2 days ago
« Essais du bout du monde » : les Bleus entament leur tournée d'été en Nouvelle-Zélande avec une équipe expérimentale
Privée de ses cadres comme chaque été, c'est une équipe de France expérimentale qui défie, une première fois samedi (9h05 à Dunedin), des All Blacks en quête de progrès, le tout dans un climat un brin hostile.
« C'est beau mais c'est loin », dit-on immédiatement en posant le pied en Nouvelle-Zélande. « C'est beau, mais on était arrivés si chargés ? », se demande-t-on en repartant la plupart du temps avec un surpoids bagage moral. Voilà la promesse formulée à cette équipe de France, partie si loin et pour si longtemps, autoprivée de ses cadres pour affronter des All Blacks que l'on dit en pleine résurrection. Tatillons par nature, nous ne croyons que ce que nous voyons. Le point sera donc fait samedi (coup d'envoi à 9h05 à Dunedin) sur ce dernier aspect de l'histoire.
Car le (presque) Grand Chelem des Néo-Zélandais en Europe, à l'automne dernier (défaite 30-29 face aux Bleus), ou leur Rugby Championship à trois défaites _ dont une à domicile contre l'Argentine (30-38) _ n'ont franchement bouleversé personne. Pas même chez eux. Ils n'ont pas plus ravivé, dans les consciences collectives, le souvenir de la décennie terrifiante des Gothic Avengers, couronnée de deux titres de champions du monde d'affilée (2011 et 2015).
En attendant donc d'évaluer la facture, il y a un contexte que la jeunesse tricolore va devoir apprivoiser. Une atmosphère oscillant entre solennité et hostilité. Ici, au bout du couloir, quand vous jetez un coup d'oeil au-dessus de l'épaule de votre partenaire : l'horizon est noir. Contraste visuel intimidant voire plombant à peine extrait du chamarré des phases finales du Top 14. C'est un ciel bas comme une paire de battoirs fermement posée sur vos épaules. Elle maintient assis contre l'intention instinctive de bondir.
Les déclarations d'intention post-Tournoi paraissent bien loin
Sortir du vestiaire en Nouvelle-Zélande, c'est se faire happer par tout un peuple, comme un seul être assorti à son équipe, vêtue de la plus symbolique des couleurs. Un environnement à prendre en compte dans sa préparation, en plus d'un adversaire préoccupant par atavisme et, semble-t-il, quelque peu désabusé par l'adversité qu'on lui présente pour lancer son hiver international.
Car oui, ici, c'est l'hiver, et on regrette, sans une once de diplomatie, de ne jamais y avoir vu les Dupont, Alldritt ou Ramos, mais à la place l'Agence Touristes presqu'au complet les trois dernières fois. C'est un delta des cultures auquel les Néo-Zélandais ont fini par s'habituer. De là à le comprendre, le gap est trop large. Les consultants et experts locaux sont en rage. Ils ont évoqué en boucle le manque de respect envers la fougère, ses joueurs et ses fans, ont reçu en retour la compréhension confuse des chefs de délégation, mais pas un coup de baume pour l'égo.
Les déclarations d'intention tricolores sur l'euphorie de la victoire dans le dernier Tournoi n'ont pas survécu à la bobologie du rugbyman de 2025, ni à l'appel du combo rosé-glace-plage et du club-employeur. On serait au service de l'équipe de France uniquement aux horaires de bureau ? Poser la question au sélectionneur, c'est le regarder faire des claquettes sur un fil. Ça distrait deux minutes, puis on comprend vite qu'il ne se lâchera pas. Peut-être plus tard.
Une dernière tournée avant la Coupe des nations
Et après tout chacun se fera un avis sur ce lapin posé à l'histoire, à ce qui restera comme la dernière tournée de ce format. L'an prochain, ce sera la grande aventure d'une Coupe des nations dont on espère que ses dollars non garantis serviront à renforcer le staff samoan (cinq personnes selon l'un de ses membres) contre 30 chez les Bleus, plutôt qu'à gonfler les primes de match. Soyons clairs : on prône ici l'équité et non l'austérité.
Mais chaque chose en son temps. Le quinze de France se présente ce samedi matin sur la pelouse du Forsyth Barr Stadium avec une équipe dont quasiment la moitié de son total de sélections au départ (205) repose sur la carrière de Gaël Fickou (94), capitaine de circonstance. D'ailleurs, pour avoir accepté de repousser ses vacances d'un mois, on lui souhaite un destin à la Thierry Dusautoir _ vainqueur à Dunedin en 2009, survivant en 2013 _ plutôt que celui de Mathieu Bastareaud, sacrifié après la tournée de 2018 pour ne pas avoir emporté suffisamment de rustines avec lui sur le Titanic.
Le sélectionneur imagine « un défi qui semble impossible à réaliser ». Ailleurs on parlera de crash-test pour une bleusaille équipée de quelques véritables potentiels à l'international, tels Nolann Le Garrec, Émilien Gailleton, Théo Attissogbe ou Mickaël Guillard, des curiosités, aussi, comme Alexandre Fischer ou Tyler Duguid. Cette formation a pour elle trois semaines passées ensemble et une victoire pour du beurre mais de caractère, à Twickenham (24-26). Suffisant pour nourrir un embryon de confiance ? La réponse tombera au coup d'envoi dans la faculté de ces Tricolores à résister à la vitesse et à l'intensité annoncées par les Néo-Zélandais.
Le projet bleu sera sans doute minimaliste : défense, discipline et le jeu au pied de Joris Segonds pour renvoyer l'adversaire le plus loin possible de la zone de danger. Problème, cette zone est partout avec eux, au point de dessiner un sourire mi-excité, mi-anxieux sous la moustache de Fabien Galthié. Et comme la peur n'évite pas le danger, mieux vaut tenter d'en rigoler.
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