22-07-2025
La CEDH condamne la Turquie pour des centaines de procès inéquitables
La
Cour européenne des droits de l'Homme
(CEDH) a condamné ce mardi la Turquie pour l'emprisonnement de 239 opposants qu'elle soupçonnait de liens avec la tentative de coup d'État de 2016 du fait de leur seule utilisation de l'application cryptée « ByLock ».
La CEDH a condamné Ankara pour son « approche catégorique » adoptée contre des utilisateurs de « ByLock », regrettant que toute personne « ayant utilisé l'application puisse être, en principe, reconnue coupable sur ce seul fondement de l'infraction d'appartenance à une organisation terroriste armée ».
Les juridictions turques considéraient que, sous les dehors d'une application grand public, elle avait été « conçue pour l'usage exclusif des membres de la FETÖ/PDY », détaille la Cour.
Les 239 requérants ont été soupçonnés d'appartenir à l'« organisation terroriste Fetullahiste/structure d'État parallèle » (FETÖ/PDY), fondée par le prédicateur
Fethullah Gülen
, vivant en exil aux États-Unis jusqu'à sa mort en octobre 2024. Ils n'ont pas eu droit à un procès équitable, estime la Cour.
Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, un groupe de personnes appartenant aux forces armées turques, qui se faisaient appeler « le Conseil de la paix dans le pays », avait lancé une
tentative de coup d'État militaire
, qui avait fait 250 morts sans parvenir à faire tomber le président
Recep Tayyip Erdogan
. Gülen avait nié avoir voulu renverser son ancien allié, et le mouvement Hizmet, lié à sa confrérie religieuse, avait même condamné la tentative.
Dès le lendemain, et pendant des semaines,
des centaines de personnes avaient été arrêtées
, soupçonnées de liens avec la FETÖ/PDY et les réseaux gülenistes.
Des journalistes, qui étaient sur ByLock pour s'informer des mouvements partisans de Gülen, avaient aussi fait les frais de ces purges. Des centaines de personnes avaient été jugées pour
appartenance à une organisation terroriste
armée, et condamnées à de lourdes peines de prison.
En septembre 2023, la Grande chambre de la CEDH, sa formation la plus solennelle, avait jugé qu'un enseignant turc
condamné en 2017
pour des infractions liées au terrorisme avait vu ses droits violés parce que l'affaire contre lui reposait principalement sur son utilisation de ByLock.
La Cour avait mis en garde sur le fait que sa décision pour Yuksel Yalcinkaya était susceptible de s'appliquer à plus de 8 500 Turcs emprisonnés à la suite
des purges d'ampleur
qui avaient suivi le putsch manqué.
Depuis l'arrêt de la Grande chambre de 2023, « la Cour a déjà communiqué au gouvernement turc quelque 5 000 requêtes similaires, dont celles qui constituent la présente affaire, et des milliers de requêtes continuent d'affluer et d'être inscrites au rôle de la Cour », indique encore l'instance basée à Strasbourg.
Plus de 25 000 personnes accusées d'appartenance à la nébuleuse guléniste ont été arrêtées depuis le coup d'État manqué de 2016, selon le parquet d'Istanbul. Parmi elles, près de 9 000 ont été placées en détention.