16-07-2025
Excessive, la série «Too Much» sur Netflix n'en donne pourtant pas assez
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Treize ans après le choc «Girls», Lena Dunham récidive. Rude déception que cette baudruche dégonflée. Netflix, 10 X 31-56 min. Publié aujourd'hui à 16h31
Souvenez-vous, entre 2012 et 2017, la New-Yorkaise Lena Dunham s'incrustait comme la bonne copine de palier, confidente en anecdotes rondouillardes, âme sœur expansive en matière de boyfriends , préservatifs, chaude-pisse et autres embrouilles avortées. C'était «Girls» , cinq saisons d'une série désormais culte.
Humaniste endiablée au cœur d'artichaut, sensuelle charnue refroidie par les red flags de ses amants, Lena Dunham porte ses contradictions en bandoulière d'un justaucorps généralement fluo ou vichy. Son corps atypique ne fait jamais barrage à un charme affirmé comme «singulier et unique».
En effet, Lena Dunham, alors fraîche trentenaire, pressentait l'air du temps. Bien avant la lutte contre la grossophobie , le mouvement MeToo et autres rebellions sororales, «Girls» revendiquait le droit d'exister autrement. Inspirée par sa propre vie amoureuse, la délurée se déballait en dévorant des pots de glace consolateurs devant «Desperate Housewives» , les romans de Jane Austen ou les influenceuses Instagram d'hier.
Il y avait un ton, le jargon «Lena Dunham» piqué de néologismes hilarants, d'acronymes intuitifs, et un humour cradingue à combustion spontanée. Rien n'embarrassait les quatre nanas de «Girls» qui se fichaient des canons esthétiques, n'idéalisaient pas l'amour et se trimballaient en soutif détendu dans la normalité. La série ne flattait personne de cette génération «selfie» libérée de tout, attachée à rien. Et ça produisait l'effet «cool kiss», rafraîchissant.
«Too Much» reprend le flambeau quand, plaquée pour le mannequin Emily Ratajkowski en chair et surtout en os, Jessica (Megan Slater) est exilée à Londres par son boss. Dans un premier temps, son alter ego se prête à une version trash d'«Emily in Paris». La mignonne rêvait de revivre un épisode de Bridget Jones ou n'importe quoi de Richard Curtis. Avec son chihuahua souffreteux, l'intruse atterrit dans un HLM.
En deux jours, Jessica se console avec Félix, guitariste glandeur punk rock. Cosigné par «Mr Dunham», le musicien Luis Felber, «Too Much» est ourlé d'une bande-son soignée. Déjà titré en hommage à la «rom-com», de «Nothing Kill» à «Pity Woman», «Nonsense and Sensibility», etc., chaque épisode se conclut sur une chanson quasi intégrale de Fiona Apple, Viagra Boys, Taylor Swift , etc.
Sous l'apparence foutraque d'un scénario faussement improvisé, le moindre détail a été mûrement réfléchi. Les saillies drolatiques mitraillent des séquences construites entre petites secousses culturelles et clashs plus intimes.
Voir Jessica découvrant les ex de son Félix. C'est parfois comique grâce à la Frenchie intello jouée par Adèle Exarchopoulos, souvent plat. Autre morceau de bravoure, l'invitation à dîner chez le boss, un publicitaire versé dans la décadence bobo. Dès minuit, les Cendrillon sniffent dans la cuisine, les princes charmants s'ébattent et plus si affinités.
Naomi Watts et Richard E. Grant donnent du chic à la débauche. Quelques guest-stars défilent, Rita Ora, Stephen Fry ou Jessica Alba. Mais «Too Much» laisse un sentiment de vacuité infinie. «Girls», dans tous ses excès assumés et ses ratés inavouables, a repoussé des limites, provoqué la controverse, donné de la voix, du corps et des fesses à la génération Millénium . Pas «Too Much», un bide.
Loin du «poème cacophonique» qui marqua la production télévisuelle, «Too Much» épice une banale comédie romantique avec le talent organique de Lena Dunham pour des dialogues mordants. De ce point de vue, c'est un feu d'artifice, mais il ne fête pas grand-chose.
Pratiqués comme une bouée de survie, l'humour noir et l'autodérision obsessionnelle de l'auteure s'évaporent dans les froufrous rose bonbon décoratifs d'un néant psychologique embarrassant. Les personnages masculins ne passionnent guère. L'ennui menace ou agace. La preuve? Le destin d'Astrid. Le petit chihuahua sans doute choisi pour son corps nu, sa langue pendante, est purement et simplement sacrifié sur l'autel de l'égocentrisme de sa maîtresse. Prévenez la SPA.
Notre note: 3 étoiles
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Cécile Lecoultre, d'origine belge, diplômée de l'Université de Bruxelles en histoire de l'art et archéologie, écrit dans la rubrique culturelle depuis 1985. Elle se passionne pour la littérature et le cinéma… entre autres! Plus d'infos
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