07-07-2025
Hitchcock en tour de force
« C'est seulement pour perdre du poids que j'ai accepté de jouer dans ce show-là ! »
Benoît Brière rigole, mais pas tant que ça. Avec ses complices de longue date Luc Guérin et Martin Drainville, il se lance cet été dans un projet théâtral aux allures d'éreintante course à obstacles.
Le trio – épaulé par l'actrice Évelyne Rompré – va en effet présenter la comédie satirique Les 39 marches dans une tournée qui s'amorce à Laval et qui va le mener aux quatre coins de la province. Ce spectacle sorti de l'imaginaire du Britannique Patrick Barlow est une parodie du film The 39 Steps d'Alfred Hitchcock. Sorti en 1935, ce film (lui-même inspiré d'un roman) raconte le destin extraordinaire d'un Canadien du nom de Richard Hannay qui se retrouve malgré lui mêlé à une histoire d'espionnage. Soupçonné à tort d'un meurtre, il doit tenter de s'innocenter tout en sauvant la Grande-Bretagne d'une menace étrangère.
La grande différence entre le film et la pièce selon Martin Drainville : « Il y a à peu près 147 acteurs qui jouent 147 personnages. Nous, on est 4 ! » En effet, cette pièce maintes fois primée dans le monde entier force les interprètes à multiplier les changements de costumes – et de décors – à la vitesse grand V.
En un peu moins de deux heures sur scène, Benoît Brière et Martin Drainville campent chacun une quinzaine de personnages. « C'est du sport, surtout pour des acteurs dans la soixantaine comme nous, lance le premier. D'ailleurs, c'est écrit noir sur blanc dans les didascalies [les notes de l'auteur aux interprètes] : les acteurs qui jouent cette pièce feraient bien de se mettre en forme ! »
À leurs côtés, Évelyne Rompré incarne trois personnages distincts. « C'est une actrice avec un immense talent comique », estime Luc Guérin. Ce dernier endosse un seul rôle, mais il est central : celui du pauvre Richard Hannay sur qui le sort s'acharne. Pour l'acteur, le défi est autre.
PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE
Luc Guérin interprète Richard Hannay, un homme soupçonné à tort d'un meurtre.
« J'ai une histoire à raconter et je dois trouver une forme de vérité. Au début, le gars est dans une période de grande solitude. Il est à la croisée des chemins. L'évènement dont il est témoin va changer sa vie. Il a une quête, une mission à accomplir. Malgré l'aspect clownesque du spectacle, il faut conserver la trame narrative, la tenir du début à la fin. »
En direct de 1935
En ce qui concerne la scénographie (signée ici par Normand Blais), la pièce relève aussi du casse-tête. Car la pièce colle aux classiques des films d'espionnage d'avant la Seconde Guerre : poursuite dans un train ou en avion, plongeon en bas d'un pont, dans une traversée folle de la Grande-Bretagne ! Tout ça reproduit sur une scène de théâtre, dans un décor qui ne se limite pas à de simples projections vidéo. Et qui peut être rapidement démonté puis remonté pour la tournée.
« On a choisi de garder l'action en 1935, avec tout ce que ça peut exiger de tenues vestimentaires et d'environnement sonore ou visuel », explique Martin Drainville, qui connaît bien les défis de la pièce, puisqu'il l'a jouée sur scène en 2012.
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Martin Drainville
Je me suis déjà coltaillé à ce show-là. Je connais les pièges. Il faut évoquer tous ces lieux et ces personnages en deux secondes, sans perdre le public. Mais c'est ce qui est le fun avec Les 39 marches : on ne reste pas longtemps au même endroit. Ni dans la même atmosphère.
Martin Drainville
« Les personnages sont des archétypes. On n'a pas beaucoup de temps pour tomber dans la psychologie », ajoute Benoît Brière.
Le danger, selon Martin Drainville, serait de répéter les mêmes procédés comiques tout au long du spectacle. « Il faut changer le rythme, d'effets, pour que le public se sente dépaysé. Qu'il se sente comme dans un tour de manège qui durerait deux heures. De notre côté, il va falloir garder le beat pour que ça ne tombe pas à plat. »
Pour réussir ce tour de force comique, le trio peut compter sur un impressionnant bagage, tant individuel que collectif. « À trois, on a 100 ans d'expérience en comédie, même si j'aimerais mieux dire 60 », lance Martin Drainville.
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Benoît Brière, qui campe une quinzaine de personnages
Avec leur compagnie théâtrale Ménage à trois, les comédiens ont repris la mythique pièce Broue et ont collaboré sur plusieurs projets, dont La puce à l'oreille, Le combat des chefs, Drôle de couple, Les 3 ténors et Pierre, Jean, Jacques. « Je suis fier de l'endroit où on est rendus, indique Martin Drainville. C'est sûr qu'on va continuer de faire Broue ; c'est un show qu'on aime et qu'on ne va pas lâcher. Mais pour Les 39 marches, on arrive avec une autre proposition. » Une proposition qui sort le trio de sa zone de confort par sa grosse mécanique, ajoute Benoît Brière.
Cette mécanique imposante fait partie du plaisir de porter sur scène Les 39 marches, estiment les interprètes qui feront aussi le boulot de machiniste tout au long du spectacle (en plus d'avoir signé l'adaptation et de s'être chargés en équipe de la mise en scène). « Les gens vont vivre quelque chose qui est impossible au cinéma ou à la télé, croit Martin Drainville. Il y a cet aspect live dans lequel le théâtre excelle. Même si on est à l'ère de l'intelligence artificielle, rien ne peut battre le théâtre sur ce terrain-là. »
La pièce Les 39 marches sera présentée à compter du 9 juillet à la salle André-Mathieu de Laval, avant des passages à Sainte-Agathe, Terrebonne, Gatineau et Québec. Une tournée québécoise est aussi prévue en 2026. Les dates de représentations montréalaises ne sont pas encore dévoilées.
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