23-07-2025
« Les températures de juin ont fini de brûler les cultures » : en Beauce, des moissons très précoces et des rendements en baisse
« On a commencé entre le 20 et le 25 juin. Je n'avais jamais démarré aussi tôt. » Dans la famille de Rodolphe Bourgeot, on cultive la terre à Poisvilliers (
Eure-et-Loir
) depuis au moins 1820, et les moissons d'orge commençaient habituellement entre début et mi-juillet. « Mon père est parti en voyage de noces début juillet 1972. À son retour, vers le 25, la moisson n'avait même pas commencé ! », se souvient l'agriculteur de 45 ans.
Cette année, la récolte a encore été avancée de quelques jours. La cause principale ? Une chaleur intense combinée à la sécheresse, dès le printemps. « En avril-mai, on n'a presque rien eu en termes de pluie. Les températures élevées de juin ont fini de brûler les cultures », explique-t-il. L'impact est visible à la récolte : des grains plus petits et moins lourds. « Sur les bonnes terres, on perd quelques pourcents de rendement, mais dans les sols plus caillouteux, les pertes peuvent atteindre plusieurs dizaines de pourcents », chiffre Rodolphe Bourgeot.
Cette baisse des rendements se conjugue à
des prix du blé trop faibles pour compenser les charges en forte hausse
. « Aujourd'hui, une tonne de blé vaut entre 170 et 180 euros. Il y a dix ans, à 200 euros, je vivais correctement. Mais les engrais ont doublé, le matériel coûte cher… C'est plus dur aujourd'hui », se désole-t-il.
À Beaune-la-Rolande (Loiret), Emmanuel Chemin, agriculteur de 50 ans, connaît le même phénomène sur l'exploitation de céréales et de pommes de terre qu'il a reprise il y a six ans. Lors de notre appel, c'est sa mère, ancienne agricultrice aujourd'hui retraitée, qui a répondu pour lui.
« Récolter aussi tôt, c'est exceptionnel », confirme-t-elle. « On n'avait jamais connu ça. Mais cette précocité engendre une baisse de rendement et une qualité dégradée : les grains sont plus petits à cause des fortes pluies. »
Dans cette partie du Loiret qui a connu de nombreuses inondations depuis un an, la situation semble plus compliquée qu'ailleurs. « L'humidité favorise les attaques de maladies comme les mycotoxines », indique Mme Chemin.
Tout comme Rodolphe Bourgeot, Emmanuel Chemin doit aussi faire face à la baisse des prix. « Cela fait deux ans que ce n'est pas terrible », confirme sa mère.
Au niveau national, le ministère de l'Agriculture estime que la récolte de blé tendre devrait tout de même être
meilleure que celle, catastrophique, de 2024
. Selon des chiffres communiqués le 15 juillet dernier, elle devrait s'établir à 32,6 millions de tonnes, soit 27 % de plus que l'an dernier. Cette hausse est à relativiser : à ce niveau, la production serait à peine supérieure à la moyenne des années 2020-2024, « période qui compte deux années de faibles récoltes », souligne Agreste, le service de statistique du ministère.