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« Ce maillot à pois est extravagant  ! »  : la tunique culte du Tour décryptée par l'historien Michel Pastoureau
« Ce maillot à pois est extravagant  ! »  : la tunique culte du Tour décryptée par l'historien Michel Pastoureau

L'Équipe

time11-07-2025

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« Ce maillot à pois est extravagant ! » : la tunique culte du Tour décryptée par l'historien Michel Pastoureau

Issu du hors-série « 50 ans du maillot à pois » actuellement en kiosques - L'historien Michel Pastoureau, qui a fait des couleurs l'un de ses terrains de jeu favoris, évoque cette tunique aux motifs « sympathiques ». Une « particularité géniale » pour le Tour de France. Depuis des décennies, Michel Pastoureau, 77 ans, observe, étudie, analyse, interprète les couleurs. Il a énormément publié sur le sujet. C'est aussi un authentique passionné de sport, de cyclisme, et du Tour de France en particulier. Une course qu'il a suivie, enfant, au bord des routes, et ne rate jamais. « Je n'ai pas fait de sport de haut niveau, j'ai été le gardien de l'équipe de handball du lycée Henri-IV en prépa. Plus tard, j'ai lancé le disque au PUC (Paris Université Club), mais pas très loin, je n'étais pas très doué. » Plus Bahamontes et Gaul que Virenque ou Jalabert, l'historien considère que, sportivement, ce maillot à pois qui plaît tant au public peut aussi être « opportuniste. Certaines années, le vainqueur du classement de la montagne n'est pas forcément un grand grimpeur ». « Le Tour de France, lorsqu'on allume la télévision, ce sont d'abord des couleurs, n'est-ce pas ? Celles des paysages, du peloton au loin et de la multitude des maillots bariolé ! Pour ce qui me concerne, en tout cas, c'est probablement le jeu des maillots, des couleurs qui m'a d'abord fait aimer le cyclisme, et le sport en général. Quand j'étais enfant, chez ma grand-mère en Bretagne, j'allais voir passer le Tour de l'Ouest (*), une compétition d'arrière-saison. Et le jeu des maillots me fascinait. Alors, évidemment, pour ma génération - j'ai 77 ans - c'était plus clair autrefois. Les maillots d'aujourd'hui sont couverts d'inscriptions et de logos, ce qui fait que, pour le spectateur, c'est beaucoup plus confus. Heureusement qu'il y a les maillots distinctifs. Y en a-t-il un que vous préférez ? D'ailleurs, est-ce de l'ordre de la préférence ou y en a-t-il un qui vous inspire plus que d'autres ?Alors, il faut distinguer. Si c'est une question de couleur, c'est le vert. Mais c'est celui du classement par points, or je n'en suis pas très fanatique, il avantage trop certains coureurs par rapport à d'autres. Donc, je préfère le classement de la montagne. Par exemple, je suis un grand admirateur des champions qui grimpent. Cependant, ce maillot à pois est extravagant ! Et il faut bien dire que, c'est vrai, on ne voit que lui. La décision de donner ce motif à pois au maillot du classement de « la montagne » est venue de Félix Lévitan, ancien directeur du Tour de France. Félix Lévitan a été un grand réformateur du Tour, un très bon connaisseur du cyclisme. Le fait qu'il ait voulu honorer un pistard d'avant-guerre, Henri Lemoine, en revanche, ça me semble un peu bizarre. Ça me plaît de garder un certain mystère à propos de ce maillot, ça valorise plutôt son porteur. Vous venez de le qualifier d'"extravagant". C'est-à-dire ?Eh bien, il est très fantaisiste, il est joyeux, presque comique. Évidemment, ces motifs attirent et réjouissent l'oeil, mais au sein du peloton, c'est quand même étrange ! On aurait pu simplement imaginer un maillot rayé, par exemple, rouge et blanc, ou faire des pois plus petits. « On aurait pu simplement imaginer un maillot rayé, par exemple, rouge et blanc, ou faire des pois plus petits. » Lucien Van Impe, le premier à l'avoir ramené à Paris, considérait que les spectateurs le distinguaient plus qu'avec le Maillot Jaune. C'est aussi un maillot très populaire, le plus vendu, de même que le bob à pois, il génère...... de l'adhésion et de la sympathie. C'est ce côté un peu comique, attrayant, qui joue, à mon sens. Dans "L'Équipe Magazine", en 2011, vous parliez du rouge comme d'une couleur symbole d'agressivité, de puissance, mais aussi de pouvoir, de c'est une symbolique occidentale assez courante, cette relation du rouge au pouvoir, à l'énergie. Parce que c'est la couleur du sang, du feu. Et c'est aussi la rapidité. On a l'idée, par exemple, que les voitures rouges iraient plus vite que les autres. D'ailleurs, autrefois (ce n'est plus le cas aujourd'hui), les compagnies d'assurance faisaient payer plus cher le tarif de l'assurance de voitures rouges. Non pour sa couleur en elle-même, mais parce qu'elle était rouge, et parce qu'elle était censée être achetée par des conducteurs qui avaient plus d'accidents que les autres. C'est donc assez curieux que le maillot du meilleur sprinteur soit vert et non en rouge, on aurait l'impression qu'il va plus vite. Si je me souviens bien, c'est dû au fait que le premier sponsor était « La belle jardinière ». Or, leur logo, dans les années 60, était vert. Ce maillot est devenu rouge, je crois (en 1968, le sponsor fut, de façon éphémère, le fabricant de soda SIC). Mais, point de vue couleurs, l'impression générale d'un peloton, c'est une assez grande confusion. Quand les équipes étaient nationales, tout était plus visible et l'adhésion, notamment pour les jeunes enfants, était plus facile, je trouve. Pour revenir au maillot à pois, Virenque, septuple vainqueur, a été un coureur très il est l'incarnation de la popularité qu'un maillot peut apporter. Et il revenait de loin ! Cela dit, Lucien Van Impe (vainqueur du Tour 1976 et six fois meilleur grimpeur) avait souligné le fait que les vainqueurs du classement de la montagne n'étaient pas toujours les meilleurs grimpeurs parce qu'il y avait des coureurs de deuxième zone, disons, qui se réservaient pour les cols et participaient peu à la course. Le maillot blanc, lui, de quoi est-il le symbole ? De virginité ?Oui, on peut faire cette lecture-là, la jeunesse, un palmarès encore vierge. Il y a une surface d'inscription à remplir, comme une feuille blanche. Nous n'avons pas encore parlé du jaune, qui est lui aussi très maillot jaune du Tour a beaucoup fait pour revaloriser cette couleur. C'est un fait de société sur lequel je me suis penché assez tôt. Le jaune a mauvaise réputation dans la vie politique, syndicale, etc. C'est le mensonge et la trahison. En 1919, en inventant le maillot jaune, la couleur du journal L'Auto, Henri Desgrange a frappé fort. D'une part, c'était bienvenu sur le Tour pour attirer l'attention, et peu à peu, ça a revalorisé la couleur jaune et on utilise le terme "maillot jaune" dans de nombreux domaines, l'industrie, l'économie. Et même en italien, la "maglia gialla", ça existe aussi, alors que le leader du Giro porte le rose ! Assez souvent, le maillot jaune a été d'un beau jaune, bien travaillé, il se voit bien. Quand j'étais enfant et adolescent, il était pétant et tirait un peu plus sur l'orangé qu'aujourd'hui. « Ni la Vuelta ni le Giro n'ont quelque chose d'équivalent au maillot à pois. C'est une particularité géniale » Et vous continuez à suivre le Tour chaque été ?Bien sûr. D'autant que je trouve que, depuis sept ou huit ans, il y a un regain d'intérêt pour la compétition cycliste. J'avais un peu perdu mon enthousiasme avec toutes les histoires qu'on connaît. Bon, maintenant, je suis un vieux monsieur, mais même si je ne suis pas connu comme historien du sport, c'est quand même le domaine que je connais le mieux. Je lis L'Équipe tous les jours depuis 1958. J'avais 11 ans, je pourrais écrire une histoire du journal... Et en sport, vous avez des favoris ?Par rapport à beaucoup de gens, je ne suis ni chauvin ni nationaliste. Quand je regarde une compétition, peu m'importe qui gagne. Ce qui m'intéresserait, ce serait de voir un derby milanais, les rayures noires et bleues de l'Inter et les rayures noires et rouges du Milan face à face. Ce sont des couleurs qui sont déjà celles de deux quartiers de la ville au XVe siècle. Comme aujourd'hui, bleu et noir, c'est la bannière du quartier populaire. Comme l'Inter. Rouge et noir, ce sont les quartiers plus favorisés. Comme l'AC Milan... Socialement, ça correspond encore. En rugby, le pays de Galles, où le rugby est un sport populaire, on joue d'une certaine façon. Et en Écosse, c'est plus étudiant et universitaire, on joue différemment. Des traces restent même si le professionnalisme a un peu tout brassé. En septembre, avec mon ami et collègue Georges Vigarello, nous publions un ouvrage qui s'appellera Sport, une histoire culturelle. En héraldique, les rayures sont courantes, mais le motif blanc à pois rouge est absent. Il n'a jamais rien représenté d' En revanche, l'association rouge/blanc est celle qui est la plus sollicitée dans tout ce qui relève de la signalétique au sens large. Les bandes de plastique, "attention travaux", sont blanches et rouges. C'est un héritage très, très ancien qui date du Moyen ge. En fait, dans les sociétés anciennes, le vrai contraire du blanc, ce n'était pas le noir, mais le rouge. Aux échecs, longtemps, c'était rouge contre blanc. Et en signalétique, dans les insignes, les armoiries, les drapeaux, c'est la combinaison dominante. Alors si, en plus, on fait des gros pois, c'est un coup de génie du point de vue visuel. Mais je voudrais souligner, pour finir sur le sport, que ni la Vuelta ni le Giro n'ont quelque chose d'équivalent au maillot à pois. C'est une particularité géniale. »

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