4 days ago
Au Texas, les crues réveillent une colère que Trump ne peut plus ignorer
La préparation face aux crues qui ont touché le Texas fait polémique. Le Parlement texan se penchera lundi sur le sujet. Reportage auprès des habitants, divisés sur la question.
Alexis Buisson - Envoyé spécial à Kerrville (Texas) Publié aujourd'hui à 16h12
Les crues de la rivière Guadalupe ont été historiques. 120 personnes ont perdu la vie.
GETTY IMAGES VIA AFP
En bref:
«Nous avons tout perdu, mais nous sommes en vie.» Sur le parking d'une église au Texas reconvertie en centre FEMA ( Federal Emergency Management Agency ), l'agence américaine de gestion des situations d'urgence, Ken Collier se bat contre les larmes en se remémorant cette soirée du 3 au 4 juillet.
Dans la nuit noire, la rivière Guadalupe, dont il admirait tant la beauté, a failli le tuer. En quarante-cinq petites minutes, le niveau de ce cours d'eau qui file devant sa maison a bondi de huit mètres, forçant le sexagénaire et sa femme à faire un trou dans leur plafond pour s'extirper.
Employé d'un ranch local, il ne doit pas son salut à une quelconque alerte donnée par les autorités locales, mais à un coup de chance. En effet, s'il ne s'était pas réveillé à 4 h 30 du matin ce vendredi 4 juillet pour aller au travail, il n'aurait certainement pas vu cette crue sans précédent faire irruption dans son habitation. «En quelques minutes, l'eau est passée de ma taille à mon cou. Si nous étions restés plus longtemps, nous serions morts.» Alerte aux crues inefficaces
Ce genre d'histoire est courant à travers le comté de Kerr, un territoire rural localisé dans une zone surnommée «l'allée des crues éclair» en raison de la fréquence de ces phénomènes favorisés par le relief et les sols. Niché dans le «Hill Country», région connue pour ses collines, il concentre l'écrasante majorité des plus 120 morts et 170 disparus recensés après la catastrophe .
Les rescapés racontent avoir été alertés par un voisin venu frapper à la porte de leur maison ou camping-car, ou avoir découvert la montée des eaux au hasard d'une sortie nocturne. Pour sa part, Lia Cloudt peut remercier son fils, un policier local. «Il devait commencer sa journée à 6 h du matin, mais a allumé sa radio vers 4 h 30 et a compris que la situation était inquiétante. Il nous a réveillés. Nous sommes partis en laissant tout derrière nous.»
Les habitants ont été surpris par la montée rapide des eaux.
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Près de deux semaines après la crue meurtrière, la préparation des autorités continue de susciter des interrogations. Si le Service météorologique national (National Weather Service ou NWS), chargé des prévisions, a envoyé à 1 h 14 du matin un message d'urgence sur une crue «potentiellement mortelle» sur les téléphones portables localisés dans le comté de Kerr, celui-ci est tombé dans l'oreille de sourds: habitants endormis, absence de réception, «alert fatigue» (lassitude face à la multiplication des avertissements). «On est habitués aux inondations dans ce coin. On tend à ignorer les alarmes», admet Lia Cloudt. La communication avec les autorités locales s'est avérée compliquée aussi.
Plusieurs appels du NWS, pendant la nuit fatidique, ont atterri sur des messageries vocales. Et pour une raison encore mystérieuse, le mécanisme d'alerte cellulaire du comté de Kerr, appelé «CodeRED», a été déclenché plus de trois heures après le message d'urgence du NWS. Pour l'heure, les dirigeants locaux ont refusé de répondre aux questions relatives à leurs actions, arguant que les opérations de recherche étaient prioritaires. Responsabilité du Texas en cause
Au niveau fédéral, les réductions budgétaires mises en œuvre par le gouvernement Trump dans les agences chargées d'anticiper et de répondre aux catastrophes naturelles ont également été mises en cause. Quand une journaliste a demandé à Donald Trump si des morts auraient pu être évitées, lors de son déplacement à Kerrville, le chef-lieu du comté, vendredi 11 juillet, celui-ci n'a pas caché son agacement. «Seule une personne très méchante poserait une telle question!»
Les dégâts ont été considérables et la responsabilité des autorités est mise en cause.
GETTY IMAGES VIA AFP
Admonester les médias qui mettent en cause la préparation des autorités face à l'une des pires catastrophes naturelles de l'histoire du Texas est une stratégie d'intimidation bien huilée dans le camp trumpiste. Début juillet, le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott, un fidèle du président, répondait sèchement à un journaliste qui l'interrogeait sur les responsables de la tragédie. «Votre choix de mots est celui des perdants», a-t-il contre-attaqué.
L'État du Texas a pourtant sa part de responsabilité. Il a été accusé de ne pas avoir soutenu financièrement le comté de Kerr quand celui-ci a sollicité, à plusieurs reprises, des fonds pour installer des sirènes le long de la rivière, comme l'ont fait ses voisins. Un tel dispositif aurait permis de réveiller les habitants, le 4 juillet. Le Parlement texan se réunira en session spéciale dès lundi 21 juillet pour se pencher sur la façon de renforcer sa préparation face aux inondations. Des sirènes pour prévenir les inondations?
À Kerr County, la responsabilité des pouvoirs publics divise la population. Dans ce comté pro-Trump, certains déplorent un concours de circonstances tragique: une crue inédite, en pleine nuit, au début du long week-end du 4 juillet, fête de l'indépendance américaine… «Cette tragédie est un acte de Dieu. Si les gens veulent un responsable, ils devraient s'en prendre à lui!», estime Huck Paulson, pompier retraité. «Trump ne peut rien faire face à dame Nature», enchaîne Blue Flores, rencontré à Kerrville.
Mike Bary, dont le restaurant a été inondé, pense pour sa part que le système d'alerte n'était pas à la hauteur. «J'ai reçu le CodeRED du comté sur mon portable quand mon établissement était déjà sous sept mètres d'eau!»
Professeur d'ingénierie civile et environnementale à l'Université Texas A&M, Ali Mostafavi indique que l'installation de sirènes serait un bon début. «Dans le contexte de crues éclair, chaque minute compte.» Pour le spécialiste, l'État du Texas et le gouvernement fédéral doivent aider les zones rurales comme le comté de Kerr, avec des recettes fiscales limitées, à adopter des technologies pour répondre à de futurs épisodes climatiques extrêmes. «Cela requiert un changement de mentalité. On nous dit que des inondations comme celle que nous avons vécue sont sans précédent, historiques, etc. En réalité, ces événements se produisent de plus en plus. C'est la nouvelle normalité.»
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