27-07-2025
Une vingtaine d'influenceurs contactés par l'AMF
Une vingtaine d'influenceurs québécois dont le contenu est consacré à la finance ont été contactés, le mois dernier, par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Le message est clair : il faut adopter une conduite responsable… ou en assumer les conséquences.
Ce n'est pas un mythe : les influenceurs sont une source d'information de plus en plus crédible aux yeux des internautes.
De fait, environ 28 % des Canadiens ont indiqué avoir recours aux réseaux sociaux, aux forums de discussion ou aux influenceurs financiers pour obtenir des renseignements et des conseils en finances personnelles, selon la plus récente enquête sur les investisseurs de l'Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI), réalisée en juin 2024.
Ce chiffre ne surprend pas l'AMF. Un autre sondage plus récent, des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), évalue que 82 % des 18 à 24 ans ont déjà consulté un réseau social pour de l'information financière, et 75 % des 25 à 34 ans.
Ce qui frappe l'AMF, c'est plutôt la multiplication des « finfluenceurs ».
Mais qu'est-ce qu'un « finfluenceur » ? C'est un créateur de contenu qui tire parti de son audience sur les réseaux sociaux pour offrir des conseils, exprimer ses opinions sur divers placements ou promouvoir des produits d'investissement. Mais ils ne sont pas tous habilités à le faire.
Préoccupée par ce constat, l'AMF a mené une vaste opération de conscientisation auprès d'une vingtaine de « finfluenceurs » québécois, dont les propos ou les comportements pourraient ne pas respecter la loi.
En cas d'infraction, la Loi sur les valeurs mobilières impose des peines importantes, pouvant aller jusqu'à cinq ans moins un jour d'emprisonnement, pour une personne physique, et des amendes pouvant atteindre plusieurs millions de dollars pour une société.
PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE
Les bureaux de l'Autorité des marchés financiers, à Montréal
Où tracer la ligne ? En général, transmettre des informations factuelles qui décrivent les caractéristiques d'un produit financier est tout à fait acceptable.
C'est quand l'opinion entre en jeu que cela se corse.
Si les influenceurs financiers vont plus loin, c'est-à-dire s'ils incitent des gens à investir dans des produits ou des services financiers, ou qu'ils donnent des conseils personnalisés sur ces produits ou services financiers, c'est là qu'il y a des exigences.
Hélène Guilbault, coordonnatrice experte en enquête sur les cryptoactifs à l'AMF
En effet, il faut être enregistré auprès de l'AMF pour offrir ce genre de services… et le web ne fait pas exception.
Qui est enregistré auprès de l'AMF ?
Les professionnels en assurance, en courtage hypothécaire, en planification financière et en valeurs mobilières (épargne collective, placement de portefeuille) sont normalement enregistrés auprès de l'AMF, une fois leur certification officielle obtenue.
Vérifiez si l'entreprise, la plateforme ou la personne avec qui vous faites affaire est enregistrée auprès de l'AMF
Cadre réglementaire
En général, les influenceurs contactés par l'AMF ont pris très au sérieux la démarche et certains s'en sont inquiétés, selon l'organisation.
« Il y a [des finfluenceurs] à qui on s'est adressé simplement pour dire : 'Voici la réglementation, voici les articles de loi qui pourraient s'appliquer à ta situation. Alors, assure-toi de la respecter' », explique l'experte de l'AMF Hélène Guilbault, qui a piloté le dossier. « Il y en a d'autres où on a dit : 'Tu as franchi la ligne, tu dois retirer du contenu, il y a des éléments qui sont incorrects' », raconte-t-elle.
Les détails concernant les influenceurs contactés ne peuvent être dévoilés, explique l'AMF, pour ne pas nuire aux dossiers d'enquête qu'elle a dû ouvrir dans certains cas.
Chose certaine, même inscrit, le finfluenceur doit respecter un cadre réglementaire.
« Il reste qu'en fin de compte, c'est l'investisseur qui a la décision finale », souligne Sylvain Théberge, directeur des relations médias, des affaires publiques et des communications externes à l'AMF.
Selon l'OCRI, près de la moitié des internautes qui consultent les réseaux sociaux pour des conseils considèrent que l'information qu'ils obtiennent sur le web est aussi fiable que celle fournie par un conseiller traditionnel.
« Allez chercher de l'information autant chez les institutions qu'auprès de ces influenceurs, il n'y a pas de problème avec ça, mais ultimement, il ne faut jamais prendre de décision sous pression, et ne jamais se précipiter en croyant qu'on a trouvé la formule de l'année pour se rendre riche », résume Sylvain Théberge.
Certification en France
En France, il existe depuis 2023 une certification facultative, mais vivement recommandée pour les influenceurs financiers, intitulée Certificat de l'influence responsable.
« C'est certainement une initiative notable », estime Sylvain Théberge. « Il ne semble pas y avoir de projets en ce sens-là ici, mais c'est certainement quelque chose qui pourrait être réfléchi ou analysé », ajoute-t-il.
Lancée conjointement par l'Autorité des marchés financiers française et l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité, cette certification peut être obtenue au moyen d'une formation qui aborde les produits d'investissement – actions, obligations, fonds négociés en Bourse (FNB), produits dérivés –, ainsi que les différents services financiers : conseil en investissement, gestion de portefeuille, réception et transmission d'ordres.