06-08-2025
Plus de 10.000 hôteliers européens demandent réparation à Booking.com
Une action en justice d'ampleur va opposer les hôteliers européens à la plateforme de réservations en ligne. Les hôtels demandent réparation pour le préjudice subi pendant 20 ans, à cause de clauses qu'ils considèrent comme contraire au droit de la concurrence.
La passe d'armes entre les hôteliers et Booking continue. 10.000 établissements européens ont rejoint une action en justice collective contre la plateforme de réservations en ligne pour pratiques tarifaires abusives. Cette initiative est portée par la fondation néerlandaise Hotel Claims Alliance Foundation, créée spécifiquement pour cette procédure. L'action en justice sera déposée devant le tribunal d'Amsterdam (siège de la plateforme), après le 29 août 2025, date de clôture des inscriptions. Une date qui a d'ailleurs été reportée une première fois, car «l'action collective a reçu un soutien massif», a déclaré Marie Audren, directrice générale de Hotrec, l'organisation représentant le secteur de l'hôtellerie en Europe.
L'objectif est d'obtenir réparation pour les dommages subis par la fameuse clause «meilleurs prix». Ce sont «des dispositions contractuelles empêchant les hôtels de proposer de meilleurs prix sur d'autres plateformes ou sur leurs propres sites» qui «violaient le droit de la concurrence de l'UE», explique Hotrec, basée à Bruxelles. Ces dispositions étaient imposées par Booking depuis 2004 selon l'association. «Pendant deux décennies, ces clauses ont nui à la concurrence sur les prix, entraîné une hausse des commissions, et restreint l'autonomie de milliers d'hôtels européens», continue Hotrec, qui soutient cette initiative aux côtés de plus de 30 associations nationales du secteur.
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La décision de la CJUE, un tournant
Mais la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dans un arrêt du 19 septembre 2024, a marqué un tournant, en jugeant cette pratique contraire au droit de la concurrence. Dans la foulée, la Commission européenne en novembre 2024, a acté que «Booking n'aura pas le droit d'augmenter les taux de commission ni de déréférencer les offres» des entreprises qui proposent des prix différents sur un autre site.
Le montant des indemnisations peut aller jusqu'à plusieurs centaines de millions d'euros estime Hotrec. En effet, la plateforme contrôlait, en 2022, 71 % du marché européen des réservations en ligne selon l'association. «Les hôteliers européens ont longtemps subi des conditions injustes et des coûts excessifs. Il est temps désormais de s'unir et de demander réparation», a déclaré Alexandros Vassilikos, président de Hotrec. «Cette action collective envoie un message fort : les pratiques abusives sur le marché numérique ne resteront pas sans réponse.»
Contacté, Booking de son côté réfute ces allégations, et les juge «inexactes et trompeuses». Selon la plateforme, le jugement de la CJUE sur lequel les associations se fondent «n'a pas conclu que les clauses de parité tarifaire de étaient anticoncurrentielles. En réalité, la CJUE n'a même pas été saisie pour évaluer si nos clauses avaient des effets anticoncurrentiels ou un impact sur la concurrence.» Pour Booking, la Cour s'est «simplement prononcée sur le fait que ces clauses relèvent du champ d'application du droit de la concurrence de l'UE et que leurs effets doivent être appréciés au cas par cas». «Nous souhaitons également confirmer que nous n'avons reçu aucune notification formelle d'une action collective», conclut l'entreprise néerlandaise.
Des initiatives au niveau national
Côté français, en juin la DGCCRF a constaté des « pratiques restrictives de concurrence » de la plateforme, à cause de cette impossibilité de proposer de meilleurs prix. Elle a donné six mois à Booking pour se conformer à la législation européenne. Si cette action est inédite à l'échelle européenne, des initiatives nationales ont vu le jour, comme en Allemagne. En France, le cabinet d'avocat Geradin Partners à Paris et en Espagne le cabinet Eskariam ont lancé des procédures similaires. Mais «il faut que l'hôtelier fasse son choix entre les deux actions, et c'est une décision de chef d'entreprise» précise Véronique Siegel au Figaro, présidente de la branche hôtellerie à l'Umih (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie).