13-07-2025
Cahiers de vacances: outil utile ou corvée contre-productive?
Pause scolaire estivale
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Conseils pour faire bon usage des cahiers de vacances avec vos enfants
Ces manuels fleurissent en librairie et s'invitent dans les valises. Outil pédagogique utile ou corvée contre-productive? Trois spécialistes livrent leurs conseils.
Aurélie Toninato
Les cahiers de vacances promettent de consolider les connaissances menacées par la longueur de la pause estivale.
IRINA POPA
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En bref : Les cahiers de vacances aident à prévenir la perte d'acquis scolaires pendant l'été.
Les experts recommandent des sessions courtes de quinze minutes quotidiennes.
L'accompagnement parental joue un rôle dans l'efficacité des exercices.
La lecture quotidienne représente une alternative efficace aux cahiers de vacances.
Ils font râler les enfants mais rassurent les parents. Contrairement au matériel scolaire, ils ne sont pas remisés au placard durant l'été et s'invitent dans les valises, entre les bouées et la crème solaire.
Eux, ce sont les cahiers de vacances, ces livrets remplis d'exercices et de promesses: consolider les connaissances menacées par la pause estivale, voire prendre de l'avance sur l'année suivante. Mais que valent-ils sur le plan pédagogique? Outil utile ou corvée contre-productive?
Risque de régression en été
Les vacances d'été romandes s'étendent en général sur sept semaines. De quoi laisser aux élèves le temps de recharger les batteries… mais aussi d'oublier certains apprentissages. Si les bienfaits d'une vraie coupure sur le bien-être physique et psychologique sont documentés, c'est sa durée qui pose problème.
«De nombreuses études montrent que sans aucune consolidation entre la fin d'année scolaire et la reprise, les élèves - en particulier issus de milieux moins favorisés - perdent une partie de leurs acquis, parfois jusqu'à un mois d'apprentissage, surtout en maths ou en orthographe», explique Emmanuel Sander, professeur à la Faculté des sciences de l'éducation à Genève.
Emmanuel Sander est professeur à la Faculté des sciences de l'éducation à Genève.
UNIGE
Ces pertes de notions, Thierry Dias les a observées à de nombreuses reprises à la rentrée. «J'ai souvent vu la différence entre les élèves qui avaient maintenu une activité cognitive – lectures, visites, jeux éducatifs – et ceux qui n'avaient pas eu la possibilité, la chance ou l'envie de le faire», confie cet ancien enseignant, aujourd'hui professeur en didactique des mathématiques à la Haute École pédagogique de Lausanne.
Pour lui, le cahier de vacances peut être un bon moyen d'éviter cette rupture «brutale» aux conséquences plus ou moins marquées. «Je ne parle pas ici en tant qu'auteur (ndlr: il a collaboré pour élaborer de tels cahiers par le passé) mais en tant que spécialiste en pédagogie.»
En vacances, faites-vous faire des exercices scolaires à vos enfants?
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Martino Toscanelli, enseignant fribourgeois spécialisé dans les stratégies d'apprentissage et fondateur du site éducatif Biceps, abonde sur la nécessité de réactiver certaines connaissances durant l'été, en particulier celles liées à la mémorisation (conjugaison, livret, vocabulaire). «D'autant plus dans un contexte global où le niveau d'orthographe des Suisses est préoccupant. Le cahier a l'avantage de proposer un contenu clés en main accessible, conçu par des spécialistes en pédagogie.»
Court, régulier et accompagné
Néanmoins, pour porter ses fruits, l'utilisation du cahier de vacances doit répondre à certains critères, selon les trois experts consultés. Ils préconisent d'abord de privilégier une fréquence élevée avec des sessions courtes - plutôt quinze à vingt minutes par jour que deux heures d'un coup le dimanche - d'activités adaptées au niveau de l'élève.
Martino Toscanelli, enseignant fribourgeois spécialisé dans les stratégies d'apprentissage, a fondé le site éducatif Biceps.
DR
«Mieux vaut commencer par des exercices un peu inférieurs au niveau de l'enfant, pour le mettre en réussite, que de le plonger directement dans des notions plus complexes qui risqueraient de le décourager», conseillent Thierry Dias et Martino Toscanelli. Prendre de l'avance sur l'année suivante? Pour les trois spécialistes, l'enjeu n'est pas de devancer le programme mais de consolider les bases. Mais pourquoi pas proposer de nouvelles notions à l'élève qui a de la facilité et qui est preneur.
Ensuite, tenter d'éviter que la session de travail ne soit assimilée à une corvée. Un vrai défi parfois… Comme pour Sandra, une quadragénaire genevoise. Elle a acheté un cahier de vacances à sa cadette qui présente des difficultés en orthographe et en lecture, au point d'avoir frôlé le redoublement. «J'ai choisi le plus ludique. On va essayer de faire des exercices ensemble en Italie. Mais elle n'aime vraiment pas lire, ça va être hypercompliqué d'éviter l'impression de punition!»
Laisser à l'enfant la possibilité de choisir son cahier pourrait atténuer cet effet, tout comme travailler à ses côtés pour l'accompagner, corriger avec lui mais ne pas faire à sa place, soulignent Thierry Dias et Emmanuel Sander. Celui-ci rappelle encore que l'apprentissage est aussi une affaire d'interaction, «l'enfant apprend mieux s'il reformule ce qu'il a compris, s'il peut en discuter».
Comment bien choisir le cahier de vacances?
Les trois experts que nous avons consultés évoquent d'abord l'adéquation avec le programme scolaire suisse, de nombreux cahiers étant publiés par des éditeurs français. Ensuite, il s'agit de choisir des supports clairs, proposant des activités variées et ludiques, avec des corrigés détaillés.
Mieux vaut opter pour un cahier pas trop épais, pour ne pas décourager. Veiller à ce qu'il aborde des contenus diversifiés (plusieurs matières). Enfin, le choisir avec son enfant pour favoriser son adhésion.
Enfin, l'aspect ludique contribue à faire passer la pilule de la révision. «Le ludique peut être une porte d'entrée, à condition que le jeu reste au service d'un apprentissage, qu'il y ait un objectif derrière», relève le fondateur de Biceps.
Les premiers cahiers, inventés dans les années 1930, mettaient d'ailleurs bien plus l'accent sur le jeu que ceux d'aujourd'hui, se remémore Thierry Dias, «probablement pour mieux répondre aux nouvelles attentes des parents qui ne veulent plus seulement éviter la perte d'acquis mais également préparer l'enfant à réussir la prochaine année. Il y a eu un changement de paradigme.»
D'autres outils pendant les vacances
Même s'il marque des points, le cahier de vacances ne constitue pas la panacée. Ce manuel fait partie des outils pour maintenir une activité cognitive, mais il en existe d'autres, à l'image d'un simple livre, selon Emmanuel Sander. «Rien que quinze minutes de lecture quotidienne peuvent faire la différence: ça nourrit le vocabulaire, stimule l'imagination, améliore l'orthographe et la concentration.» Écrire des cartes postales aux grands-parents, emmener l'enfant à la bibliothèque ou observer la nature: tous ces gestes ont une valeur pédagogique réelle, ajoute le professeur vaudois.
Thierry Dias est professeur en didactique des mathématiques à la Haute École pédagogique de Lausanne, dont il est également le recteur.
PATRICK MARTIN/24HEURES
Pour leurs vacances en Grèce, Laure et Martin, parents genevois d'enfants de 7, 9 et 11 ans, n'ont justement pas emporté de cahiers de vacances. «En revanche, on a pris plein de livres, raconte la maman. Les élèves d'aujourd'hui ont tellement de lacunes en lecture et en orthographe, c'est essentiel d'entretenir ces acquis durant l'été.»
Elle a aussi apporté de quoi dessiner, fabriquer des bracelets brésiliens, des jeux, de l'origami. «Je préfère mettre l'accent sur ce qu'ils font moins à l'école. En revanche, s'ils présentaient des difficultés scolaires, là nous aurions acheté des cahiers de vacances pour travailler spécifiquement sur ces faiblesses.»
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Aurélie Toninato est journaliste à la rubrique genevoise depuis 2010 et diplômée de l'Académie du journalisme et des médias. Après avoir couvert le domaine de l'Education, elle se charge aujourd'hui essentiellement des questions liées à la Santé. Plus d'infos
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