03-08-2025
« Peu de personnes pensaient que je pouvais courir en 12 secondes, je l'ai fait ! » : après les blessures, l'impressionnant retour de Just Kwaou-Mathey
Victime d'une rupture du tendon d'Achille droit en avril 2024, Just Kwaou-Mathey a repris le fil de sa carrière en devenant dimanche à Talence le troisième Français sous les 13'' (12''99, +0,3 m/s), en finale du 110 m haies des Championnats de France. Le meilleur est à venir.
Son sourire dit tout de celui qu'il est, et dimanche, on ne voyait que ça. Just Kwaou-Mathey est un soleil qui ne pouvait pas rester dans la nuit. En tout cas, pas à cause de ce tendon d'Achille droit qui avait lâché en avril 2024 lors d'un stage à Dubaï. La pire blessure qui soit pour un hurdleur, et encore plus pour lui, l'athlète qu'on pourrait qualifier « d'homme nuage » tant sa foulée laisse penser qu'elle s'appuie sur un matelas flottant à quelques centimètres au-dessus de la piste. Allait-on revoir cette grâce, et donc ce sourire, sur une piste ? Et si oui, à quel niveau ?
Le hurdleur a répondu dimanche sur la piste ensoleillée de Talence. Dans des Championnats de France à qui il manquait pas mal de talents, souvent blessés ou amoindris, l'athlète de 25 ans a été le feu d'artifice qui a permis de finir sur une note pleine d'espoir. Dès les séries de samedi, claquées en 13''10 (+ 0,5 m/s), l'idée que quelque chose pourrait se passer était apparue. Le petit grain avait d'ailleurs déjà germé quelques semaines avant, quand, après une course avortée à Monaco (6e en 13''32), son coach Giscard Samba avait glissé que son poulain allait courir sous les 13'' cette saison. Ça pouvait peut-être faire rire, mais dans la bouche de Samba, une annonce n'est jamais en l'air et son protégé l'a prouvé.
En demies, il en a mis un peu partout pour couper la ligne en 13''11 (+ 0,5 m/s), laissant le suspense pour le dessert. Et à 17h15, il n'y avait pas grand-chose pour arrêter la magie. Pascal Martinot-Lagarde, le recordman de France (12''95 en 2014), allait franchir ses dix dernières haies, le showman Sasha Zhoya voulait évidemment conserver le titre qu'il gardait chaudement depuis 2022 et Wilhem Belocian voulait aussi en être dans des conditions parfaites, avec soleil et légère brise favorable (+ 0,3 m/s). Kwaou-Mathey avait bien sûr intégré toutes ces infos et n'a pas manqué l'occasion.
« J'étais vraiment venu chercher quelque chose de beau. Les conditions étaient parfaites. Je sentais que j'en avais dans les jambes »
Just Kwaou-Mathey
À l'attaque, il faisait le trou dès la mi-course pour se pointer seul sur la ligne. Le stade, debout, comprenait qu'il s'était passé quelque chose, contrairement au panneau chronométrique qui tiltait au passage de la foulée du médaillé de bronze de l'Euro 2022. Un 13''01 apparaissait avec le nom d'un autre concurrent, puis on a vu un 13''18 et le nom de Zhoya (son temps à la 2e place) associés pour la première position. Il fallait juste que tout le monde reprenne ses esprits et le 12''99 avec le bon Pur-sang accolé s'affichait enfin. Kwaou-Mathey, lui, avait déjà filé 100 mètres plus loin, dans le virage pour fêter avec son crew. En revenant, il tapait dans la main de « PML », comme un passage de témoin, avant d'enchaîner les célébrations « checkées » avec les copains. « Je suis vraiment très heureux, lâchait-il quelques instants plus tard. J'étais vraiment venu chercher quelque chose de beau. Les conditions étaient parfaites. Je sentais que j'en avais dans les jambes. Je voulais prendre du plaisir. Je suis content de l'avoir fait. »
Et même s'il avouait qu'il venait de cocher « un objectif de carrière », il ne semblait pas non plus ahuri sous l'info d'être à cette heure-là (en attendant des sélections américaines dans la nuit) le deuxième performeur de l'été. « J'avais vraiment envie de revenir, de reprendre du plaisir, lâchait-il. L'athlétisme; c'est vraiment un truc que j'aime. Je n'ai pas de plan B. C'est l'athlétisme mon plan A. Pendant tout l'été dernier, au lieu de prendre des vacances; je suis allé pendant neuf semaines en rééducation entre Capbreton et Clairefontaine (pour soigner son tendon d'Achille). Je n'ai quasiment pas pris de pause. Je voulais revenir le plus fort possible. »
« Ce passage-là était déjà prévu l'année dernière. Mais la blessure a coupé tout ça »
Giscard Samba, son entraîneur
« C'est une continuité, prolongeait le coach tout sourire quelques minutes après avoir vu son athlète devenir le troisième Français (après Ladji Doucouré et Pascal Martinot-Lagarde) a cassé la barrière des 13'' sur 110 m haies. On ne s'est jamais arrêté sur le travail malgré la blessure. On a continué à avancer. La seule chose, c'est d'avoir les conditions suffisantes pour continuer, de remettre le corps pour qu'il soit en capacité de continuer là où on l'avait laissé. Ce passage-là était déjà prévu l'année dernière. Mais la blessure a coupé tout ça. »
Cet hiver, Kwaou-Mathey avait déjà impressionné en revenant très vite dans le game (3e de l'Euro en salle). C'était déjà miraculeux vu son parcours, mais le sort voulait encore ajouter une haie. L'insertion de son ischio-jambier et de son fessier gauche couinait fort. Le duo choisissait de zapper les Monde en salle pour faire une PRP (injection de plasma riche en plaquettes) et ralentir, encore, pendant six semaines. En retard au printemps, il revenait en forme progressivement, avant le récital de dimanche. « J'étais venu pour ça, pour revenir sur le premier plan mondial, concluait le hurdleur. Je suis bien revenu ! Je pense que peu de personnes pensaient que je pouvais courir en 12'', je l'ai fait ! » Il était presque passé. Le voilà revenu dans le présent.