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18 hours ago
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Michel Perrissol, dernier d'une grande lignée de pêcheurs sur le Léman
La famille Perrissol vogue sur le Léman depuis plusieurs générations. Michel, son dernier représentant, a débuté au large de Mies avant de s'établir au bout du lac. Publié aujourd'hui à 11h00 Le pêcheur Michel Perrissol devant son antre à la Maison de la pêche, aux Eaux-Vives, le 17 juin 2025. LAURENT GUIRAUD En bref: En cette matinée ensoleillée de juin, rendez-vous avait été donné à 11 heures à la Maison de la pêche, aux Eaux-Vives. Mais à 8 h 59, message de Michel Perrissol: «Bonjour, j'ai déjà terminé la journée. Si vous pouvez venir plus tôt? Pas de poisson.» Depuis le début de l'année, les journées se suivent et se ressemblent terriblement . Elles se concluent sur une prise bien en deçà des attentes. À notre arrivée, Michel Perrissol dresse le bilan des deux premiers jours de la semaine en cours: à peine 1 kg de perches. «À 58 francs, le kilo, je ne vais pas aller loin», souffle l'homme de 68 ans, dernier représentant d'une grande famille de pêcheurs. Une histoire de famille Cela fait bien longtemps que le nom Perrissol résonne sur le Léman . Autour de lui, Michel dénombre six proches à avoir exercé ce même métier fait d'éreintantes journées commencées à l'aurore: son père, deux oncles, une tante et un cousin. «Mais aujourd'hui, il n'y a plus que moi», confie-t-il, lunettes remontées sur une tignasse poivre et sel, la polaire zippée jusqu'en haut sous un tablier de travail. Qu'on ne lui demande pas son premier souvenir sur le lac, comment voulez-vous qu'il se rappelle «d'un truc pareil»? «On m'a mis sur un bateau, je ne savais même pas marcher», se marre-t-il. «J'étais plutôt bon à l'école, premier en maths, et mes profs me voyaient à l'uni. Mais mon père a dit non, tu viens avec moi. Devenir pêcheur, c'était une évidence. Toute ma famille était là-dedans.» Les longues études, ce sont ses trois enfants qui les entreprendront. Ainsi va la vie. Avec son père, Michel débute au large de Mies, dans le canton de Vaud. «À l'époque, il n'y avait pas d'eaux territoriales cantonales et on pouvait aller où on voulait», remet-il. On aperçoit alors habituellement son bateau – nommé Jéjé Squale , d'après le nom de son fils Jérôme – au large de Founex, Coppet ou Tannay. Si proche de la frontière genevoise. Qu'il finira par franchir. Michel Perrissol et son fils Jérôme sur le lac au large de Mies, dans le canton de Vaud, en août 2005. LAURENT GUIRAUD Il y a une vingtaine d'années, Michel Perrissol s'établit au bout du lac. «Un de mes oncles était malade et il m'a demandé de le remplacer», explique-t-il. Il prend d'abord ses quartiers dans un des cabanons face au Jet d'eau, avant de déménager il y a quelques années à la Maison de la pêche, à la suite de l'aménagement de la plage des Eaux-Vives. Tartare de poissons du lac Pour ses prises, Michel Perrissol a toujours eu des clients historiques, une poignée de restaurants, comme Le Bœuf Rouge aux Pâquis ou le National, à Versoix, commune où il a longtemps vécu. Adresse populaire s'il en est, le National a régulièrement proposé dans son menu un tartare de poissons du lac, exquis et raffiné, fraîchement issus de ses filets. Le brochet ou la féra, le pêcheur, cuisinier à ses heures, aime les fumer à froid, après dix jours au congélateur. Il peut alors les servir «en tartare ou en carpaccio». «J'ajoute un filet d'huile d'olive, un léger assaisonnement selon les goûts, mais pas de sauce. Le produit est tellement bon», insiste-t-il, l'œil soudain gourmand. Multiples petits boulots En plus de cinq décennies à travailler sur le lac, Michel Perrissol aura connu des belles années, mais forcément aussi des galères. Comme entre 1977 et 1983, lorsqu'il n'y avait «plus un poisson», sans doute en raison de la surpêche. «On travaillait tous dehors», dit-il. C'est la face cachée du métier. Il arrive souvent que les pêcheurs soient contraints à multiplier les petits boulots en parallèle. Michel Perrissol décompte six ans comme peintre, trois à trimer sur le tarmac de l'aéroport, ou encore une autre année comme ébéniste. Dans le local de Michel Perrissol à la Maison de la pêche, aux Eaux-Vives, à Genève. LAURENT GUIRAUD Cela étant, un début d'année comme celui-ci, il n'avait encore jamais expérimenté. «Idéalement, il faudrait réussir à amasser entre 60 et 80 kg de perches entières par jour pour tourner, mais là, c'est à peine si on arrive à 20 kg», rapporte Michel Perrissol, qui voit ses «cinquante-deux ans d'économies» partir en fumée. Le poisson roi du Léman n'est d'ailleurs pas le seul à se faire rare. La féra? Disparue également. Les brochets et les ombles chevaliers ne se font guère voir davantage. En revanche, les silures , «on pensait qu'il y en avait des centaines, mais ils sont des milliers», rapporte Michel Perrissol, en montrant un spécimen attrapé ce matin. Mensurations: 2,7 m pour 60 kilogrammes. «On est prêts à pêcher tout ce qu'on trouve pour s'en sortir», affirme François Liani, qui occupe la pêcherie voisine à la Maison des Eaux-Vives. Mais encore faut-il que le client soit demandeur, ce qui n'est pas gagné. Combat politique Le silure, lui, raffolerait des perches et cela constituerait une des explications de leur mystérieuse évaporation. Mais pas la seule. Les pêcheurs évoquent également la présence des cormorans, désormais présents toute l'année en raison des températures clémentes, la prolifération des moules quagga, qui filtrent l'eau des aliments recherchés par les poissons, ou encore les aléas d'une météo toujours plus imprévisible. Mais surtout, de manière générale, le lac est trop chaud et il n'est plus à même de brasser ses eaux . «On est bien embêtés avec le réchauffement climatique», résume Michel Perrissol. Que faire? Les pêcheurs ont écrit aux autorités afin de demander de l'aide. Un courrier a été adressé au Département du territoire dans l'espoir d'une exemption de loyer. Mais les services d'Antonio Hodgers n'évoquent en retour qu'«un arrangement de paiements» . Le Département de l'économie de Delphine Bachmann a également été sollicité. Une aide en faveur de la douzaine de professionnels genevois est envisagée. «Si le métier n'est pas aidé momentanément, on ne s'en sortira pas», redoute Michel Perrissol. Qui en a vu d'autres, pourtant. NOTRE SÉRIE SUR LES PÊCHEURS Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Théo Allegrezza est journaliste à la Tribune de Genève. Il couvre en particulier la politique, ainsi que les questions d'aménagement, d'urbanisme et de logement. Diplômé de l'Université de Genève et de Sciences Po Paris. Plus d'infos @theoallegrezza Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


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4 days ago
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Ce surdoué de la pêche a des recettes plein ses filets
Installé aux Eaux-Vives, ce mordu de l'hameçon a la réputation d'être un gros bosseur et un as des fourneaux. Publié aujourd'hui à 11h00 Rencontre avec Alexandre Muni, jeune professionnel travaillant son poisson à la Maison de la pêche. LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA En bref: Le jour se lève sur la rade de Genève. Il est 4 h 45 et Alexandre Muni saute dans son bateau et plonge dans le rose du ciel pour rejoindre ses filets tendus au large: «C'est la première fois que l'aube a cette couleur aussi marquée cette année», sourit, ému, ce pêcheur de 25 ans. Escorté par des goélands renfrognés et des cormorans aux aguets, Alexandre n'est jamais vraiment seul au travail. À son retour au port à 10 h 30, à la Maison de la pêche des Eaux-Vives, le jeune habitant de Chambésy ramène 4 kilos de perches aux teintes exotiques et un silure argenté. Il nous montre la bête à la bouche ouverte et gluante: «Celui-ci est petit. Hier, j'en ai ramené un qui mesurait 2 mètres.» Une silhouette dans les algues Fasciné par ce moustachu du lac, faussement placide et vraiment vorace, le pêcheur nous mène à la «tanière» à silures la plus proche. Bingo: dans l'eau verdâtre, une silhouette grise surgit d'une forêt d'algues. «Regardez ce gros mâle, il rôde pour protéger le nid. Forcément, on est en période de reproduction.» Le silure du jour, trois ou quatre fois plus petit que celui de la veille. LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA C'est plus fort que lui. Quand Alexandre voit frétiller une bestiole dans l'eau, il l'imagine immédiatement dans son assiette. «J'ai un rapport démesuré à la bouffe, j'adore cuisiner.» Le voilà en train de nous expliquer comment dégraisser le silure, trancher un morceau de filet blanc ivoire, le fariner et le saisir dans une huile de colza très chaude: «Une fois qu'il est rôti de chaque côté, je sors de mon congélo une fine plaque de beurre ramolli avec de la livèche et de la panure. Je pose cet appareil sur la chair nacrée et dix minutes de four plus tard, je déguste le plat agrémenté d'une sauce composée de jus de veau, de fond de poisson et de vermouth Noilly-Prat.» De la Sicile à l'usine à Genève À l'issue du récit de sa recette, ses yeux scintillent comme des écailles. Ses origines italiennes, par son père sicilien, expliquent en partie ce goût des fourneaux. «C'est mon grand-père qui est venu en Suisse au milieu des années 50. Il a bossé comme maçon puis comme taxi. Il a pris sa retraite il y a quelques années. À 80 ans. Ma grand-mère, elle, a travaillé comme ouvrière à l'usine.» Issu d'un milieu modeste, le couple a ses racines à Centuripe: «Une ville historique», précise le petit-fils de ces immigrés, comme pour les habiller d'un passé plus glorieux. Du côté de sa mère, on est plutôt vaudois. Un grand-père de Lavaux, une grand-mère du Gros-de-Vaud. Un couple qui s'établira à Chambésy, où vit encore aujourd'hui son petit-fils devenu pêcheur. «J'avais 4-5 ans quand mon père, ingénieur électricien et fan de voile, m'a emmené pêcher sur le Léman avec mon frère. Je revois les premières perches sautiller dans notre petit bateau. Avant l'âge de 10 ans, j'ai dit à mes parents que j'allais faire ce métier.» L'intuition précoce de la vocation en somme. La pêche miraculeuse À l'âge de 8 ans, il se rend en vacances avec sa famille sur l'île de Favignana, dans le sud de l'Italie. «On appâtait avec une sorte de pâte faite de farine, de fromage et d'œuf.» Au pied des rochers, la pêche miraculeuse: des poissons multicolores, d'autres noirs et allongés mordaient à l'hameçon: «On les a mangés en soupe et en friture. Inoubliable.» Les parents d'Alexandre n'ont jamais tenté de le dissuader de faire un travail manuel, parfois ingrat et éprouvant dès potron-minet: «Mais ils m'ont dit d'apprendre d'abord un autre métier.» Ce sera l'horticulture à l'école de Lullier: «J'ai beaucoup apprécié ce boulot. Mais, comme paysagiste, je regardais souvent ma montre en espérant la venue de la fin de la journée. Aujourd'hui je fais pareil, mais c'est pour être sûr d'avoir assez de temps pour finir ce que je suis en train de faire. J'aime passionnément ma profession.» Difficile d'en douter. À la Maison de la pêche , Alexandre Muni fait office de surdoué de l'hameçon, même si, par modestie, il s'en défend. Trois amateurs lèvent les filets de leurs perches du jour et assurent en chœur: «Muni, c'est un sacré bosseur.» Depuis cinq ans, le jeune homme se lève aux aurores et se fait des journées qui peuvent aller jusqu'à seize ou dix-sept heures de travail: «Installer, lever et réparer les filets. Enlever les poissons , les préparer notamment en terrine, en rillettes et en version fumée. Je fais tout, tout seul et c'est pour cela que je m'en sors.» Des piranhas aux truites géantes Au chapitre des prises exceptionnelles, ce pêcheur tout terrain en a plein ses filets. Il les cite en vrac: des piranhas au Brésil, une daurade coryphène de 6 kilos à Tenerife, des brochets au Canada. «J'adore la pêche en rivière dans la vallée d'Aoste pour ses truites. Mais aussi dans la Versoix ou le Borne, en Haute-Savoie.» À propos de ce salmonidé «mythique, très malin et dur à piéger», le Genevois n'est pas peu fier de celui capturé en 2021 en face de Genthod: 10 kilos et demi de bonheur. «Bon poids. J'en ai fait du gravelax, du tartare, des filets fumés et d'autres poêlés et déglacés. Au champagne, forcément.» À 25 ans, ce rythme de vie lui convient; mais plus tard? «On verra bien. Je prépare un projet de repas que je pourrais proposer ici au public, mais aussi une idée de conserverie de poissons du lac. Ceux que les gens ne connaissent pas.» Et de citer la liste des mal-aimés de la clientèle accro aux filets de perches au beurre: «Découvrez la brême, la tanche, le gardon, le rotengle.» Sans oublier son espèce chérie, qui a l'avantage d'être dépourvue d'arêtes: le silure. «J'en vends beaucoup au restaurant du Creux de Genthod et sur sa carte, ça commence à marcher. Vous savez, pour répondre à votre question, une conserverie me permettrait d'adopter des horaires compatibles avec une vie de famille.» Mais pour l'heure, c'est de la musique d'avenir. Coups de couteau Il est passé midi. Le soleil cogne sur la surface du Petit-Lac. Le temps presse. Les prises du jour, stockées dans une grosse glacière de pique-nique, doivent être préparées pour les clients. Couteau effilé en main, Alexandre se met au travail. Les filets se multiplient. Dans sa tête, il égrène des dizaines de recettes possibles: «Je vous l'ai bien dit, la bouffe, c'est obsessionnel.» Du bateau au vélo, Alexandre Muni est à l'aise partout. LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA Autour de la pêche Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Fedele Mendicino est journaliste à la rubrique genevoise depuis 2002. Il couvre en particulier les faits divers et l'actualité judiciaire. Plus d'infos @MendicinoF Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.