02-08-2025
Toutes ces belles choses que nous ont faites les Killers
Les photographes n'étant pas autorisés à prendre des photos de The Killers, nous accompagnons cette critique d'une photo de la foule rassemblée au festival vendredi soir.
Vendredi soir au parc Jean-Drapeau, en clôture de la première journée d'Osheaga, les Killers ont montré qu'ils avaient de l'âme et que contrairement à ce que leur chanson prétend, ils sont aussi des soldats. Des soldats du rock qui ne sont vraiment pas sur le point d'abdiquer.
Mon téléphone buzze. C'est Marissa : « Commencer avec Mr. Brightside = du génie ». Mon indispensable collègue a raison. Mais quand même, il fallait le faire. C'est que Mr. Brightside n'est pas seulement la chanson la plus connue des Killers, et de loin. Mr. Brightside a été écoutée plus de 2 milliards de fois sur Spotify. Mr. Brightside est le Stairway to Heaven des gens qui ont autour de 40 ans.
N'importe quel autre groupe, plus sain d'esprit, moins fantasque, aurait gardé Mr. Brightside pour le rappel. Mais si les Killers sont maîtres en quelque chose, c'est dans l'art de tout donner, tout le temps. Alors, pourquoi ne pas commencer tout de suite ?
Après avoir fait jouer Safety Dance du légendaire groupe montréalais des années 1980 Men Without Hats – les Killers choisissent chaque soir une chanson associée à la ville où il se trouve –, Brandon Flowers est arrivé sur scène avec la fougue d'un jeune attaquant en échappée. Les collègues des sports diraient que Brandon Flowers avait faim. Faim comme quelqu'un qui n'a pas mangé depuis des semaines. L'œil du tigre.
Le chanteur se frappait la poitrine comme Céline aux Oscars, dessinait des gestes dans les airs à la manière d'un chef d'orchestre, se plantait au bout de la scène avec ses petites bottines noires en cuir, comme au bord d'un précipice. Brandon Flowers, c'est les spasmes d'Ian Curtis de Joy Division, mais dans le corps d'un jeune pasteur chrétien.
L'école Springsteen
Brandon Flowers est-il le plus époustouflant performeur de sa cohorte de groupes rock ? Si je n'avais pas fait vœu de ne pas abuser des hyperboles, c'est ce que j'écrirais. À 44 ans, le chanteur est aussi plus beau que jamais.
PHOTO KEVIN WINTER, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Brandon Flowers sur scène, en 2019
Comment comprendre que les membres de la formation aient refusé que les représentants des médias, dont ceux de La Presse, les prennent en photo ? Si j'avais une gueule comme celle de leur leader, je serais heureux de me faire tirer le portrait à longueur de journée.
Mais outre son visage, Brandon Flowers mérite surtout d'être célébré parce qu'il est de l'école Springsteen des artistes jusqu'au-boutistes pour qui un spectacle n'en est pas un s'ils n'ont pas tout laissé sur scène, et même un peu plus.
Plusieurs des chansons des Killers sonnent d'ailleurs comme celles d'un groupe qui a un jour écouté le Boss et a conclu que son œuvre n'était pas suffisamment grandiloquente comme ça.
Avec les Killers, ce n'est pas less is more. Avec les Killers, more is more. Une philosophie dont le batteur Ronald Vannucci Jr., seul autre membre original présent vendredi, est aussi un adepte, lui qui tapait sur tout devant lui comme si Keith Moon s'était réincarné en musicien d'indie rock.
Tous nos besoins
« Bonsoir, je suis Brandon Flowers, je serai votre hôte pour la soirée », a annoncé tôt le chanteur originaire de Las Vegas, vêtu d'un impeccable complet turquoise sur chemise de satin noir et mouchoir de poche assorti. « N'hésitez pas à nous demander quoi que ce soit, parce que nous œuvrons dans l'industrie du service. » Mais tous nos besoins seraient comblés, sans que nous ayons à nous manifester.
Brandon Flowers est un hôte à ce point chaleureux qu'il a pu surmonter deux interruptions abruptes, alors que des membres du public au-devant de la scène avaient besoin d'assistance – heureusement que festivals et artistes interviennent désormais promptement dans ce genre de situations.
Mais pour revenir à Mr. Brightside : si les Killers ont pu se permettre de la sacrifier en lever de rideau, c'est parce qu'ils en ont plein d'autres, des (presque) comme celle-là, dans leur catalogue, dont Spaceman, Smile Like You Mean It et Human, parce que, oui, vendredi, nous nous sommes demandé si nous sommes davantage des humains ou des danseurs (grande question philosophique s'il en est).
À la septième chanson, c'était déjà l'heure de Somebody Told Me, premier succès du premier album des Killers, Hot Fuss, paru il y a un peu plus de 20 ans, en 2004. Autour de moi, les téléphones sortaient des poches comme les t-shirts à col en V des magasins American Apparel à la même époque. Heaven ain't close in a place like this, chante Brandon Flowers, alors que pourtant, tout le monde était aux anges.
Puis Lucy Dacus, qui se produisait un peu plus tôt sur une des grandes scènes, l'a rejoint le temps d'un duo autour de Read My Mind. La jeune trentenaire avait au visage le sourire d'une fille qui a souvent dansé au son des Killers et qui n'en revient pas tout à fait d'être là.
Ne restait que quelques chansons, dont All These Things That I Have Done, à la toute, toute fin, ainsi qu'avec l'aide précieuse des trois choristes, et When You Were Young, juste avant le rappel. Brandon était de nouveau au bord de la scène, presque dans le vide, à tendre son micro à la foule à la fin de certaines lignes :
You sit there in your HEARTACHE!
Waiting on some beautiful boy to
To save you from your OLD WAYS!
Je vous le dis : Brandon Flowers ne ressemble peut-être pas à Jésus, mais il a tous les attributs d'une rockstar comme je me les imaginais quand j'étais jeune.