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Le Figaro
20 hours ago
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Michel Audiard, roi des dialogues et des menteurs sur Paris Première
À l'occasion de son centenaire, le documentaire « Le Terminus des prétentieux » revient sur la vie et l'œuvre de cet auteur atypique. À l'élite du septième art qui se moquait un jour de ses dialogues, Michel Audiard avait répondu du tac au tac : « De mauvaises langues me reprochent de ne pas savoir écrire, ce qui me paraît tout à fait normal puisque je n'ai jamais appris. » Néanmoins, moralement touché par ces critiques, il assurait qu'il serait plus célèbre mort que vivant… La postérité lui a donné raison. Des formules dont il avait le secret sont entrées dans le langage courant. Parmi elles figurent « Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît » ou « Aux quatre coins d'Paris qu'on va l'retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle », respectivement lancées par Lino Ventura et Bernard Blier dans Les Tontons flingueurs. Un autre titre avait été envisagé pour ce film par Georges Lautner : « Le Terminus des prétentieux ». Il est devenu celui d'un documentaire racontant le scénario qu'Audiard n'a jamais écrit, par manque de temps, mais surtout par pudeur, sur son propre parcours. À lire aussi Michel Audiard, «tonton flingueur et titi flingué» Publicité Un dialoguiste d'exception Après avoir vendu des journaux dans la rue puis signé des chroniques de cinéma dans la presse, il est devenu un dialoguiste d'exception. Il ne l'imaginait pas quand, pour rendre service, il débute en corrigeant anonymement certains scripts. Sa rencontre avec Jean Gabin est déterminante. L'osmose est telle qu'écouter parler l'homme va lui suggérer des textes sur mesure. L'acteur va affectueusement le surnommer « le Petit Cycliste ». Audiard travaille ensuite pour Delon, Belmondo et beaucoup d'autres. Démontrant qu'il est aussi à l'aise comme auteur de films dramatiques (Un taxi pour Tobrouk) que dans les comédies, il fidélise un large public et finit par obtenir que son nom figure sur les affiches dans les mêmes caractères que celui de la star. À lire aussi Les plus belles répliques de Michel Audiard Capable de boucler un scénario et des dialogues en moins de deux semaines, il a parfois signé jusqu'à 15 films par an. Et a également répondu systématiquement présent à l'appel de copains en difficulté sur un plateau, modifiant en quelques instants une scène ou des répliques, moyennant deux verres de vin blanc. Incapable de dire non à un producteur, il a mille fois accepté des réunions de production auxquelles il ne s'est jamais rendu. Il a donné d'innombrables rendez-vous dans un hôtel proche des Champs-Élysées où il a souvent brillé par son absence. À lire aussi Michel Audiard, le poète populaire Doué d'une imagination débordante dans l'art du mensonge, il est parvenu à se sortir de situations impossibles dans lesquelles il s'était embourbé en promettant, pour la fin du week-end, des textes dont il n'avait pas écrit le moindre mot le vendredi soir. Quelques instants après avoir appris la mort de François, l'un de ses fils, dans un accident de voiture, il a dissimulé son désespoir en travaillant sur un film pendant trois semaines d'affilée. Il a fini par évoquer ce drame intime dans La Nuit, le Jour et toutes les autres nuits, un roman où il a démontré qu'il était aussi, et peut-être avant tout, un grand écrivain.


Le Figaro
13-07-2025
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Tout le monde ne savait pas parler « le Audiard » : hommage au légendaire dialogiste du cinéma français
Répliques inoubliables, reparties légendaires, expressions mémorables : tout l'été, nous rendons hommage aux dialoguistes qui ont marqué l'histoire du cinéma français. « Attention ! J'ai le glaive vengeur et le bras séculier ! L'aigle va fondre sur la vieille buse !... – Un peu chouette comme métaphore, non ? À découvrir TV ce soir : retrouver notre sélection du jour – C'est pas une métaphore, c'est une périphrase. Publicité – Fais pas chier !... – Ça, c'est une métaphore. » Ainsi était Michel Audiard. Il avait le verbe affûté, un vocabulaire riche. Un classiciste mélangeant la tradition avec une pointe d'argot. Nous parlons d'un lettré : il vénérait Arthur Rimbaud, Antoine Blondin, dont il fut l'ami. Il était fier que l'écrivain ait très apprécié ses dialogues pour Un singe en hiver. Sinon, il aimait Marcel Aymé, Georges Simenon, Jacques Perret, les moralistes, ses amis Alphonse Boudard et René Fallet, et mettait au-dessus de tout Louis-Ferdinand Céline, dont il voulait adapter, d'abord Voyage au bout de la nuit, puis Mort à crédit. Les projets sont tombés à l'eau, heureusement, car les livres de l'écrivain sont inadaptables. Audiard a été réalisateur, scénariste et dialoguiste. Plusieurs générations connaissent par cœur les répliques des Tontons flingueurs, des Barbouzes ou de Ne nous fâchons pas. Ce génie des mots ne saurait être réduit à ces comédies devenues « cultes ». À lire aussi D'Alexandre Dumas à Sergio Leone en passant par Marcel Pagnol, cette vogue de la trilogie qui perdure au cinéma Un talent méconnu Audiard écrivait avant tout pour les acteurs. Il avait ses premiers violons : Gabin (« une machine à dialogues »), Ventura, Blier, Serrault. Pour eux, il a trouvé des répliques grandioses dans des comédies ou des films noirs – Le cave se rebiffe, le film dont il était le plus fier –, avant de passer à la réalisation avec ses films mal fichus aux titres interminables mais toujours tordants : Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques, Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !, avec Sim déguisé en libellule qui chante dans un cabaret pour travestis (mais c'était pour la bonne cause). Publicité C'est pour tout cela qu'Audiard est connu. C'est dommage. Car l'auteur a su par la suite écrire des dialogues radicalement différents. Une preuve évidente de son intelligence et de son talent. En bon lecteur, il avait acheté les droits de Mortelle randonnée (Serrault et Adjani), avant de proposer le projet à Claude Miller et d'en écrire les dialogues. Il y eut également l'une de ses plus grandes réussites : le huis clos de Garde à vue, avec deux de ses interprètes favoris, Serrault et Ventura. Une pièce de théâtre filmée. Nous sommes loin de la gaudriole des Tontons flingueurs. Audiard, une fois de plus, avait sa propre vision : « Les dialoguistes qui n'écrivent pas pour les acteurs sont des imbéciles, un point c'est tout. Un dialoguiste qui n'exige pas de connaître les interprètes des cinq principaux rôles du film est un monsieur qui ne connaît pas son métier. » Mais tout le monde ne savait pas parler « le Audiard ». Ainsi a-t-il regretté d'avoir écrit pour sa grande amie Jeanne Moreau. Selon lui, il ne lui a pas rendu service : elle était incapable de s'exprimer dans cette langue hybride. Audiard écrivait avant tout pour les acteurs. Il avait ses premiers violons : Gabin, Ventura, Blier, Serrault. Pour eux, il a trouvé des répliques grandioses dans des comédies ou des films noirs. Service de presse Le talent d'Audiard n'a pas été reconnu par ses contemporains, surtout les plus jeunes. François Truffaut, dans la revue Arts, a écrit à son sujet un article au vitriol : « Les dialogues de Michel Audiard dépassent en vulgarité ce qu'on peut écrire de plus bas dans le genre. Ce n'est pas un dialogue naïf ou faussement littéraire, mais cynique et roublard. Il prouve (…) un triple mépris, du cinéma, des personnages du film et du public en général. » Ah bon ? Qui se souvient d'une seule réplique de Truffaut, en dehors de la fameuse « C'est une joie et une souffrance », dont il était tellement fier qu'il l'a recyclée dans deux films ?