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Au Festival de Locarno, le Neuchâtelois Fabrice Aragno subjugue avec «Le lac»
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Le premier film de l'ex-assistant de Godard réunit Clotilde Courau et Bernard Stamm. Publié aujourd'hui à 17h31
Le cinéaste Fabrice Aragno pose devant le Léman, le 29 juillet 2025 à Lutry, avant la présentation de son film «Le lac» au Locarno Film Festival.
En bref:
L'eau, le ciel, la lumière, une femme, un homme, des reflets et du calme. Épuré, réduit à quelques éléments, «Le lac» est un film de poète. Une sorte d'élégie douce et picturale qui conjugue avec élégance plasticité et quête, de nature quasi expérimentale. Avec ce premier long métrage, le Neuchâtelois Fabrice Aragno se jette dans le grand bain. Ancien assistant de Godard , avec lequel il avait notamment cofondé la société de production Casa Azul, il sait qu'il est attendu, mais savoure le moment.
Flanqué de Clotilde Courau et du navigateur Bernard Stamm , il est venu affronter le public du Festival de Locarno, dans une course au Léopard d'or qui ne semble pas vraiment le préoccuper. Quelques minutes après la première présentation publique du film et le flot de questions que les spectateurs ont pu lui poser, on le retrouve dans un endroit un peu tranquille pour quelques minutes en tête à tête.
Bernard Stamm et Clotilde Courau.
©CasaAzulFilms
Comment la connexion s'est-elle faite avec Clotilde Courau et comment s'est-elle retrouvée dans le film?
Il y a dix ans, j'étais juré ici même. Et elle aussi. J'étais impressionné. Pour moi, elle était une princesse. Puis lorsque je l'ai rencontrée, l'image de la princesse s'est dissipée. Et on s'est reconnus dans le cinéma qu'on défendait. C'était aussi l'année où elle avait tourné dans un film de Garrel, «L'ombre des femmes». Je lui ai évoqué l'idée de faire un film avec elle. Je n'avais qu'une idée, une histoire de bateau. Et juste un scénario minimal. Mais je crois que cela lui suffisait. Elle est d'une telle générosité.
Comment s'est monté votre film?
Avec difficulté. Je suis allé défendre le film devant la commission de l'OFC (ndlr: Office fédéral de la culture) à Berne. Mais j'ai été refusé deux fois. Pourtant, Clotilde Courau est venue avec moi la seconde fois. Après ce deuxième refus, j'étais un peu transi. J'en avais parlé à Godard, qui lui, avait essuyé aussi un refus pour «Le livre d'images». Sauf que dans l'intervalle, Cannes était intéressé par son film, qui s'est même retrouvé en compétition avant de remporter une Palme d'or spéciale. L'OFC est alors à nouveau entré en matière. Et nous avons pu profiter des retours financiers du film à travers Succès Cinéma. Puis d'un troisième dépôt à Cinéforom enfin positif, de la RTS et d'aides diverses. Pour la postproduction, l'OFC ne voulait pas suivre. Mais son invitation et sa sélection à Locarno les ont fait changer d'avis.
Pas facile, tout ça. En quoi l'eau, et indirectement la voile, vous attire-t-elle?
Pour la lumière et les couleurs. L'eau reflète le ciel et ses 1000 variations. Je voulais filmer des visages comme des paysages, ou l'inverse. C'est un projet que je caresse depuis longtemps. J'en avais d'ailleurs parlé à Freddy Buache , qui m'a demandé de prendre quelques objets chez lui, vers la fin de sa vie. Et tout, dans sa chambre, me disait de faire le film. Plusieurs livres évoquant l'eau dans leur titre. Plein de signes m'indiquaient la direction à prendre.
Comment gérez-vous l'héritage de Godard, si l'on peut dire?
Par la liberté. C'est ce qu'il m'a appris. On peut être libre au cinéma comme on l'est dans le théâtre de marionnettes. En réalité, il n'y a pas de règles. Dans les écoles de cinéma, on nous assomme avec cela. J'ai fait le DAVI à Lausanne, puis un film collectif et un autre de diplôme. Aujourd'hui, j'ai envie de partager «Le lac» avec le plus de monde possible. De le présenter. Des craintes, je n'en ai pas.
L'équipe du «Lac» à Locarno.
Pourquoi les trois petits points à la fin du film?
Parce qu'il y en aura d'autres, des films.
Comment vous situez-vous dans le monde du cinéma suisse?
Un peu à part. Je n'ai jamais réussi à faire comme tout le monde. Je serais incapable de faire un truc scénarisé, par exemple. Et ce n'est pas de la posture. Je suis vraiment comme ça.
Le cinéma à Locarno Pascal Gavillet est journaliste à la rubrique culturelle depuis 1992. Il s'occupe principalement de cinéma, mais il lui arrive aussi d'écrire sur d'autres domaines. En particulier les sciences. A ce titre, il est également mathématicien. Plus d'infos @PascalGavillet
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