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« J'ai perdu patience à un moment donné » : Vauquelin, Grégoire et Alaphilippe… Frustrations françaises à Boulogne
À Boulogne-sur-Mer, on a appris à aimer depuis longtemps les sportifs teigneux, hargneux et puissants. Depuis l'avènement au plus haut niveau de l'enfant du pays, Franck Ribéry.
Ce dimanche,
trois petits coqs français auraient pu glorifier la hargne française sur ces terres attachantes où la gentillesse des habitants n'est pas un cliché.
Trois cyclistes aux qualités presque identiques : vélocité, hargne, explosivité dans les jambes et caractère entier sur une selle. Trois hommes qui, tour à tour, ont cru s'offrir, un septième, second ou premier sacre sur
la Grande Boucle
. Trois coureurs qui ont tout tenté mais qui quittent quand même le Boulonnais avec pas mal de regrets sous le casque.
Il aurait suffi de si peu. Juste que les ogres annoncés pour la victoire finale ne se mettent pas à table si tôt. Qu'ils laissent les autres s'ébattre dans la gloire. Normalement, il y a toujours des premières parties avant les concerts de masse. Pour faire patienter et découvrir d'autres artistes. Sauf que les Visma-Lease-a bike, fidèles à la tactique du bourdonnement incessant, n'ont rien laissé passer pour harceler Tadej Pogacar. Les coéquipiers de Vingegaard ont tout cadenassé comme si on était dans les premiers cols pyrénéens. Et comme Pogacar a accepté sans broncher d'avancer le rendez-vous du bourre-pif, les tentatives françaises avaient peu de chances d'aboutir à autre chose qu'une déception.
Paradoxalement, c'est celui des trois qui finit le plus loin qui était le plus fort. Kévin Vauquelin (Arkéa-B&B), vainqueur l'an dernier de la 2e étape en Italie, s'est vu écrire une belle histoire titrée :
de Bologne à Boulogne.
Il était probablement le plus puissant derrière Mathieu Van der Poel
le vainqueur de l'étape
. À trois kilomètres, il a tenté l'accélération parfaite, seulement suivi par Matteo Jorgenson (Visma) qui a refusé de le relayer et Romain Grégoire (Groupama-FDJ).
« Vu mes jambes, si on m'avait laissé quinze secondes, ce serait probablement allé au bout, convient-il. J'ai perdu patience à un moment donné et cela me coûte peut-être la victoire ou un meilleur résultat. Dommage. Plus on attaque, plus on est regardé. Et les mecs ont dû se dire :
lui, il bouge beaucoup trop.
»
Vauquelin se plaignait l'an dernier d'être snobé par les meilleurs. Il regrette presque son anonymat. « On ne dit plus
le gars d'Arkéa
mais
Kevin
ou
Vauquelin
. Mais la rançon de cela, c'est que je suis un peu plus marqué. »
Romain Grégoire, au-delà du bout d'attaque avec Vauquelin, a démontré aussi beaucoup d'audace. Et il termine au pied du podium. « Quatre c'est bien mais ce n'est pas une victoire, grince-t-il. Avec le boulot effectué par l'équipe pour me placer idéalement dans la première grosse bosse, je m'interdisais de reculer et de péter. J'étais presque à l'aise dans ce groupe des meilleurs. J'ai des petits regrets de manquer de… Je ne veux pas parler cru mais vous m'avez compris. J'aurais dû sauter dans la roue de Van der Poel. Quand je vais me revoir en vidéo, je vais me dire que j'ai joué la place et pas la victoire. Aux 450 m, je me suis fait tasser. Je ne sais pas si j'avais les jambes pour gagner mais au moins pour essayer. »
De son côté
Julian Alaphilippe
, n'a fait qu'une apparition de toute la course mais elle a failli être clinique. Cette étape, il l'avait discrètement reconnue deux fois et savait qu'elle correspondait à ses qualités. Sauf que samedi, la première étape l'avait atteint au moral. Victime d'un début de bronchite ces derniers jours, il ne savait pas ce qu'il pouvait espérer.
Sous la flamme rouge, alors qu'il s'était fait oublier de tous les autres, on a vu surgir son casque jaune. Tactiquement c'était parfait. Mais il lui a manqué la puissance de ses meilleures années pour prendre dix mètres d'avance et obliger les autres à se regarder. « J'étais à la limite dans l'avant-dernière bosse avant de revenir dans la dernière, raconte-t-il. J'ai presque eu envie de tenter le coup, non pas du kilomètre mais des 500 m. Mais tout de suite, j'ai vu que Mathieu (Van der Poel) était dans ma roue. Et j'ai coupé. Je n'ai aucun regret quand je pense à la journée de merde de samedi. Ma cinquième place ? Je suis venu sur ce Tour pour gagner une étape, pas pour faire cinquième. »
Comme les deux autres coqs, il a prévu de chanter de nouveau dans les prochains jours.