09-07-2025
Une province, 90 % des grèves
Piquetage d'employés de la Société de transport de Montréal, le 9 juin
La multiplication des arrêts de travail au Québec atteint des records et le ministre du Travail, Jean Boulet, a raison de vouloir les limiter, estime l'analyste Gabriel Giguère
Gabriel Giguère
Analyste senior en politiques publiques à l'Institut économique de Montréal (IEDM)
Si vous avez l'impression que les grèves sont de plus en plus courantes ces dernières années, vous n'avez pas la berlue.
En 2023, le Québec a enregistré un record de 691 arrêts de travail1, dont la quasi-totalité a pris la forme de grèves, fracassant ainsi le record précédent de 384 arrêts de travail établi en 1974 à l'époque de la commission Cliche.
En 2024, le record a été battu de nouveau, avec 759 arrêts de travail recensés dans la province. Et pour les deux premiers mois de 2025 seulement, les Québécois et les Québécoises en ont déjà subi 378.
Jamais, depuis 1946, les grands syndicats n'ont-ils autant restreint l'accès aux services de la population québécoise.
Et si ces données sont alarmantes en soi, la comparaison avec les autres provinces canadiennes l'est encore davantage.
Alors que le Québec ne représente que 22 % de la population canadienne, ses citoyens et ses citoyennes ont été la cible d'environ 90 % des arrêts de travail au pays au cours des trois dernières années. La quasi-totalité de ces arrêts a été des grèves.
Un pas dans la bonne direction
Dans ce contexte, le ministre du Travail, Jean Boulet, a cru bon de passer à l'action pour éviter que les Québécois et les Québécoises soient constamment pris en otage par les grands syndicats et leurs revendications2. Et son intervention marque un pas important dans la bonne direction.
Comme le reconnaît le ministre, ces arrêts de travail, ces grèves, affectent directement la qualité et la disponibilité des services à la population.
PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE
Le ministre du Travail, Jean Boulet
On se souviendra des fermetures d'école à la fin de 2023, et du casse-tête qu'elles ont occasionné pour les parents. C'est sans compter les effets néfastes d'un calendrier condensé sur l'apprentissage des élèves. Plus récemment, les grèves dans les centres de la petite enfance du Québec ont contraint de nombreux parents à rester à la maison alors qu'ils devaient travailler.
Les grèves dans le secteur des transports en commun ont aussi réduit l'accès à des services sur lesquels une part non négligeable de la population compte pour se déplacer et gagner sa vie.
Cette multiplication des grèves a des conséquences bien réelles pour les Québécois et les Québécoises.
L'objectif du projet de loi 89, présenté par le ministre Boulet un peu plus tôt cette année, est de répondre à ces abus en permettant au gouvernement de désigner un plus grand nombre de services comme essentiels – et donc d'exiger qu'un certain accès soit maintenu en cas de grève – tout en protégeant le droit de grève des travailleurs et des travailleuses.
Devant cette pièce législative, la présidente de l'une des grandes centrales du Québec a adopté un langage plus radical, allant jusqu'à dire qu'il fallait « traquer des ministres ».
Malgré cela, le projet de loi 89 a été adopté par le ministre Boulet.
L'adoption de ce projet de loi marque un pas dans la bonne direction et indique la volonté politique du gouvernement de rééquilibrer le rapport de force avec les syndicats.
Car il est très clair que, pour les syndicats, la grève n'est plus un dernier recours. Après tout, n'est-il pas anormal que les citoyens et les citoyennes d'une seule province soient la cible de 90 % des arrêts de travail au pays ? Voilà une distinction dont le Québec se passerait bien.
1. Lisez « Le Québec face à la forte augmentation des grèves syndicales »
2. Lisez la transcription d'une conférence de presse du ministre du Travail
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