi j'apporte une vision sur les machines rectilignes. On apprend mutuellement. Ce savoir-faire français, qui existe depuis des décennies, se perd au fur et à mesure du temps avec la délocalisation et n'est plus transmis. C'est une énorme source d'inspiration et d'apprentissage quand je vais à l'Espace vivant de la bonneterie car nous n'apprenons pas cela à l'école. » Quelle huile ou quel outil utiliser ? Comment bien retirer la rouille pour ne pas abîmer la machine ? Ce sont « ces choses basiques » que l'on apprend. « Mes premières erreurs, typiquement, j'ai nettoyé les aiguilles, j'ai oublié de les repasser dans l'huile juste après et elles se sont remises à rouiller », raconte Amandine. L'objectif serait de faire renaître un tricot élastique, technique emblématique de Romilly-sur-Seine. Surnommée « Romilly les chaussettes », la commune en fut la véritable capitale, berceau également de l'emblématique marque Le Coq sportif. L'un des moteurs essentiels de son engagement est la transmission des savoirs. « C'est triste de se dire que les machines peuvent survivre, mais pas forcément les personnes qui les ont fait fonctionner. Ce savoir-là, il faut le préserver », constate la jeune femme. Elle donne des cours de tricot au Textilab de Lyon, un espace collaboratif ouvert aux pratiques technologiques et artisanales. Elle promeut également une philosophie de l'open source. « Lors de ma formation à la Fabricademy, on nous disait que si ce n'est pas documenté, ça n'existe pas . Cette phrase m'a marquée. » Avec le projet de documenter en vidéo la restauration de la Dubied, elle espère à son tour contribuer à la mémoire collective de cette industrie locale. « Ce qu'on apprend sur cette machine, je veux le transmettre. Pour que d'autres, ici ou ailleurs, puissent réparer, comprendre, et pourquoi pas créer à leur tour. » Artiste indépendante, Amandine Fery mêle tricot, graphisme, biomatériaux et design. Elle explore les possibilités de combiner les fibres textiles à des matières vivantes comme le mycélium, la base racinaire des champignons, ou transpose ses propres dessins à la main sur machine à tricoter via des logiciels libres. « J'ai hacké ma machine avec un Arduino, un programme open source qui permet en fait de transposer les motifs qu'on crée sur l'ordinateur au tricot. C'est une forme de poésie numérique. » À travers toutes ces pratiques, elle défend une vision engagée : croiser les disciplines, honorer les savoir-faire d'antan et en assurer la transmission, non seulement dans l'Aube, mais aussi à l'échelle globale. « Il faut que ça continue à vivre. » L'avenir de la Dubied restaurée dépend aussi du devenir de l'Espace vivant de la bonneterie, aujourd'hui animé par des bénévoles retraités. Une fragilité qu'Amandine observe avec lucidité : « Ce sont eux qui font vivre le lieu. Si on ne reprend pas le flambeau, tout peut s'arrêter. Le textile, dans l'Aube, ce n'est pas qu'un passé. C'est aussi un futur à inventer. » Son vœu ? Que cette machine reparte, que les jeunes générations s'y intéressent, que l'histoire textile de la région se poursuivre. À son échelle, elle y œuvre déjà, fil après fil.

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