12-07-2025
«J'y ai laissé une partie de moi-même» : pourquoi avons-nous parfois cette sensation en revenant d'un voyage ?
PSYCHO - Certains retours sont plus difficiles que d'autres. Quitter une ville ou un pays qu'on a aimé peut laisser une sensation de ne pas revenir tout à fait entier. Qu'est-ce qui provoque cela ?
«On laisse un peu de soi-même en toute heure et dans tout lieu», s'épanchait l'écrivain Edmond Haraucourt dans son roman Seul, publié en 1890. C'est parfois ce que l'on éprouve en revenant d'un endroit qui nous a profondément marqués, au point de s'y sentir comme chez soi, comme si notre identité s'y trouvait désormais partagée.
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C'est ce qu'ont confié certains voyageurs au Figaro. Plages de sable fin, sentiers de randonnée, effervescence citadine... En revenant, ces Français n'ont pas seulement quitté des paysages, mais aussi un aspect de leur personnalité. D'où vient ce sentiment si particulier ?
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« J'y ai laissé une partie de mon adolescence »
Perrine n'avait que 16 ans lorsqu'elle s'envola pour quelques mois à Tahiti. Là-bas, elle y découvre le surf, les couchers de soleil interminables et organise des escapades jusqu'en Nouvelle-Zélande. «Je me sentais comme sur un nuage», s'émerveille encore la chargée de communication de 22 ans.
Pourtant, sur la plus grande île de la Polynésie française, elle y apprend aussi le divorce de ses parents, ainsi que le décès de sa grand-mère. «J'ai vécu là-bas des moments très forts que je n'ai pas réussi à ramener avec moi. J'ai eu l'impression d'y laisser une partie de mon adolescence», analyse-t-elle aujourd'hui.
Une sensation de « bien-être »
Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes partagent aussi leurs retours de vacances teintés de mélancolie, évoquant une sensation de vide, comme si une de leurs facettes était restée sur place. D'après la psychologue Gwenaël Thing-Leoh, spécialisée dans le voyage, plusieurs éléments entraînent cette impression. «Notre personnalité s'adapte à un autre mode de vie, et au retour, nous pouvons avoir l'impression de perdre la personne qu'on était devenue à l'étranger », étaye-t-elle.
À cela peut aussi s'ajouter un sentiment de « bien-être » porté par un coup de cœur profond pour une région, rendant le retour plus brutal. «Au moment de quitter cette atmosphère, on peut avoir cette sensation de scinder une parcelle de son identité», éclaire la psychologue. Cette phrase résonne pour Céline. À 37 ans, elle garde intact le souvenir de son séjour passé au Costa Rica à 15 ans. «C'était mon premier grand voyage, chaque jour était un choc culturel», raconte-t-elle.
Ce qui l'a le plus marquée ? Lorsqu'elle parlait espagnol – langue apprise sur place au fil des rencontres – sa voix changeait de ton, ainsi que son caractère. Elle l'admet : «Je me sentais moins introvertie dans cette langue. En rentrant en France, j'ai eu le sentiment d'avoir perdu une part de moi». Si elle disait facilement « je t'aime » en espagnol à ses amis des Caraïbes, elle ressentait trop de pudeur pour le formuler en français à ses proches.
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Transmission intergénérationnelle ?
Gwenaël Thing-Leoh y voit également l'empreinte d'une mémoire transgénérationnelle. «On peut se sentir bien dans un lieu car, inconsciemment, on le connaît déjà. Par exemple, un patient avait éprouvé une profonde connexion en visitant Taïwan, avant d'apprendre, des années plus tard, que ses arrière-grands-parents y avaient résidé», examine la spécialiste.
La jetée de Brighton, station balnéaire au sud de Londres, qui a bouleversé Marie-Alexia, serveuse à Paris.
Andrei Nekrassov / Andrei Nekrassov -
C'est peut-être aussi ce qui justifie l'émotion de Marie-Alexia lors de son séjour à Brighton en juin. Qu'est-ce qui l'a inspirée à partir dans cette ville côtière du sud-est de l'Angleterre ? «Je n'arrive pas à l'expliquer, mais j'ai toujours voulu aller là-bas. Lorsque je suis arrivée en train, j'ai eu envie de pleurer», raconte la serveuse parisienne de 26 ans.
Sur place, elle explore le pavillon royal, sillonne sa célèbre jetée donnant sur la Manche et teste tous les coffee-shops de la ville. «Même si je n'ai rien fait d'extraordinaire, je me suis sentie pleinement moi-même. Je n'avais jamais connu ça ailleurs, et au moment du départ, j'ai eu l'impression de laisser un fragment de moi là-bas, sans savoir lequel, ni pourquoi», confie-t-elle. D'autant plus que si elle ignore où sa grand-mère a vécu, elle sait que celle-ci est originaire du Royaume-Uni. Un héritage invisible ? «Il n'y a pas de théorie officielle sur le sujet», nuance Gwenaël Thing-Leoh. Mais s'attacher à un lieu au point de s'en sentir déchiré en repartant n'est pas anodin. Ne reste plus qu'à s'expatrier...
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