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La Presse
01-08-2025
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Tougher la run avec Foglia
Mon dernier échange courriel avec Pierre Foglia a été le 5 octobre 2014. Il s'informait de la faisabilité d'une visite en Afrique de l'Ouest, épicentre de la plus grosse épidémie d'Ebola de l'histoire. Quelques jours auparavant, il avait écrit une chronique sur l'épidémie où il avait cerné avec justesse le cœur du problème : le manque cruel de personnel médical. Dre Joanne Liu Ancienne présidente internationale de Médecins sans frontières, pédiatre au CHU Sainte-Justine, professeure à l'Université McGill Sans fla-fla, il commençait sa missive électronique avec : « Comme je l'ai dit à votre fiancé, je voulais vous poser deux questions, la première : serait-il utile que j'aille en reportage en Guinée ou en Sierra Leone ou au Liberia ? Et la seconde, si la réponse à la première est oui, pourrais-je le faire sous la houlette (sous la conduite) de MSF ? J'entends que MSF me faciliterait l'entrée dans le pays, j'entends l'accès aux cliniques, aux malades, au personnel, bref, pourrais-je pour quelques jours être traité comme un bénévole de MSF ? » Il a ajouté que c'était un courriel « exploratoire », en invoquant ses 74 ans. Cette « exploration » servirait probablement à un collègue plus jeune, pensait-il. Il terminait en s'excusant de me déranger et en mentionnant que je devais avoir mille choses plus importantes à faire. Effectivement, j'avais de la broue dans le toupet à l'automne 2014. Une épidémie d'Ebola aux proportions bibliques frappait la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia. Les équipes médicales étaient à bout de souffle. Quelques collègues avaient même déjà été infectés par ce virus mortel. Une résolution avait été votée à l'unanimité au Conseil de sécurité des Nations unies avec plus de 120 pays en soutien pour un déploiement international costaud. En attendant le déploiement, les centres de Médecins sans frontières, ainsi que ceux des gouvernements, ne suffisaient pas à la demande, n'offrant souvent que des soins palliatifs. Les morgues débordaient. PHOTO DANIEL BEREHULAK, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES Une femme pleure la mort d'un proche ayant succombé à l'Ebola, à Monrovia, au Liberia, en septembre 2014. J'ai subito presto demandé ce qui était possible, mettant en avant qu'il était « big » chez nous. On m'a dit gentiment qu'il y avait beaucoup de pression des médias. Le grand centre d'Ebola Elwa 3 à Monrovia, capitale du Liberia, subissait quatre visites médiatiques par jour. Celui de Foya, dans le nord du même pays, était moins visité, mais se trouvait à neuf heures de route de la capitale avec plusieurs points de contrôle. Il n'y en aurait pas de facile, même pour Foglia. Je lui en ai fait part. Je voulais lui assurer un minimum d'accueil par les équipes dans ce brouhaha général entre l'hystérie, la peur et la mort. Quelques heures plus tard, il s'excusait par courriel de m'avoir dérangée, car « tout bien pesé », entre son âge, l'encombrement médiatique, la nécessité d'une accréditation, ajouté à sa peur, il n'irait pas en Afrique de l'Ouest. J'aurais pourtant remué ciel et terre pour lui. Car Foglia m'a accompagnée en mots dans toutes mes missions sur le terrain. Notamment, lors de ma première mission en zone de guerre au Sri Lanka, pendant un conflit entre les Cinghalais et les Tamouls. C'était l'époque où nous n'avions pas d'internet et où les seules nouvelles de nos proches arrivaient par la poste ou par un collègue qui avait passé au siège et ramassé les lettres et colis perso. Lorsqu'un nouveau arrivait sur place, on le saluait rapidement et on posait la question fatale : as-tu du courrier ? Si tu étais la chanceuse, tu t'éclipsais dans ta chambre, à lire ces missives précieuses. Au Sri Lanka, j'ai travaillé à Batticaloa, à quelques kilomètres de la ligne de front. La poste était livrée par un facteur à vélo. Lorsqu'il avait du courrier pour nous, il sonnait sa clochette. On se garrochait pour savoir à qui la chance. En six mois de mission, j'ai reçu deux lettres et un colis. Quelques jours avant mon anniversaire, j'ai reçu une enveloppe, bien bombée. C'était mon amie Mimi qui m'écrivait et qui avait pris grand soin de me faire des photocopies des différentes chroniques de Foglia. Je me rappelle les avoir dégustées tranquillement. Je m'étais limitée à une chronique par semaine, le vendredi. Cela me permettait d'avoir un petit moment de douceur québécoise, décalé. Un moment à espérer à travers ces journées ponctuées de blessés, d'hélicoptère en repérage et de coups de feu. C'était presque devenu un rite de survie dans le chaos de la guerre. Pour moi, c'était ça, Foglia, une pause sur l'ordinaire en apparence, surdimensionné par sa plume, criante de vérité. Comme bien des Québécois, je commençais ma Presse en feuilletant le cahier A, pour trouver sa chronique. Quand elle apparaissait, ça commençait bien ma journée. Et en mission, ça permettait de tougher les runs plus dures. Merci, monsieur Foglia. Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


La Presse
20-07-2025
- Science
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Quatre suggestions d'œuvre sur l'avenir
Les beaux jours se prêtent à merveille à la détente, mais pas besoin de mettre son cerveau en vacances pour autant. Voici quatre suggestions de nos chroniqueurs pour se divertir et réfléchir sous le soleil, un thème à la fois. Cette semaine, l'avenir. L'Ebola, les bombes et les migrants « Depuis toujours, les hommes et les femmes se déplacent pour survivre. Ce qui est nouveau et déplorable, c'est qu'au fil des ans, les personnes déracinées sont passées du statut de héros à celui de fardeaux, de rescapés à menaces », écrit la Dre Joanne Liu dans ce puissant plaidoyer pour la solidarité. Comment passer d'un état d'esprit « sécuritaire » à un état d'esprit solidaire ? demande l'ex-présidente de Médecins sans frontières. Peut-être en cessant d'opposer sécurité et solidarité, propose-t-elle. Et en reconnaissant que, face à la crise climatique et aux autres menaces guettant l'humanité, on ne peut que se serrer les coudes. Rima Elkouri, La Presse L'Ebola, les bombes et les migrants, Joanne Liu, Libre Expression, 2024, 192 pages L'heure des prédateurs IMAGE TIRÉE DU SITE DES LIBRAIRES L'heure des prédateurs, de Giuliano Da Empoli La chemin inquiétant que prend le monde a incité Giuliano da Empoli, l'auteur du roman Le mage du Kremlin, à poursuivre sa réflexion développée dans l'essai Les ingénieurs du chaos, qui n'a jamais été autant d'actualité. Ayant fréquenté les lieux de pouvoir comme conseiller politique, Da Empoli tente de saisir l'esprit de cette époque folle où les autocrates et les seigneurs de la tech façonnent un avenir pour lequel nous ne sommes absolument pas préparés, mais qui est déjà dans nos vies. Loin d'être une lecture seulement politique, L'heure des prédateurs brille par son érudition, en s'appuyant à la fois sur l'histoire et la littérature, qui nous rappellent que l'humanité est déjà passée par ces périodes de chaos dont les prédateurs savent toujours profiter. Chantal Guy, La Presse L'heure des prédateurs, Giuliano Da Empoli, Gallimard, 2025, 151 pages Mountainhead Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos Video Player is loading. 1:20 Lecture Skip Backward Skip Forward Désactiver le son Current Time 0:00 / Duration 0:00 Loaded : 0% 0:00 Stream Type LIVE Seek to live, currently behind live LIVE Remaining Time - 0:00 Picture-in-Picture Plein écran This is a modal window. Beginning of dialog window. Escape will cancel and close the window. Text Color White Black Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Opaque Semi-Transparent Text Background Color Black White Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Opaque Semi-Transparent Transparent Caption Area Background Color Black White Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Transparent Semi-Transparent Opaque Font Size 50% 75% 100% 125% 150% 175% 200% 300% 400% Text Edge Style None Raised Depressed Uniform Drop shadow Font Family Proportional Sans-Serif Monospace Sans-Serif Proportional Serif Monospace Serif Casual Script Small Caps Reset Done Close Modal Dialog End of dialog window. Caricatural. C'est ce que j'ai d'abord pensé de ce film du réalisateur de l'excellente série Succession, Jesse Armstrong. Mountainhead suit quatre bonzes de la techno isolés dans un luxueux chalet en montagne et qui regardent le monde sombrer dans le chaos à cause des outils d'intelligence artificielle qu'ils ont inventés. Subtil ? Aucunement. Mais en y réfléchissant, les personnages sont-ils vraiment plus grotesques que les Elon Musk, Mark Zuckerberg et autres Peter Thiel sur qui ils sont calqués ? Le film atteint son but au moment précis où se on dit : c'est trop, ça n'a pas d'allure. Et où on réalise que l'avenir vers lequel on fonce n'a peut-être pas beaucoup plus d'allure. Philippe Mercure, La Presse Pour une autohistoire autochtone de l'Amérique IMAGE TIRÉE DU SITE DES LIBRAIRES Pour une autohistoire autochtone de l'Amérique, de Georges E. Sioui Pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient. Difficile de ne pas penser à cette phrase en lisant ce livre-phare écrit par l'historien wendat Georges E. Sioui, réédité à plusieurs reprises, changeant de nom en cours de route. On n'y explore pas seulement l'histoire autochtone – trop longtemps gardée à l'écart – qui a façonné le pays, mais aussi une autre vision du monde. Non plus linéaire, mais circulaire, basée sur les interdépendances. Dans cette ère de dirigeants prédateurs, on y apprend aussi que les leaders chez les Autochtones ont longtemps été choisis pour leur propension à donner aux autres plutôt que pour leur capacité à accumuler le pouvoir. Un passé inspirant pour éclairer le chemin de l'avenir. Laura-Julie Perreault, La Presse Pour une autohistoire autochtone de l'Amérique, nouvelle édition augmentée. De Georges E. Sioui, Presses de l'Université Laval, 2023, 176 pages