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«Des bâtons dans les roues», du «mieux être» : chez les vignerons, la loi Duplomb entraîne des divisions
La loi Duplomb, adoptée ce 8 juillet, divise le monde agricole. Si certains vignerons y voient une chance de «mieux-être» grâce à des règles harmonisées avec l'Europe, d'autres craignent qu'elle favorise les grandes exploitations au détriment des petites.
La voici enfin adoptée, cette loi. Celle qui se veut une réponse aux cris d'alarme des campagnes, aux colères des agriculteurs, à l'urgence du climat. La loi Duplomb promet de «lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur». Et pourtant, à mesure qu'on la lit, on découvre derrière cette promesse que se cache une série de mesures qui bouleversent discrètement les équilibres du monde agricole, y compris viticole.
C'est ce 8 juillet 2025 que l'Assemblée nationale a définitivement adopté, par 316 voix pour, 223 contre et 25 abstentions, la proposition de loi Duplomb, portée par les sénateurs Laurent Duplomb (Les Républicains) et Franck Menonville (Union centriste). Un texte considéré comme «méprisant» par l'ensemble des écologistes, qui facilite l'utilisation de pesticides dangereux, la construction de mégabassines et l'élevage industriel.
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«Jouer à égalité avec nos voisins»
Il y a pourtant, dans cette loi, quelque chose qui rassure. «Harmoniser avec l'Europe», répètent plusieurs fois différents vignerons. Harmoniser avec l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne sonne comme un soulagement pour eux. Dans ces pays, certains produits sont autorisés quand ils ne le sont pas en France, et en ce sens, la viticulture française se sent désavantagée. «Ce que nous cherchons avec la loi Duplomb, c'est une uniformisation des règles pour ne pas être pénalisés face à nos voisins européens», explique Jean-Marie Fabre, vigneron et président du syndicat des vignerons indépendants. «Nos voisins avaient des autorisations que l'on n'avait pas. Là, au moins, on joue à égalité», abonde Valérie Guérin, qui cultive ses vignes dans le Sud au domaine Les Mille Vignes.
Certaines voix sont malgré tout dissonantes. Mikael Hyvert, vigneron en Auvergne et proche de la Confédération paysanne, redoute surtout que «ces réautorisations encouragent les fermes-usines». Pour lui, «on veut une paysannerie à échelle humaine, pas trois énormes exploitations par département». Il soupire : «On se met des normes pour protéger, puis on les retire. C'est dommage».
«Pas tous logés à la même enseigne»
À la lecture des témoignages de vignerons, la loi ne semble pas bénéficier à tout le monde de la même manière. «Il y a plusieurs sujets dans la proposition de loi Duplomb. Certains sont transversaux, d'autres très sectoriels. Les insecticides, c'est très sectoriel», souligne Jean-Marie Fabre. Valérie Guérin le confirme en précisant que «le sud, ce n'est un petit laboratoire à maladies. Ce n'est pas comme en Bourgogne ou à Bordeaux. Moi, je suis à cinq traitements par an, pas dix».
Et puis il y a le sujet brûlant de l'eau. Jean-Marie Fabre raconte ses deux dernières années «plus sèches qu'un désert», avec 20 % de récolte en moins, des vignes au bord de la sécheresse. Alors quand il entend parler de mégabassines, ces vastes réserves qui captent l'eau pendant les périodes humides pour la restituer plus tard, il ne bondit pas au plafond. Il soupire presque. Parce que l'eau, pour lui, «c'est un enjeu central de la pérennité de son domaine». Valérie Guérin, dans sa petite propriété, est sur la même ligne en affirmant que «dans le Sud, il n'y a plus d'eau. S'il n'y a pas d'eau, qu'est-ce qu'on fait ? L'agriculture meurt. Donc oui, les mégabassines, si c'est pour redistribuer intelligemment, ce n'est pas une mauvaise solution». Alors, elle ne rejette pas en bloc la loi Duplomb, qu'elle juge capable d'apporter un «mieux-être» au monde agricole. Mais aussitôt, elle tempère, consciente «qu'il ne faut pas détruire l'environnement».
Un modèle qu'on ne veut pas ?
«Moi, je suis plutôt proche de la Confédération paysanne, donc forcément, cette loi ne va pas dans mon sens», confie Mikael Hyvert, vigneron en Auvergne. Selon lui, «cette loi, ce n'est pas qu'elle nous met des bâtons dans les roues directement, mais elle encourage petit à petit l'agrandissement des grosses exploitations. Et à force, les petites disparaissent». Il déplore que malgré tous les efforts pour «diversifier, élever, s'adapter», la petite paysannerie ait de plus en plus de mal à suivre.
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Mais pour les vignerons, cette loi ne se limite pas à la question des pesticides. «Ils sont descendus manifester surtout à cause de la surtransposition, des règles d'application différentes, de la suradministration, de l'impossibilité d'exercer leur métier sans surcharge», explique Jean-Marie Fabre pour éclairer les raisons de la mobilisation du monde viticole.