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« Orelsan m'a dit qu'il avait dormi avec ses rollers tellement il se sentait bien dedans » : René Borel, l'homme qui a déposé plus de 80 brevets sportifs
« Orelsan m'a dit qu'il avait dormi avec ses rollers tellement il se sentait bien dedans » : René Borel, l'homme qui a déposé plus de 80 brevets sportifs

L'Équipe

time31-07-2025

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« Orelsan m'a dit qu'il avait dormi avec ses rollers tellement il se sentait bien dedans » : René Borel, l'homme qui a déposé plus de 80 brevets sportifs

Inventeur prolifique, René Borel a oeuvré pour Salomon et Wilson avant de retrouver sa liberté créative au côté de la star du trail Kilian Jornet chez NNormal. « J'ai grandi dans une ferme des Hautes-Alpes, dans une famille de paysans. On n'avait pas d'argent, alors on fabriquait tout nous-mêmes. À l'école, c'était compliqué. J'étais dyslexique, je peinais à lire et à comprendre comme les autres. Et à la maison, il y avait la violence, les humiliations. J'étais obligé de travailler dès que je rentrais ; aider à la ferme, construire des remorques, réparer des outils pour les champs ou s'occuper des animaux. Plus tard, j'ai pu par chance intégrer une école d'ingénieur. Je touche, je casse, je démonte, je recommence Je suis un homme de terrain. Je touche, je casse, je démonte, je recommence. L'échec fait partie du processus. Pour une invention qui marche, il y en a des dizaines qui échouent. Mais c'est souvent dans ces ratés que naissent mes meilleures idées. Ma plus grande force, c'est ma sensibilité. Elle m'a souvent posé problème, mais elle m'a aussi permis de capter ce que d'autres ne voient pas. J'observe, j'écoute profondément les gens, je regarde comment ils bougent, comment ils vivent. Et j'essaie de transformer leurs besoins en solutions concrètes. Quand je suis arrivé chez Salomon, en 1985, j'étais encore un gamin maladroit, mais j'avais de l'énergie. J'y suis resté quarante ans. Avec eux, on a tout inventé : les chaussures de ski, de randonnée, de trail, et les rollers. Cette période du roller a été intense, surtout aux États-Unis. J'ai passé des semaines entières à travailler jour et nuit avec des riders passionnés. Pendant dix ans, on est devenus les meilleurs du monde. Avec le roller, le problème était le confort. Les riders avaient accepté l'idée que pratiquer ce sport, c'était forcément avoir mal aux pieds. Moi, j'ai refusé cette fatalité. Sur le papier, ça paraît simple : on rend la chaussure plus confortable, on ajoute de la mousse, et c'est réglé. Mais non. Il fallait préserver la performance, garder les sensations de glisse tout en réinventant le confort. Trouver cet équilibre a pris des années. À l'époque, tous les rollers étaient conçus avec des "lames" et un talon très haut. Si bien que lors des sauts, à la réception sur le goudron ou le béton, le calcaneum (le plus volumineux des os du talon) frappait directement la coque dure, provoquant des douleurs importantes. Ce décalage entre l'avant du pied et le talon rendait par ailleurs les appuis instables pour se poser en toute sécurité lors des grinds sur les barres. Pour résoudre ces contraintes, j'ai complètement repensé la conception. J'ai dessiné une coque plus large et plate. La hauteur gagnée sous le talon m'a permis d'intégrer un pad en mousse issu de la technologie des chaussons de ski, d'environ 2,5 centimètres d'épaisseur. Cet insert jouait le rôle d'amortisseur et protégeait ainsi le calcaneum des chocs répétés. « La chaussure avec la languette qu'on tire pour serrer ses lacets est devenue la plus vendue chez Salomon » En 2020, le chanteur Orelsan m'a confié qu'il avait dormi avec ses rollers la première nuit, tellement il se sentait bien dedans. Ce genre de témoignage me touche profondément. Quand quelqu'un te dit qu'il aime marcher ou bouger grâce à ce que tu as créé, c'est la vraie récompense. J'ai déposé plus de 80 brevets. Beaucoup sont des idées simples, comme cette languette qu'on tire pour serrer les lacets. La chaussure qui a bénéficié de cette invention est devenue la plus vendue chez Salomon. C'est bête, n'est-ce pas ? Et pourtant, c'est là que j'ai réussi mon travail d'ingénieur : quand on se pose la question "Pourquoi personne n'y a pensé avant ?". Ma méthode est toujours la même : partir d'un problème concret, le reformuler, le déconstruire, puis chercher une solution. En tennis, par exemple, les surfaces dures abîmaient les articulations. La marque Wilson nous a sollicités. J'ai pensé aux matériaux utilisés dans le ski pour créer une semelle qui glisse sans perdre l'accroche. Je vous le raconte de manière raccourcie mais ça a pris beaucoup de temps. On a essayé des dizaines de modèles avant que ça fonctionne. J'ai fait le tour des grands joueurs aux quatre coins du monde. Comme toute nouvelle invention, on a essuyé beaucoup de critiques. Les joueurs étaient très sceptiques, alors que maintenant, ces chaussures sont devenues une évidence. C'est ça qui est beau dans l'invention. C'est long, c'est difficile, mais quand ça marche et que les gens l'adoptent, c'est magique. Surtout, ça prouve qu'il ne faut jamais lâcher, même quand tout le monde doute de toi. « C'est ça qui est beau dans l'invention. C'est long, c'est difficile, mais quand ça marche et que les gens l'adoptent, c'est magique. » Tout ça a un prix. Après quarante ans chez Salomon, j'ai craqué et fait un burn-out. Pendant deux ans, ma vie s'est écroulée, je ne croyais plus en rien. Mes deux filles ont failli mourir. J'ai passé six ans dans les hôpitaux. Puis j'ai eu un cancer. Tout s'est enchaîné. C'est là que j'ai compris que cette sensibilité que je croyais être une faiblesse pouvait devenir une force. J'ai suivi de multiples formations, appris à comprendre le sens de la vie. Je me suis même formé aux médecines alternatives, qui sont une autre manière de comprendre le monde. Et ça m'a sauvé. Aujourd'hui, je prends le temps. Je médite. J'ai compris que mes sens m'ont toujours plus aidé que mon cerveau. Je n'avais pas conscience de ce que j'avais pu accomplir, car j'étais pris dans une machine qui me détruisait de l'intérieur. L'avenir, c'est le recyclage Je vis entre Annecy, la station de ski de mon enfance, et le monde. Je suis encore moniteur de ski, après quarante ans. Je crée toujours, mais autrement. Avec NNormal, la marque lancée (en 2022) par Kilian Jornet, j'ai retrouvé ma liberté. Je travaille avec quelqu'un qui peut me guider, me conseiller, me donner toute son expérience de la marche, de la performance, pour que je puisse l'aider en retour. Et, à travers lui, aider le plus de monde possible. Je peux pousser mes idées, même les plus folles. Je crois que l'avenir, c'est le recyclage. Fabriquer des chaussures qu'on peut démonter au lieu de jeter. C'est un combat, mais j'y crois. Je veux qu'on invente mieux, qu'on invente utile. Aujourd'hui, je n'ai plus envie de compromis. Je souhaite que ce que je fais serve vraiment. Et tant que j'aurai un souffle, je continuerai à inventer. »

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